Paris rend hommage à Jacques de Bollardière, général français engagé contre la torture en Algérie
Un nom, coincé entre deux grandes figures de la marine française, Suffren et la Motte Picquet, celui de Jacques Pâris de Bollardière. Après avoir fait ses armes dans les rues de Rennes et de Nantes, le général gagne des galons et entre dans la capitale. Bertrand Delanoë a baptisé, jeudi après-midi, “Général Jacques Pâris de Bollardière” le carrefour entre les avenues de Suffren et de la Motte-Picquet, dans les VII et XV arrondissements, au coeur de Paris.
Le conseil de Paris avait décidé à l’unanimité de rendre ainsi hommage à ce général qui « a condamné la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie » et dont le maire de Paris a fait éloge de « la droiture » et du « courage », évoquant « sa lutte contre les atrocités faites aux Algériens ». Né en 1907 à Chateaubriand (Loire-Atlantique), officier de l’armée française, combattant de la Seconde Guerre mondiale et rallié aux Forces françaises libres, il avait été l’un des rares officiers français à recevoir la plus haute distinction militaire britannique, le Distinguished order Service and Bar, pour ses engagements et ses combats pendant la guerre.
Une figure de la non-violence
Affecté au centre des hautes Etudes militaires en 1953, il est promu général de brigade en Algérie trois ans plus tard. C’est à cette époque que Jacques de Bollardière prend position contre la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie, pratiquée par une partie de l’armée française en charge de la recherche de renseignements. Fervent catholique, il est meurtri par ces actes de cruauté et écrit à ce sujet : « Je pense avec respect infini à ceux de mes frères, arabes ou français, qui sont morts comme le Christ, aux mains de leurs semblables, flagellés, défigurés par le mépris des hommes ».
Relevé de son poste et emprisonné durant 60 jours à cause de ses dénonciations publiques, il devient un membre actif du Mouvement pour une alternative non violente avec sa femme Simone. Il est notamment arrêté en 1973, au large de Mururoa, alors qu’il manifeste contre les essais nucléaires atmosphériques. Homme engagé, il était aussi le président de l’association Logement et promotion sociale, de 1968 à 1978.
A la fin de la cérémonie d’inauguration, la veuve du général français a déclaré que « les Algériens étaient eux aussi à l’honneur », rappelant que son « mari les avait aimés et défendus ». Le carrefour Jacques de Pâris de Bollardière rejoint la place du 8 février 1962, à coté de la station de métro Charonne, inaugurée en février dernier par Bertrand Delanoé, en hommage aux manifestants morts pour avoir dénoncé les agissements de la guerre d’Algérie, et celle dédiée à Maurice Audin, militant anticolonialiste « disparu » – plus certainement tué par l’armée française – en Algérie.
La France revient avec l’hommage rendu à Jacques de Bollardière sur une époque qu’elle a longtemps essayée d’occulter. « La guerre, écrivait le général, n’est qu’une dangereuse maladie d’une humanité infantile qui cherche douloureusement sa voie. La torture, ce dialogue dans l’horreur, n’est que l’envers affreux de la communication fraternelle. Elle dégrade celui qui l’inflige plus encore que celui qui la subit. Céder à la violence et à la torture, c’est, par impuissance à croire en l’homme, renoncer à construire un monde plus humain », ajoutait-il, invitant à la réflexion sur des pages d’Histoire qui semblent encore aujourd’hui se répéter.