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Édition du 1er au 15 octobre 2024

La promesse trahie ou la déportation de Béhanzin

Parmi les personnalités qui subirent la déportation coloniale, plusieurs avaient accepté leur reddition en échange de promesses qui n’ont pas été tenues. Parmi elles Béhanzin.

Qui était Béhanzin ?


Le prince Kondo, né en 1845, prit le nom de Béhanzin (ou Gbéhanzin), lorsqu’il devint roi de la monarchie dahoméenne le 1er janvier 1890, à la suite du décès de son père le roi Gléglé. Le Dahomey (actuel Bénin) était alors en crise avec les Français qui voulaient s’approprier le port de Cotonou, la capitale actuelle du Bénin, pour en faire la porte de la pénétration économique dans l’intérieur. La proposition française d’achat de territoire, faite au roi du Dahomey, avait été rejetée car contraire aux traditions du royaume. En 1890, les troupes dahoméennes et françaises s’affrontèrent et le conflit tourna plutôt au profit de Béhanzin. Un traité de paix fut signé la même année mais les combats reprirent l’année suivante. Ils furent meurtriers pour les deux camps et aboutirent, fin 1892, au quasi-anéantissement de l’armée dahoméenne. Béhanzin mit le feu au palais d’Abomey avant de fuir. Il fut déchu du trône par les Français et le Dahomey placé sous protectorat français.

Béhanzin


La conquête du Dahomey de 1892 à 1894 fut conduite par Dodds, promu général, qui considérait que ce royaume ne serait réellement vaincu qu’à condition que Béhanzin fût fait prisonnier. Il y parvint. Béhanzin se soumit le 25 janvier 1894 et embarqua pour la Martinique avec sa famille. Il vécut onze ans dans cette île, d’abord emprisonné au fort de Tartenson puis en résidence surveillée.


Il demanda, en vain, à plusieurs reprises au Président de la République de revenir dans son pays. Une de ses requêtes est particulièrement intéressante. Elle fut relayée par le publiciste Adolphe Lara, directeur de la Démocratie de la Guadeloupe qui, en 1905, écrivit à Francis de Pressensé, président de la Ligue des droits de l’Homme pour lui demander d’obtenir que fût mis fin à cette déportation. Sa lettre était accompagnée d’un mémoire, rédigé par le fils de Béhanzin qui avait accompagné son père en exil. Dans ce mémoire, son père explique qu’il s’est rendu à l’invitation du général Dodds parce qu’il voulait se rendre en France pour y rencontrer le Président de la République. C’est, donc, croyant se rendre en France qu’il embarqua sur un bateau qui le conduisit à la Martinique. Il ne rencontra jamais le Président de la République. La promesse ne fut jamais honorée.


Il fut transféré en Algérie en 1906 et y décéda la même année. Le retour de sa dépouille au Dahomey, seulement en 1928, fut l’occasion de funérailles grandioses. Les honneurs militaires furent rendus à celui qui était devenu un martyr de la colonisation.


Son règne fut court, moins de trois ans, son exil dura 12 ans mais aujourd’hui pour les Béninois, Béhanzin est un héros national, comparable à Vercingétorix. Les Français connaissent très peu le général Dodds mais celui-ci, comme Jules César, insista sur les qualités morales de bravoure et de courage de Béhanzin. Il fit de ce dernier un adversaire à la hauteur des ambitions françaises, renforçant la légitimité de la présence du colonisateur.


Dodds fit saisir son trône et d’autres objets royaux pour les expédier en France. Les œuvres pillées furent conservées au Musée de l’Homme, puis au Musée du Quai-Branly Jacques Chirac. Elles ont été restituées à la République du Bénin le 27 octobre 2021. Avant d’être restituées, les 26 œuvres furent montrées ensemble au musée parisien du Quai-Branly. Elles sont aujourd’hui au musée Béhanzin à Cotonou.

Dorothée Rivaud-Danset

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