Bristol : une réinstallation critique exemplaire de la statue de l’esclavagiste Edward Colston
Déboulonnée lors du mouvement Black Lives Matter, la statue de l’esclavagiste Edward Colston est exposée au M-Shed Museum de Bristol.
Déboulonnée lors du mouvement Black Lives Matter, la statue de l’esclavagiste Edward Colston est exposée au M-Shed Museum de Bristol.
Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, des initiatives nombreuses de reconnaissance du passé esclavagiste et de réparations se produisent au Royaume-Uni. Après Edimbourg, Glasgow, Bristol, la Banque d’Angleterre, l’Université de Cambridge, ce sont l’Eglise d’Angleterre en janvier 2023 et le journal britannique de centre gauche The Guardian en avril 2023 qui ont « présenté des excuses », lancé des enquêtes et mis en œuvre un programme de « réparations ».
En juin 2020, en plein mouvement Black Lives Matter, une statue londonienne de Winston Churchill dut être protégée des manifestants antiracistes. En effet, comme le rappelle Tariq Ali dans Churchill, sa vie, ses crimes, publié en mai 2023 par La Fabrique, derrière le Churchill largement héroïsé pour son rôle durant la seconde guerre mondiale, se cache un féroce pacificateur impérialiste, responsable de nombreux crimes en Afrique du Sud, au Soudan, en Inde, comme en Irlande et aussi en Grèce. On trouvera ici la présentation de l’éditeur, un extrait du livre, une vidéo dans laquelle Tariq Ali revient sur Churchill, ainsi que la recension dans Le Monde Diplomatique d’un livre intitulé Le Crime du Bengale (Les nuits rouges, 2015), sur une famine organisée en 1943 par Churchill dont le bilan est estimé à 3 millions de morts.
Le couronnement de son nouveau souverain, Charles III, le 6 mai 2023, coïncide avec une confrontation du Royaume-Uni avec un passé colonial qui ne passe pas. L’entreprise coloniale qui a profondément marqué le développement du pays pendant quatre siècles continue à y faire polémique. Comme le souligne l’article de Marc-Olivier Bherer, envoyé spécial du quotidien Le Monde, que nous reproduisons ci-dessous, l’histoire et les historiens sont très présents dans le débat politique outre-Manche. En lien avec la question de la place dans le pays des citoyens britanniques liés par leurs origines aux anciennes possessions de l’Empire. Il est essentiel de l’observer en lien avec l’actualité française. L’auteur cite nombre d’ouvrages importants parus en Grande Bretagne et non traduits en français. Et il rappelle que c’est le député d’extrême droite Enoch Powell qui a lancé en 1968 le terme de « réémigration », repris aujourd’hui en France par l’extrême droite.
La dimension impériale et coloniale des 70 ans de règne d’Elisabeth II a été quasi-absente du flot d’hommages publiés en France lors de son décès. Elle a été davantage débattue au Royaume-Uni et surtout dans les anciennes colonies britanniques d’Afrique, d’Asie et d’Amérique, où des voix discordantes se sont élevées sur les réseaux sociaux pour rappeler les nombreux crimes coloniaux commis durant ce règne, comme au Kenya, en Inde ou au Nigéria. Nous publions ici un entretien par TV5 Monde avec la chercheuse Maud Michaud qui indique une absence de travail décolonial dans l’institution monarchique britannique, alors que ce travail a commencé dans d’autres institutions du pays.
A considérer son ennemi comme un sauvage, on finit par le devenir soi-même.
Une tribune de Robert Fisk, publiée le 8 mai 2004 dans The Independant1.
Une décision historique : le gouvernement britannique va indemniser d’anciens “rebelles” kényans – des “Mau-Mau” – qui avaient été victimes de la répression coloniale au cours des années 50.
Quatre Kenyans avaient engagé en 2009 des poursuites pour les tortures et mutilations qu’ils avaient alors subies. A la suite de la décision de la justice britannique de reconnaître comme éléments de preuve des documents d’archives que l’on croyait détruits 2, le gouvernement britannique a décidé de négocier.
Il a reconnu que «des Kényans ont été torturés ou ont subi d’autres formes de mauvais traitement aux mains de l’administration coloniale» et a accepté d’indemniser.
La condamnation par le gouvernement britannique de ces violations des droits de l’homme3 est un fait important. Il fera sans doute jurisprudence pour d’autres États de l’Empire Britannique – Chypre, Ouganda, Nigéria, Malaisie etc. De plus, on peut s’attendre à d’autres plaintes de victimes de violences contre les anciennes puissances coloniales – le Portugal, la Belgique, la France …
En septembre 1857 fut écrasée en Inde la première grande insurrection contre un empire colonial européen : la révolte des cipayes, soldats indigènes, contre leurs chefs britanniques, porteurs des « valeurs » occidentales. Londres apprit à ses dépens que nulle force ne peut venir à bout de fondamentalismes religieux qui se nourrissent de l’occupation étrangère. Cette leçon n’a été entendue ni par les Etats-Unis ni par Israël. Ni même, paradoxalement, par M. Anthony Blair.
Cet article de William Dalrymple4, version abrégée d’un texte publié dans la New York Review of Books, est paru dans Le Monde diplomatique d’août 2007.
Tony Blair a condamné, lundi 27 novembre, la traite des Noirs et exprimé sa « profonde douleur » à son propos. Mais il n’est pas allé jusqu’à présenter des excuses pour le « rôle actif » que la Grande-Bretagne a joué dans le développement de l’esclavage avec ses ports et son industrie.
Pour mieux comprendre le cours tumultueux de l’histoire irlandaise, et en particulier l’origine du conflit nord-irlandais, il faut rappeler à quel point cette dernière a profondément été marquée, à partir des XVI-XVIIe siècle, par sa subordination coloniale à la Grande-Bretagne voisine. La politique de soumission brutale des catholiques et le peuplement de l’Ulster par des colons protestants commencent à semer les germes de la confrontation. La libération du Sud à l’issue de la guerre d’indépendance de 1919-1921 aboutit, l’année suivante, à la partition de l’île, le Nord, à majorité protestante et unioniste (favorable à l’union avec la Grande-Bretagne), restant sous suzeraineté britannique.
Le vent se lève, dernier film de Ken Loach, Palme d’Or au festival de Cannes 2006, aborde la question irlandaise à travers le destin de deux frères amenés à s’affronter5.
Cet article est paru le 16 juillet 2006 sur le site http://www.jeuneafrique.com/ avec l’intitulé «Le “fardeau de l’homme blanc” » se refait une jeunesse». Il a pour origine l’article The story peddled by imperial apologists is a poisonous fairytale publié dans le Guardian du 28 juin 2006.