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Édition du 1er au 15 décembre 2024

11 novembre : ne pas oublier les tirailleurs coloniaux

Tous les noms des tirailleurs coloniaux de 14-18, nés ailleurs mais morts ici, morts pour ou parfois par la France, doivent être inscrits sur les monuments aux morts ou à proximité.

11 novembre : ne pas oublier les fusillés pour l’exemple et les soldats coloniaux

publié par Histoire coloniale et postcoloniale sur Mediapart le 11 novembre 2024.

Source

Comme l’a rappelé ce 11 Novembre sa présidente dans le fil Twitter de la Ligue des droits de l’Homme, nous ne devons pas oublier les fusillés pour l’exemple de 14-18 après des condamnations de tribunaux militaires. Ni le sort des tirailleurs coloniaux, nés ailleurs mais morts ici, dont les noms sont absents. On attend l’inscription de tous leurs noms sur les monuments aux morts.


En ce 11 novembre, de nombreux rassemblements ont été organisés devant les monuments aux morts de notre pays, et, dans plusieurs lieux, des associations pacifistes ou de défense des droits humains ont rappelé la mémoire des fusillés pour l’exemple, des mutins, des engagés étrangers européens et des soldats coloniaux victimes d’arbitraire et d’injustices durant la Première guerre mondiale.

Tous les fusillés pour l’exemple à la suite de condamnations des tribunaux militaires n’ont pas leurs noms sur les monuments aux morts. Et doivent aussi entrer dans la mémoire collective le sort des soldats français déportés par une simple décision administrative dans les bagnes coloniaux et celui des militaires affectés aux « bataillons de discipline », qui, du fait des tâches qui leur étaient confiées, ont été souvent voués à la mort. 

Ne doit pas non plus être oublié le sort des engagés volontaires étrangers européens incorporés dans des régiments de marche de la Légion étrangère. Ils se sont engagés car ils vivaient en France et voulaient faire comme leurs copains français qui étaient mobilisés et défendre la France, mais ils n’ont pas été affectés comme eux dans des régiments d’infanterie mais dans des « régiments de marche », c’est-à-dire constitués pour l’occasion, de la Légion étrangère, commandés par des officiers de métier, légionnaires, habitués aux guerres coloniales, et souvent racistes. La LDH a dénoncé pendant la guerre des injustices et des violences parfois mortelles à l’encontre d’engagés volontaires Juifs d’Europe centrale ou orientale, ou d’originaires de l’Empire ottoman, d’Arménie, de Grèce ou de Russie. Ne doit pas non plus être oublié le sort des soldats coloniaux victimes de recrutements forcés, de promesses non tenues, d’un emploi inconsidéré meurtrier comme au « Chemin des dames » et d’un quasi-abandon après-guerre, ainsi que celui des dizaines de milliers d’originaires des colonies qui ont connu une mortalité très élevée lorsqu’ils ont été affectés dans les usines d’armement. 

Tous ces étrangers européens ou coloniaux méritent d’être évoqués devant les monuments aux morts, où certains de leurs descendants, vivant en France ou devenus français, sont parfois présents lors des cérémonies. Ces morts pour la France méritent, eux aussi, de recevoir l’hommage de la nation.

Des associations s’y sont employées à l’occasion des commémorations de l’armistice du 11 Novembre 1918, telle celles qui ont participé à Reims à la commémoration du centenaire du monument aux héros des troupes coloniales qui avaient défendu la ville. Voir le reportage de France 3 Grand Est de la cérémonie pour le centenaire de ce monument construit en 1924 à l’identique d’un monument semblable érigé à Bamako et toujours visible aujourd’hui, ainsi qu’une émission de cette chaine à son sujet, avec notamment quelques mots de Cheikh Sakho, l’initiateur de la reconstruction de ce monument, auteur d’une thèse essentielle sur l’histoire des tirailleurs africains et membre de l’Association Histoire coloniale et postcoloniale.

Ce monument de Reims avait été démantelé par les nazis en septembre 1940 et ses éléments ont été transportés à Berlin sur l’ordre de Hitler et Himmler, peut-être, pense Cheikh Sakho, pour le montrer comme un exemple d’« art dégénéré ». Mais, en tout état de cause, il n’a pas été fondu, les lois de Vichy sur la fonte des métaux ne sont intervenues qu’en 1941 et 1942 et c’est par erreur que des historiens ont affirmé qu’il avait été dynamité ou enlevé pour récupérer le métal [1]. C’est vers 2010, durant le mandat de la maire de Reims, Adeline Hazan, de 2008 à 2014, qu’il fut proposé de le reconstruire à l’identique. Haussé sur un socle contemporain, il a été inauguré en novembre 2018.

Voici la photo de la cérémonie de ce 11 novembre 2024 à laquelle des officiels et de nombreux enfants des écoles primaires, collèges et lycées ont participé, ainsi que les membres du Conseil municipal des jeunes de la ville.

Illustration 1

Cette demande de reconnaissance est aussi formulée par l’association Pour la Mémoire, contre l’Oubli qui a diffusé le 11 Novembre 2024 le communiqué ci-dessous.

Note

[1] Par exemple, Jean-Loup Saletes dans son article, « Les Tirailleurs dans la Grande Guerre et la codification d’un racisme ordinaire », Guerres mondiales et Conflits contemporains, n° 244, décembre 2011, p. 135 : « Le premier soin des Allemands en 1940 fut de dynamiter ce monument : témoignage des conséquences de l’intense propagande à laquelle se livrèrent les deux camps sur le thème des atrocités des uns et des autres, cruauté des casques à pointe et carnage sans merci aux coupe-coupe des Sénégalais ». 


Communiqué de l’association pour la Mémoire, contre l’Oubli

Hommage aux soldats et travailleurs des colonies mobilisés pendant la Première Guerre mondiale

En ce 11 novembre 2024, nous commémorons le 106ème anniversaire de l’armistice de 1918.

L’association Pour la Mémoire, Contre l’Oubli honore la mémoire de tous celles et ceux qui sont morts dans cet effroyable conflit. A l’heure où notre pays est touché par une montée sans précédent du racisme et de la xénophobie, nous souhaitons avoir une pensée toute particulière pour les soldats et travailleurs venus des colonies françaises en rappelant leur courage et leur sacrifice qui ont été déterminants dans la victoire de la France. Leur engagement mérite aujourd’hui une reconnaissance pleine et entière.

Durant les quatre années de conflit, la France a ainsi mobilisé près de 600 000 hommes originaires de ses colonies, de l’Afrique à l’Asie en passant par le Pacifique. Des soldats africains, algériens,  indochinois, polynésiens et kanaks ont quitté leur terre natale pour se battre sur les fronts européens, tandis que des travailleurs coloniaux prenaient part à l’effort industriel dans les usines, les fermes et les chantiers en France métropolitaine et de l’empire colonial.

Les troupes d’Afrique, tirailleurs sénégalais, algériens ou marocains, ont combattu avec courage dans des conditions terribles, supportant le froid, la boue, les privations et les combats acharnés des tranchées. 100 000 travailleurs algériens ont été mobilisés dans les usines d’armement.

Du côté de l’Indochine, quelque 49 000 hommes, dont 9 000 soldats et 40 000 travailleurs sont également venus soutenir l’effort de guerre, souvent en effectuant des travaux lourds et sous des conditions de vie précaire.

Dans le Pacifique, environ 1 000 Kanaks de Nouvelle-Calédonie et 300 Polynésiens ont également pris part au conflit. Sur le front, ces hommes ont découvert un climat sans comparaison avec leur quotidien insulaire. Leur sacrifice témoigne de leur engagement envers la France, et leurs descendants portent aujourd’hui avec fierté la mémoire de cette importante contribution.

Environ 78 000 soldats des colonies ont ainsi donné leur vie au service de la France durant cette guerre.

Malgré leur sacrifice, les soldats et travailleurs coloniaux ont longtemps été sous-représentés dans la mémoire collective de notre pays et les commémorations officielles. Aujourd’hui, il est nécessaire de reconnaître pleinement leur rôle et de réparer cette injustice historique.

Notre association souhaite ainsi que des hommages officiels spécifiques, visibles et inclusifs soient organisés avec la construction de mémoriaux dédiés. Les pensions doivent être revalorisées. Leur histoire doit également bénéficier d’une meilleure intégration de leur histoire dans les programmes scolaires.

Le 11 novembre, en plus d’honorer les soldats français tombés pour notre pays, l’association Pour la Mémoire, Contre l’Oubli, rend hommage à ces soldats et travailleurs des colonies, qui ont payé un lourd tribut pour défendre une nation souvent bien lointaine de leur quotidien et qui leur montrera finalement assez peu de gratitude. En leur mémoire, nous réaffirmons notre devoir de reconnaissance et soulignons l’importance de leur héritage dans notre histoire partagée. Il est temps de reconnaître leur sacrifice et de réparer les torts du passé en leur accordant la place qu’ils méritent dans l’histoire et la mémoire collective de notre pays.

Contact :

Perpignan – Mehdy Belabbas – Montreuil – Halima Menhoudj.


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