Photo extraite de « Camp de Thiaroye », le film d’Ousmane Sembène qui a commencé à sortir de l’oubli cette tragédie. Photo : (C) Prod.
Le train des commémorations de 2024 liées aux différentes cérémonies autour du 80ème anniversaire de la Libération de la France et au 11 novembre qui marque la fin la Première Guerre mondiale nous rappelle la place centrale occupée par des soldats venus de l’empire colonial français dans les guerres du XXème siècle.
Dans l’Hexagone tout comme au Sénégal, l’année 2024 se clôt sur le souvenir d’un épisode emblématique des pires aspects du sort fait aux soldats coloniaux lors des deux guerres mondiales. Alors que la Libération de la France et la défaite du pouvoir nazi semblaient ouvrir de nouvelles voies vers l’émancipation des peuples colonisés, alors que le pouvoir colonial était de plus en plus contesté dans le monde, est survenu le massacre des Tirailleurs au camp de Thiaroye, dans la périphérie de Dakar, le 1er décembre 1944. Ce drame de Thiaroye a inauguré une sombre période de l’histoire de la France marquée par des guerres visant au maintien de l’Empire colonial durant lesquelles une série de crimes coloniaux ont été commis, au Vietnam, à Madagascar, en Côte d’Ivoire, en Algérie, au Cameroun et ailleurs.
Le 1er décembre 2024, on commémorera au Sénégal et en France le massacre de centaines de « tirailleurs sénégalais », originaires de toute l’Afrique Occidentale Française, qui réclamaient à Thiaroye, près de Dakar, le 1er décembre 1944, leur dû, c’est-à-dire leurs soldes pour leurs années de captivité qu’ils avaient passées en France depuis 1940. Leur violente répression fut un crime de l’armée française longtemps nié par une version officielle mensongère qui inventa une « mutinerie » et minimisa fortement le bilan de la tuerie. Il s’agit d’un crime de masse qui n’est toujours pas reconnu officiellement comme tel par la France et dont le nombre exact des victimes reste à établir.
Le présent dossier, actualisé au 1er décembre 2024, comprend d’abord le programme d’un important colloque scientifique organisé à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar les 2 et 3 décembre 2024 qui témoigne de la volonté du Sénégal de ne pas laisser aux autorités françaises le monopole de la narration de cet épisode. Il rend compte de la reconnaissance par Emmanuel Macron d’un massacre » dans une lettre au président sénégalais et d’une proposition de création d’une commission parlementaire par de nombreux députés. Il comporte aussi une revue de presse sur le 80e anniversaire, une tribune collective exigeant la vérité, un rappel des initiatives prises en France. Un article de Dorothée Rivaud-Danset nous apprend qu’en 1899 déjà, l’État français tentait de gruger les premiers tirailleurs africains venus en France. Enfin, outre un rappel des nombreuses publications sur le massacre de Thiaroye de notre site depuis 20 ans, on rappelle l’histoire de la sculpture érigée en 1924 à la fois à Reims et à Bamako en hommage aux tirailleurs africains qui ont joué notamment un rôle décisif dans la défense de la ville de Reims. Cet article attire aussi l’attention sur l’absence aujourd’hui dans les listes de noms gravés sur nos monuments aux morts de ceux des soldats nés au loin dans l’empire colonial et morts ici en combattant pour la France. Une absence choquante, injuste, et qui doit être réparée.
Cheikh Sakho, membre de la rédaction du site histoirecoloniale.net
• Programme du colloque de Thiaroye à Dakar – 2 et 3 décembre
• Tribune : « Il est temps que le massacre de Thiaroye soit officiellement reconnu par la France »
• Revue de presse du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye
45 ans avant Thiaroye, des tirailleurs se rebellaient déjà pour percevoir leur dû
• Morlaix-Thiaroye 1944 – 2024, agenda des commémorations du 80e anniversaire
• Les initiatives en 2024 du Réseau Mémoires & Partages
• 11 Novembre : ne pas oublier les fusillés pour l’exemple et les soldats coloniaux
• Nos publications depuis 2004 sur les tirailleurs et sur Thiaroye