4 000 articles et documents

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Édition du 1er au 15 décembre 2024

Contrôles au faciès : l’Etat condamné pour “faute lourde”

Mercredi 24 juin 2015, pour la première fois, l’État français a été condamné pour faute lourde suite à des contrôles au faciès. Il devra verser 1 500 euros de dommages et intérêts à cinq parmi treize plaignants. La justice a qualifié les contrôles en question de discriminatoires (marques de familiarité, usage du tutoiement, manque global de respect ...). Les plaignants étaient âgés de 18 à 35 ans au moment des faits. Tous étaient étudiants ou salariés et aucun n'avait de casier judiciaire. Ces treize personnes, s’estimant victimes de « contrôle au faciès », avaient assigné l’Etat en justice en 2012. Déboutées en octobre 2013, elles ont comparu le 25 février 2015 devant la cour d’appel de Paris – elles ont alors bénéficié du soutien du Défenseur des droits. L'État a deux mois pour se pourvoir en cassation s'il le souhaite, mais on peut espérer que cette décision de justice permettra de lutter contre une pratique discriminante et humiliante envers une certaine catégorie de jeunes.

L’Etat condamné pour « faute lourde » après des contrôles au faciès

Le Monde.fr avec AFP, le 24 juin 2015

Le jugement était attendu depuis près de trois mois et marque une première en France. La cour d’appel de Paris a condamné mercredi 24 juin l’Etat français pour « faute lourde » dans cinq cas de « contrôle au faciès », selon les avocats des plaignants. L’Etat s’est vu ordonner par la cour d’appel de Paris de verser 1 500 euros de dommages et intérêts aux intéressés, a précisé Me Félix de Belloy.

Déboutées en première instance en juillet 2013, treize personnes dénonçant des discriminations lors de contrôles de police « au faciès » avaient interjeté appel le 25 février 2015 pour demander réparation. Toutes avaient décrit des contrôles abusifs, parfois associés à des palpations ou à des manques de respect comme le tutoiement ou des marques de familiarité. Pour cinq d’entre eux, la cour a jugé que ces contrôles n’étaient « pas justifiés », qu’ils « étaient bien discriminatoires », selon Me Félix de Belloy.

Agées de 18 à 35 ans, étudiantes ou salariées et sans casier judiciaire, ces personnes ont fait l’objet de vérifications d’identité à répétition alors qu’elles vaquaient à des occupations ordinaires comme, par exemple, marcher dans la rue. Selon elles, ces contrôles se baseraient essentiellement sur des critères « de race ».
Pourtant, comme l’a rappelé Me de Belloy, « la règle » veut que les contrôles d’identité, encadrés par l’article 78-2 du code de procédure pénale, soient motivés par un « comportement qui éveillerait la suspicion ». Les autres situations — une réquisition du procureur pour une infraction donnée et des contrôles « préventifs » en cas de troubles à l’ordre publics — sont censées être des « exceptions ». « La police, avec l’assentiment de l’Etat, ignore depuis vingt ans le cadre légal dans lequel elle est censée intervenir », a affirmé l’avocat.

Une étude menée en 2009 par deux chercheurs du CNRS, citée par les parties civiles, a permis d’établir la réalité statistique de leur expérience. L’observation de 525 contrôles d’identité en différents endroits de Paris a montré qu’un Noir et un Arabe ont respectivement 6,2 fois et 7,7 fois plus de risques de se faire contrôler qu’un Blanc.

La « lutte contre le “délit de faciès” dans les contrôles d’identité » était l’un des 60 engagements de la campagne de François Hollande. Dans cette optique, Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, avait assuré en juin 2012 que seraient mis en place des récépissés, que les policiers seraient obligés de délivrer aux personnes dont ils contrôlent l’identité. La mesure avait finalement été abandonnée par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, dès l’été 2012.

Facebook
Twitter
Email