La première d’une série de rencontres
sur l’histoire coloniale franco-algérienne
Des articles sur notre site,
à propos des travaux de Raphaëlle Branche
• « En guerre(s) pour l’Algérie », une série TV importante conçue par Raphaëlle Branche (publié le 17/02/2022)
• Il y a vingt ans, la redécouverte par la société française de la torture dans la guerre d’Algérie (publié le 01/02/2021)
• Metz : hommage aux victimes, il y a soixante ans, de la « nuit des paras » et conférence de Raphaëlle Branche (publié le 06/08/2021)
• De nouveaux échos du livre essentiel de Raphaëlle Branche, Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? (publié le 08/10/2020)
• Raphaëlle Branche analyse la place de la guerre d’Algérie dans la société française (publié le 26/08/2020)
• La réédition de « L’embuscade de Palestro », de Raphaëlle Branche (publié le 13/01/2018)
• La torture dans « Muriel » d’Alain Resnais, par Raphaëlle Branche. Après avoir signé le manifeste des 121, Alain Resnais dénonçait la torture en Algérie (publié le 07/03/2014)
• Prisonniers du FLN, par Raphaëlle Branche. Ils furent près d’un millier, dont plus de la moitié ne revinrent pas de leur détention (publié le 30/01/2014)
• Les disparus d’Algérie, par Raphaëlle Branche. Rendre hommage à tous les anonymes tombés des deux côtés (publié le 10/07/2012)
• Palestro, Algérie : histoires d’une embuscade. Aux sources de l’embuscade sanglante du 18 mai 1956 (publié le 14/05/2012)
• Palestro, 18 mai 1956. Raphaëlle Branche revient sur un événement resté emblématique dans l’imaginaire national français (publié le 17/01/2011)
• « La Guerre d’Algérie : une histoire apaisée ? » de Raphaëlle Branche (publié le 08/11/2005)
• La torture pendant la guerre d’Algérie. Paroles d’historiens (publié le 30/06/2003)
Des articles sur notre site,
à propos de Jacques Inrep
• Archives de la guerre d’Algérie et traces psychologiques actuelles du temps des colonies, par Jacques Inrep
(publié le 03/01/2023)
• Jacques Inrep, ancien appelé en Algérie, demande l’accès aux circulaires
de Massu et de Salan ordonnant officiellement de torturer et de tuer les prisonniers
(publié le 09/03/2022)
• L’ex-appelé Jacques Inrep, qui avait transmis des documents sur la torture à Pierre Vidal-Naquet, témoigne d’un combat qui se poursuit
(publié le 05/04/2020)
La police française est-elle en train de se militariser ?
par Jacques Inrep, ancien appelé en Algérie, psychanalyste et militant de la LDH, pour histoirecoloniale.net
Je me pose cette question depuis quelques années : la police française est-elle en train de se militariser ? Plusieurs citoyens sont morts lors d’interpellations et la police est accusée de brutalité excessive. En particulier, il fut question d’étranglements. Mais que vient faire un vieux psychanalyste à la retraite dans ce genre d’affaire ? Je ne suis pas un spécialiste de la formation des policiers mais on m’a appris un certain nombre de techniques létales lorsque j’étais appelé en Algérie et j’espère que ces techniques létales n’ont aucun rapport avec le décès brutal de personnes entre les mains de personnels de police dont l’actualité nous a fourni plusieurs exemples.
Je ne suis pas un spécialiste es-étranglement, mais de par ma participation à la guerre d’Algérie, j’ai appris trois ou quatre façons d’étrangler son adversaire ou son ennemi. C’est lors d’un stage de close combat que j’ai acquis ces connaissances. Close combat : art martial extrêmement violent visant à neutraliser (tuer) l’ennemi. Pratiqué par plusieurs armées de par le monde. Souvent utilisé pour neutraliser (tuer) une sentinelle.
Lors de ma réflexion suite à des morts intervenues lors d’interpellations polières, me revint en mémoire notamment une de ces prises que nos moniteurs nous disaient être létales. Ils nous mettaient en garde en nous disant de ne pas les utiliser en dehors de combats avec un ennemi, car elles étaient extrêmement dangereuses.
Je me suis alors posé la question suivante : est-ce que l’on apprendrait dans les centres de formation des futurs policiers une méthode d’étranglement proche de celle de close combat citée plus haut ? Sachant que celle-ci pouvait être létale ?
Décemment, je ne pouvais pas aller toquer à l’école de police proche de mon petit village. Je me souvins alors que j’avais croisé, lors d’une émission de radio (France Culture) sur la guerre d’Algérie, un célèbre avocat qui défendait justement la famille d’un de ces citoyens décédés lors d’une interpellation. Après quelques recherches, j’arrivais à trouver le téléphone de son cabinet. Lors d’un entretien téléphonique, je tentais de lui expliquer, d’une manière très précise, la façon dont cette prise pouvait être utilisée. D’une manière très courtoise, il me fit comprendre que mon idée n’entrait pas dans sa future plaidoirie. Premier échec.
Puis, lors d’une discussion à bâtons rompus avec un ami, par ailleurs responsable de la LDH, je tentais, là aussi, en invoquant les brutalités policières, de lui demander si notre association ne pouvait pas se pencher sur cette éventuelle utilisation de cette prise létale par les policiers ? Je ne fus pas assez persuasif, car j’eus l’impression que ma question ne fut pas entendue. Je suis aussi un militant de la Ligue. Deuxième échec.
Troisième tentative. C’est lors d’un rassemblement local de la 4acg (anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre) que je posais la question à mes camarades du détournement éventuel d’une prise de close combat par des policiers lors d’interpellations mouvementées. Je me fis réprimander par le président de celle-ci ! Cela n’entrait pas dans les revendications de notre association, me dit-il (sic !). Nos valeurs étant centrées sur l’amitié à développer entre la France et l’Algérie. Bien-sûr, d’un point de vue citoyen nous aurions pu témoigner, mais ne voulant pas entrer dans une relation un brin parano, je m’abstins. Troisième échec.
Alors, si une sénatrice, ou un sénateur, me lit, peut-être faudrait-il aller voir les techniques d’étranglement enseignées dans les écoles de police ?
Une fois de plus, cette saloperie de sale guerre d’Algérie, faisait retour dans mes réflexions.
Depuis plusieurs années, notamment à partir des manifestations de gilets jaunes, les dégâts causés par les forces de l’ordre ont été largement documentés. Manifestants éborgnés, pieds abimés, mains contusionnées, parties intimes visées, etc. Une femme décédée. Je ne vais pas rédiger la liste de ces violences policières, cela a été fait par ailleurs.
De même, je ne vais pas m’attarder sur l’armement des policiers, certaines de ces armes pouvant être considérées comme étant des armes de guerre. Toutefois, en ce qui concerne certaines grenades, j’ai appris lors de mon service militaire, que certaines de celles-ci, potentiellement non létales, peuvent être extrêmement dangereuses si elles sont utilisées d’une manière inappropriée. Je pense en particulier à l’angle de tir ou à la proximité du manifestant visé.
Je vais plutôt réfléchir sur les nouvelles techniques utilisées par les forces de l’ordre. Celles-ci ressortent-elles d’un schéma policier ou d’un ordre de bataille militaire ?
Deux exemples de nouvelles techniques utilisées par les forces de l’ordre
Je ne vais prendre que deux exemples.
Premier exemple, la technique dite de la nasse, qui, parait-il, est efficace !
Elle me fait penser à ce qu’on appelait le ratissage lors de la guerre d’Algérie. C’est simple, on encercle l’ennemi, puis l’on avance en ratissant le terrain, mètre par mètre. En espérant l’arrestation de supposés « fells ». Même schéma avec la nasse, on encercle les manifestants, on les fouille, on les humilie… et on les dirige vers une sortie éventuelle. En plus, les forces de l’ordre se permettent quelques privautés lors des fouilles : une policière fouille la culotte d’une étudiante, des fois que celle-ci y cacherait un cocktail Molotov ! (sic)
Deuxième exemple, les interventions de la BRAV-M.
Dernier avatar des violences policières, lors des manifestations contre la mégabassine de Sainte-Soline. Deux cents blessés, dont deux graves. Justice en cours. Mais surtout, l’intervention des « cow-boys » de la BRAV-M, des quads surgissant dans la manifestation et matraquant à tout va. J’imagine la terreur des manifestants pacifiques devant cette chevauchée à la Mad-Max.
Mon propos va suivre la ligne rouge de cet article : est-on dans le champ d’une militarisation de la police française ? Est-on dans un schéma policier de maintien de l’ordre ou du déploiement d’une armée face à un ennemi ?
Je m’en vais retourner vers la guerre d’Algérie. Lors de combats très violents avec les maquisards de l’ALN, il arrivait parfois qu’un certain nombre de ceux-ci se retrouvaient encerclés, leur résistance étant particulièrement féroce, les militaires français faisaient alors appel aux « bananes volantes » (hélicoptères) transportant des parachutistes qui étaient censés apporter un soutien aux troupes au sol.
Le schéma pouvait être inverse : un petit groupe de soldats français, souvent des appelés, un commando d’une quinzaine d’hommes, pouvait être encerclé par une centaine de maquisards de l’ALN. Là aussi, on faisait appel aux « bananes volantes » pour favoriser la survie des pioupious de l’armée coloniale.
L’intervention des quads de la police me fait penser aux interventions des « bananes volantes » de l’armée française en Algérie.
Quid de la police française ? Est-elle là pour protéger le citoyen ? Est-elle là pour combattre un « ennemi » : le syndicaliste ? le manifestant ? l’opposant politique ? l’écolo ?… enfin, tous ceux qui ne voudraient pas adopter la marche arrière de Macron ?
La France est-elle devenue une république bananière ? Où ce serait « l’armée » qui ferait la loi ? Peut-être le « jeune homme » qui est actuellement ministre de l’Intérieur, a-t-il raté, lors de ses études primaires, l’épisode du capitaine Dreyfus ?
Pour conclure, les bras m’en tombent : ce ministre de l’Intérieur s’attaque à la Ligue des droits de l’Homme, cette vieille dame qui a tant fait pour ce pays ! Dans ses 125 ans d’histoire, seul le régime totalitaire de Pétain a osé se compromettre en s’attaquant à celle-ci !
Une autre rencontre organisée à Paris
autour de ces questions
• L’importance des quatre siècles de la période coloniale française (XVIIème-XXème) sur la construction de la société française du XXIème siècle.
• L’histoire coloniale est largement absente de la mémoire nationale ; le travail à faire pour combler cette méconnaissance.
• L’extrême droite et les forces politiques rétrogrades d’aujourd’hui se nourrissent de l’ignorance et de la persistance des préjugés sur cette période.
• Bref historique du site ldh-toulon.net devenu histoirecoloniale.net, ses animateurs et son appel à contributions et soutiens. Quelques projets : le travail sur le thème Citoyenneté et archives : la commémoration des 70 ans du 14 juillet 1953 ; le soutien à l’Association Josette et Maurice Audin…
• Discussions en groupes.
• Restitution des échanges dans les groupes et conclusion en plénière.