L’exploitation raciste de féminicides a une longue histoire en France
En 1923, un féminicide commis par un « indigène » d’Algérie suscitait une exploitation raciste comparable à celle du viol et du meurtre de Philippine en 2024.
En 1923, un féminicide commis par un « indigène » d’Algérie suscitait une exploitation raciste comparable à celle du viol et du meurtre de Philippine en 2024.
Version papier : 14.00 € – Version numérique : 9.99 € Présentation de l’éditeur Né à Sarcelles de parents sépharades exilés d’Algérie et de Tunisie, de culture et de langue
Dans son film « Je ne suis pas chinetoque », la journaliste Émilie Tran Nguyen propose au téléspectateur de la suivre dans sa quête et de découvrir, en même temps qu’elle, les
Un podcast d’Affaires sensibles sur les crimes racistes à Marseille en 1973.
Deux cents et une personnalités d’horizons divers, dont l’ex-Défenseur des droits Jacques Toubon, appellent à marcher le dimanche 21 janvier dans toute la France pour demander au Président de la
Il y a quarante ans, le 15 octobre 1983, démarrait à Marseille la Marche pour l’égalité et contre le racisme, qui s’est terminée à Paris le 3 décembre par une
À partir d’août 1973, il y a cinquante ans, Marseille était le théâtre d’une série de meurtres racistes qui coutèrent la vie à au moins 17 personnes en quelques mois. C’est l’histoire qu’a raconté la romancière Dominique Manotti dans Marseille 73. A la suite de cette publication, cette dernière a été contactée par différents protagonistes de ce drame, qu’on peut aujourd’hui voir et entendre dans un film documentaire en accès libre. Nous lui ajoutons un podcast de France culture par l’historienne Hajer Ben Boubaker, dont les quatre épisodes reviennent sur l’histoire du Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) qui organisa la réaction antiraciste dans les années 1970.
Dans une tribune publiée par le journal helvétique Le Temps, la philosophe spécialiste du postcolonial Nadia Yala Kisukidi décrit la mondialisation actuelle d’un racisme hérité du colonialisme ou parfois plus ancien. Selon elle, s’il n’y a pas « une Europe lumineuse qui aurait éradiqué la haine à sa racine », ni non plus « d’Éden africain qui serait vierge de toute partition raciale ». Pour preuve la flambée de haine négrophobe meurtrière qui, du fait du pouvoir actuel, se produit à l’encontre des exilés noirs en Tunisie. Elle invite l’antiracisme à affronter cette « circulation des rhétoriques raciales » entre les continents. Nous ajoutons une émission de la chaîne Medi1TV Afrique consacrée à la situation en Tunisie et signalons une pétition de chercheurs de plusieurs continents contre les politiques européennes et tunisiennes anti-migrant·es et anti-noir·es.
Au lendemain du meurtre de Nahel M. par un policier le 27 juin 2023 et des violentes révoltes qu’il a provoquées, le gouvernement français refuse de s’attaquer aux causes réelles de la crise. Celles-ci sont pourtant documentées et analysées depuis longtemps par nombre de chercheurs et aussi pointées par divers organismes internationaux. On lira ici deux tribunes, du démographe Patrick Simon et du sociologue Hicham Benaïssa, publiées respectivement dans Libération et dans Le Monde. Toutes deux reviennent sur l’ampleur du racisme systémique en France depuis la fin de l’époque coloniale, tout particulièrement dans la police, et dénoncent un déni officiel pire encore que celui qui avait prévalu après les révoltes de 2005, qui aggrave la situation et prépare de nouvelles explosions.
Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a publié le 15 février 2023 un sondage qui confirme si besoin était l’existence en France d’un racisme structurel, dont sont notamment victimes les personnes noires. 91 % disent avoir été l’objet de discriminations raciales, particulièrement dans l’espace public et au travail. Le gouvernement d’Élisabeth Borne a quant à lui rendu public le 30 janvier 2023 un « plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026 » : 80 mesures principalement pédagogiques, dont « une visite obligatoire d’un lieu de mémoire » au cours de la scolarité. Un plan bien intentionné mais qui laisse un net sentiment d’incomplétude. Rien sur le contrôle policier « au faciès », pourtant maintes fois documenté comme systémique en France. On est loin d’affronter sérieusement un fléau qui plonge ses racines dans notre longue histoire esclavagiste et coloniale, comme le rappelle Anne Chemin dans un article du Monde sur le débat médiatique actuel sur un prétendu « wokisme ».
Les références au « grand remplacement » qui ont surgi à l’extrême droite lors de l’élection présidentielle de 2022 ne sont que la reprise d’un fantasme qui date de l’époque coloniale. Alain Ruscio montre dans un article publié par Mediapart que nous reproduisons ici que ce fantasme fut un filon politique abondamment exploité du XIXe siècle à nos jours. Dès que la colonisation a provoqué une immigration de travailleurs coloniaux en métropole est apparue la peur d’un « grand remplacement » en France des Blancs chrétiens par des non-blancs, souvent musulmans. Ce sentiment d’encerclement est antérieur à la guerre d’Algérie, mais celle-ci a accentué encore ce sentiment de crainte puisque les Algériens qui étaient nombreux sur le territoire de la métropole étaient désormais devenus des ennemis de l’intérieur.
S’il n’est plus cautionné par la biologie ou l’anthropologie, comme il l’était à l’apogée de la période coloniale, le racisme est loin d’avoir disparu. La vie psychique du racisme revient sur l’apport sous-estimé du psychanalyste Octave Mannoni (1899-1989), auteur notamment de Psychologie de la colonisation (1950). Celui-ci a évolué pendant un quart de siècle dans les colonies avant d’entamer un processus de « décolonisation de soi » coïncidant avec une tentative de décrire l’envers inconscient de la scène coloniale. En redonnant une visibilité à la réflexion pionnière de Mannoni, les auteurs explorent à partir de la mécanique du « démenti » les ressorts inconscients du racisme. Se dessine ainsi une histoire mineure de la psychanalyse française, qui avait affaire à la question raciale avant même que Fanon s’en saisisse ouvertement, et avant que Lacan annonce, une fois le cycle des décolonisations achevé, que « le racisme a bien de l’avenir ».