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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Pour l’accès des citoyens
aux archives publiques
une rencontre-débat importante
le 13 septembre 2021

Après l'annulation par le Conseil d'Etat de l'instruction générale interministérielle n° 1300 qui entravait l'accès aux archives, de nouvelles dispositions ont été votées par le parlement… au sein de la loi prévention d'actes de terrorisme et renseignement, qui ont été validées par le Conseil constitutionnel le 30 juillet 2021. Dans la newsletter de Public Sénat, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias s’en indigne. Il alerte contre la création d’une « forme de censure » empêchant la communication de documents indispensables au travail des historiens. Le 11 août 2021, le gouvernement a publié une nouvelle IGI 1300. Pour débattre de ses conséquences, et, plus généralement, du droit des citoyens d'accéder aux archives publiques, une rencontre-débat a lieu le 13 septembre 2021 à Paris. Inscriptions avant le 10 septembre.

Après la publication d’une nouvelle IGI 1300
une rencontre-débat aura lieu le 13 septembre 2021
sur l’accès des citoyens aux archives

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[INSCRIPTIONS AVANT LE 10 SEPTEMBRE/rouge]



Accès aux archives :
« C’est une lourde remise en question du travail des historiens »,
dénonce Pierre Ouzoulias

public_se_nat.jpgentretien avec Pierre Ouzoulias par Héléna Berkaoui, publié par la newsletter hebdo de Public Sénat, le 5 août 2021.
Source

« Un recul historique »

La réforme de l’accès aux archives publiques a été adoptée dans le cadre de la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement validée par le Conseil constitutionnel vendredi 30 juillet. Au Sénat, plusieurs groupes parlementaires avaient tenté de s’opposer à cette réforme lors de l’examen du texte en vain.

A première vue, cette réforme apparaît plus transparente. Elle généralise effectivement l’accès aux archives classées secret-défense au bout de cinquante ans. Seulement, des exceptions ont été inscrites dans ce texte en établissant quatre nouvelles catégories pour lesquelles il n’est pas possible de fixer un tel délai. Il reviendra à l’administration seule de déterminer le moment où ces documents connaîtront une « perte de valeur opérationnelle ». La formule est jugée sensiblement trop large.

Pour le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, cette réforme est « une lourde remise en question du travail des historiens et témoigne d’une « défiance immense » vis-à-vis des sciences humaines. Interview.


Public Sénat : Que reprochez-vous à la réforme de l’accès aux archives qui vient d’être validée par le Conseil constitutionnel ?

C’est un retour en arrière sans précédent. Avec ce texte, on crée des contraintes arbitraires sur l’accès aux archives. Une réforme fondamentale méritait d’ailleurs de passer autrement que comme un cavalier législatif dans un projet de loi sur le renseignement.

Pierre Ouzoulias
Pierre Ouzoulias
Il s’agit d’un changement important dans la formation de la connaissance historique. J’ai été rapporteur sur cet article pour la commission de la Culture, nous avions entendu la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui n’avait pas été auditionnée à l’Assemblée nationale. La CADA nous avait dit que, dans l’état du texte, cela pourrait créer des contentieux lourds pour savoir si les documents étaient communicables ou pas. Cela ajoute donc une étape supplémentaire et oblige la CADA à jouer un rôle qui n’est en principe pas le sien.

Cette réforme va produire, au mieux, un allongement de tous les délais de transmission des documents d’archives. Il faut aussi noter aussi que le ministre de la Culture n’a pas été consulté !

Quels effets va avoir cette réforme sur le travail des historiens et des archivistes ?

Concrètement, sur tous les documents concernés par cet article, le conservateur des archives, qui s’occupent du fond, va être obligé de savoir si le document entre dans les nouvelles catégories. Si c’est le cas, il devra déterminer si oui ou non on est au-delà de « la perte de valeur opérationnelle ». Cela va demander un travail supplémentaire d’interprétation pour autoriser l’accès aux archives au cas par cas.

Par ailleurs, un lecteur ne saura plus s’il peut avoir accès à une archive. Il faudra qu’il s’informe, au préalable, de la disponibilité du document. Vous imaginez toute la complexité, notamment pour les chercheurs étrangers qui devront découvrir sur place ce qui est communicable ou pas. C’est une remise en question lourde du travail des historiens.

Cela veut aussi dire que pour les étudiants en thèse, ça va être très difficile de mener leurs travaux sur des documents d’archive dont l’étudiant ne saura pas s’ils sont accessibles. Cela va obliger les historiens à une forme de censure sur un certain nombre d’archives. Je pense que l’on va voir à l’usage que ça va réduire énormément l’accès aux archives.

Selon vous, qu’est-ce qui a motivé le gouvernement à mettre en place cette réforme ?

C’est le résultat d’une forme d’autoritarisme. Le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale auprès du Premier ministre l’a simplement décidé. Il y a une volonté de contrôle, une méfiance vis-à-vis de la connaissance et des sciences humaines. Ils agissent comme si tous les chercheurs n’étaient que des islamo-gauchistes auxquels il ne faudrait pas donner accès aux ressources historiques parce qu’on ne sait pas ce qu’ils pourraient en faire.

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C’est ce que je trouve le plus dangereux parce que ça renvoie malheureusement à une défiance généralisée par rapport aux sciences humaines. Jusqu’à présent la République et l’histoire vivaient en grande harmonie, là on sent qu’il y a une rupture.

Le Conseil constitutionnel a posé deux réserves d’interprétation, qu’en pensez-vous ?

C’est important, il considère qu’il ne peut pas y avoir de rétroactivité de la loi sur la communicabilité des archives. C’est quand même un désaveu de la politique gouvernementale, ça paraît anodin mais c’est fort.

Emmanuel Macron avait pourtant dit sa volonté d’ouvrir l’accès aux archives, notamment suite à la remise du rapport Stora sur la guerre d’indépendance en Algérie.

Comme toujours, il fait du « et en même temps ». Tout dernièrement, Emmanuel Macron a annoncé que les archives concernant les essais nucléaires en Polynésie française seraient librement accessibles sauf celles qui permettraient d’avoir des informations sur l’arme nucléaire. On déclassifie des archives mais on permet de voter une loi qui restreint l’accès aux archives.

Par ailleurs, je pense que cette décision va au-delà de la guerre d’Algérie, il y a bien évidemment cette question, mais c’est plus général que ça. Les relations entre le gouvernement français et les sciences humaines se sont dégradées au cours de ce mandat, notamment avec le débat sur l’islamo-gauchisme à l’université. A ce moment-là, le discours était : il y a dans les facs des gens qui, au nom de la sociologie, prennent beaucoup de libertés avec la critique du gouvernement c’est acceptable mais pas sur des fonds d’Etat.


[SIGNEZ LA PETITION
POUR L’ACCES AUX ARCHIVES PUBLIQUES
qui s’approche de 20 000 signatures/rouge]


Voir les comptes Twitter du collectif qui a lancé cette pétition
@ArchiCaDebloque @Archivistes_AAF, @ahcesr



Archives : l’État publie une nouvelle instruction
sur les documents secret défense



actualitte_.pngpar Antoine Oury, publié dans ActuaLitté. Les univers du livre, le 11 août 2021.
Source

Au début du mois de juillet 2021, le Conseil d’État annulait l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, dénoncée depuis plusieurs mois par des associations et collectifs d’archivistes. Cette instruction générale interministérielle n° 1300 fermait en effet l’accès aux docu­ments anté­rieurs à 1970 et por­tant un tampon « secret », malgré les dispositions du code du patrimoine. L’État publie à présent une nouvelle instruction générale interministérielle n° 1300, mise à jour.

L’ins­truc­tion géné­rale inter­mi­nis­té­rielle n° 1300 (IGI 1300), première version, approuvée par un arrêté du 13 novembre 2020, avait été annulée « de manière sèche » par le Conseil d’État. L’Association des archivistes français, l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’Association Josette et Maurice Audin et d’autres archivistes l’avaient saisi, considérant que l’article 7.6.1 gênait considérablement la déclassification pour les docu­ments anté­rieurs à 1970 et por­tant un tampon « secret ».

Cet article soulignait ainsi qu’« aucun document classifié, même à l’issue du délai de communicabilité de cinquante ans fixé par l’article L. 213-2 du code du patrimoine, ne peut être communiqué tant qu’il n’a pas été formellement démarqué par l’apposition d’un timbre de déclassification […], sous peine de faire encourir au consultant et au personnel du service d’archives les peines prévues pour le délit de compromission ».

Ces quelques lignes venaient allonger les délais de déclassification et compliquer le travail des chercheurs : « Se trouve ainsi bloqué pen­dant des mois, et par­fois des années, l’accès à ces docu­ments et entra­vés des tra­vaux por­tant sur cer­tains des épisodes les plus sen­si­bles de notre passé récent, qu’il s’agisse des pério­des de l’Occupation, des guer­res colo­nia­les, ou de l’his­toire de la Quatrième République et des débuts de la Cinquième République », dénonçaient plusieurs organisations.

Le Conseil constitutionnel avait lui aussi émis des réserves, dans une décision du 30 juillet dernier.

De nouvelles dispositions dans la loi prévention d’actes de terrorisme et renseignement

Après l’annulation du Conseil d’État, le Premier ministre arrête désormais l’approbation d’une nouvelle ins­truc­tion géné­rale inter­mi­nis­té­rielle n° 1300. L’article 7.6.1 et son contenu, visés par le Conseil d’État, ont évidemment disparu, mais le texte prend désormais en compte les nouvelles dispositions votées au sein de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

L’article 25 de cette fameuse loi, particulièrement contestée par les archivistes, vient introduire de nouveaux délais en matière de communicabilité des documents, modifiant ainsi l’article L213-2 du code du patrimoine.

La nouvelle IGI n° 1300 rend compte de ces modifications, soulignant que « [d]ans la grande majorité des cas, la déclassification automatique intervient […] dans un délai de cinquante ans ». Mais précise plus loin : « La déclassification formelle ou automatique d’un document ne le rend pas nécessairement communicable. En effet, d’autres motifs d’incommunicabilité prévus à l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration et/ou d’autres délais de communicabilité au titre de l’article L. 213-2 du code du patrimoine peuvent s’appliquer. » On se référera en effet à cet article du code du patrimoine pour déterminer les délais ajoutés.

Une décision formelle de déclassification interviendra toujours dans certains cas, notamment lorsque les délais de communicabilité ne sont pas échus. Signalons enfin que les archives publiques « dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue » ne peuvent pas être consultées, toujours selon l’article L213-2 du code du patrimoine.

Cette nouvelle IGI n° 1300 est accessible à ici.


Nos articles sur cette bataille des archives
depuis septembre 2019



Le débat sur l’accès aux archives de la guerre d’Algérie le 29 octobre 2019

Des historiens protestent contre la fermeture de l’accès aux archives coloniales le 13 février 2020

La mémoire historique classée secret-défense ? le 17 février 2020

Un recours a été déposé au Conseil d’Etat pour demander l’ouverture des archives classées « secret-défense » le 25 septembre 2020

Divers articles, émissions de radio et un reportage d’Al Jazeera diffusé sur les réseaux sociaux après le dépôt du recours au Conseil d’Etat le 5 octobre 2020

La table ronde publiée par l’Humanité le 23 octobre 2020

Le gouvernement persiste à vouloir entraver, quitte à contredire les promesses du président, l’accès aux archives des guerres d’Indochine et d’Algérie le 29 novembre 2020

A la suite d’un nouveau texte qui aggrave la fermeture en cours. Pour l’accès aux archives. Un nouveau recours déposé au Conseil d’Etat le 18 janvier 2021

Accès aux archives de la guerre d’Algérie, un communiqué de l’Elysée ne donne pas satisfaction aux demandes d’un respect pur et simple de la loi le 10 mars 2021

• De nombreuses demandes en faveur du respect strict de la loi donnant accès aux archives de la guerre d’Algérie le 15 mars 2021

• La bataille citoyenne pour l’accès aux archives a connu un succès au Conseil d’Etat et se poursuit au parlement le 16 juin 2021

• Nouvelles prises de position sur le droit d’accès aux archives publiques le 25 juin 2021

• L’accès aux archives publiques doit-il dépendre du bon vouloir de l’armée
ou découle-t-il d’un droit des citoyens ?
le 1er juillet 2021

• Accès aux archives : une décision importante du Conseil d’Etat le 4 juillet 2021

• Archives : la lourde responsabilité des députés français le 13 juillet 2021

• A paraître : « Les disparus de la guerre d’Algérie » suivi de « La bataille des archives 2018-2021 » le 30 juillet 2021

• Après la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2021, un débat est nécessaire sur l’accès des citoyens aux archives le 31 juillet 2021

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