
Madagascar 1972-2025 : comment ne pas se faire voler sa Révolution ? par Marie Ranjanoro
L’écrivaine malgache met en perspective historique le soulèvement à Madagascar en septembre et octobre 2025.

L’écrivaine malgache met en perspective historique le soulèvement à Madagascar en septembre et octobre 2025.

Marie Ranjanoro est née à Madagascar en 1990, elle est arrivée en France en 2008, dans le cadre de ses études. En 2019, elle a créé Basy Vavy avec Hoby

Deux commissions mixtes d’historiens ont été annoncées par le président de la République. L’une sur Haïti, l’autre sur la répression de 1947 à Madagascar et ses « atrocités ».

Alors qu’une « commission mixte » a été annoncée par la France, Alain Ruscio fait ici le récit de la terrible répression survenue après l’insurrection indépendantiste de 1947.

Aujourd’hui je vais vous raconter l’histoire d’une des plus grandes rébellions contre la colonisation française. Elle s’est déroulée en 1947 à Madagascar. Elle a fait entre 11.000 et 100.000 morts

Dans cet article de synthèse, Raphaël Gallien et Maxence Habran, chercheurs au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (CESSMA) de l’Université de Paris, rappellent à quel point l’insurrection de 1947 et sa terrible répression par les troupes coloniales, au prix de dizaines de milliers de morts, constitue un épisode structurant pour la communauté nationale malgache d’aujourd’hui, même s’il est longtemps resté entouré de silence. Ils font le point sur les avancées historiographiques sur ce drame majuscule et montrent que les jeunes générations ont moins d’inhibitions que leurs aînées à évoquer 1947 comme un repère d’espérance et de fierté dans un pays qui voit le niveau de vie de ses habitants chuter sans discontinuer depuis le milieu des années 1970. Les obstacles dans la transmission des savoirs sur cette histoire restent tangibles, mais leur mémoire, un temps refoulée, s’affiche aujourd’hui au grand jour, lors de commémorations indissociables d’enjeux politiques contemporains et d’expressions culturelles (livres, films…) plus nombreuses.

Entre 1885 et 1973, la base navale stratégique française de Diego-Suarez, dans l’Extrême-Nord de Madagascar, fut l’un des hauts lieux de la politique coloniale de la France dans l’océan Indien.

Peu d’informations ont circulé lors de la terrible répression de Madagascar en 1947 et la mémoire de cet événement a été ignorée depuis, tant en France qu’à Madagascar, dans les médias comme dans les écoles. L’association Mémoires de Madagascar, qui souhaite favoriser la réappropriation de leur histoire par les Malgaches et tous les citoyens concernés de par le monde, soutient la diffusion du film « Fahavalo ». Elle a aussi réédité l’ouvrage « Madagascar 1947, la tragédie oubliée », l’un des rares sur ce sujet, qui rassemble les actes du colloque tenu à l’Université Paris 8 Saint-Denis en 1997. Nous publions en partie le texte de Françoise Raison-Jourde qui ouvre ce livre.

« Le rêve européen […] s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation.», déclarait Nicolas Sarkozy à Montpellier, le 3 mai 2007.
Voyons donc quel fut le rêve français à Madagascar, le rêve de Gallieni1.

Une insurrection de 21 mois noyée dans le sang. La répression coloniale française fera plusieurs dizaines de milliers de victimes – une des pages les plus noires de l’histoire de la Grande Île.
« Il faut, nous en avons parlé, aussi évoquer les pages sombres de notre histoire commune – il y en a eu – et donc il faut avoir conscience du caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial. En 1947, le sentiment national montait sur la Grande Ile où s’enchaînèrent des événements tragiques. Rien ni personne ne peut effacer le souvenir de toutes celles et de tous ceux qui perdirent injustement la vie et je m’associe avec respect à l’hommage qu’ils méritent.
Nous ressentons aussi ce désir profond que nous avons tous, Malgaches et Français, de vivre en paix avec le passé. Poursuivons, car il est nécessaire, un travail de mémoire qui retrace les faits et qui puisse apaiser les coeurs. »
Discours du président français à Madagascar, le 21 juillet 2005.