L’hommage du site de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage
Source Jean-Pierre Sainton, (1955-2023) professeur d’Histoire contemporaine & histoire de la Caraïbe à l’Université des Antilles, laboratoire AIHP-GEODE, était le président de l’Association of Caribbean Historians (ACH) et membre du conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Né à Paris, en 1955, d’un père guadeloupéen et d’une mère martiniquaise, il a passé la première partie de son enfance chez ses grands-parents en Martinique. Fils d’un militant indépendantiste arrêté lors de la répression de mai 1967 en Guadeloupe, Jean-Pierre Sainton a choisi de devenir historien, après avoir été l’élève de Jacques Adélaïde-Merlande, pionnier de l’histoire des Antilles. En parallèle de ses études, il s’engage dans le combat militant en étant responsable de l’association générale des étudiants de Guadeloupe. En 1985, il signe le premier ouvrage consacré à la mémoire de « Mé 67 », cet événement majeur des luttes sociales dans les outre-mer. Après avoir passé sa thèse en 1997 sur « Les nègres en politique : couleur, identités et stratégies de pouvoir en Guadeloupe au tournant du siècle », il devient professeur d’histoire contemporaine à l’université des Antilles, où il a aidé à créer deux masters : l’un d’histoire patrimoniale en Martinique et l’autre de Sciences humaines et sociales en Guadeloupe. Il a été doyen du département pluridisciplinaire de Lettres, Langues et Sciences Humaines et chargé de mission pour la création du campus du Camp Jacob en Guadeloupe. Il a formé de nombreux étudiants et signé de nombreux ouvrages, dont une histoire des Caraïbes en deux volumes qui reste une référence. Il a œuvré pour le rapprochement régional des chercheurs de la Caraïbe à travers l’Association des historiens de la Caraïbe. Curieux de tout, il défendait une certaine idée de l’histoire populaire, dans ses centres d’intérêt, qui allaient de la vie politique aux Antilles à l’importance de la musique dans les mouvements de libération, comme dans son goût de la transmission vers le grand public, qui en faisait un conférencier prisé et un chercheur fréquemment sollicité par les médias.
Ses principaux ouvrages
- 1985 : Mé 67 » ; Mémoire d’un événement, co-écriture avec Raymond Gama.
- 1997 : Thèse de doctorat : Les Nègres en politique; Couleur, Identités et stratégies de pouvoir en Guadeloupe au tournant du siècle.
- 2009 : Couleur et société en contexte post-esclavagiste ; la Guadeloupe à la fin du XIXe siècle.
- 2010 : Dossier d’HDR : De l’Habitation vers la Cité : contribution à l’histoire sociale et politique des Antilles françaises.
- 2004/2012 : Histoire et Civilisation de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Petites Antilles) : Structures et dynamiques de la construction des sociétés. Tome 1: Le temps des Genèses des origines à 1685. Tome 2 : Le temps des Matrices; Economie et cadres sociaux du long dix-huitième siècle.
- 2012 : La décolonisation improbable ; cultures politiques et conjonctures en Guadeloupe et en Martinique (1943-1967).
- 2021 : Rosan Girard : Chronique d’une vie politique en Guadeloupe.
Lire une critique signalant l’importance de son dernier ouvrage : a propos de rosan girard de jean pierre sainton par sylvain mary
Lire sur notre site la présentation de l’ouvrage en collaboration paru en 2023 :
Nombreux hommages à Jean-Pierre Sainton aux Antilles
publié par 1 Portail des Outre-Mer le 22 août 2023. Source La Guadeloupe a perdu, la nuit dernière, l’un de ses intellectuels, un historien de renom, un professeur qui a marqué d’une pierre blanche l’Université des Antilles et beaucoup écrit sur l’histoire de la Guadeloupe, en particulier sur les évènements de Mai 1967 : Jean-Pierre Sainton s’en est allé, à l’âge de 68 ans. Le Docteur en histoire, professeur d’université et militant nationaliste Jean-Pierre Sainton est décédé, la nuit dernière, du lundi 21 au mardi 22 août 2023, à l’âge de 68 ans. Son combat aura été d’inscrire la Guadeloupe dans son histoire. Homme de production scientifique, prolixe, il aura dirigé, écrit ou coécrit de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’archipel. Il a notamment dirigé un ouvrage de référence : Histoire et civilisation de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Petites Antilles) aux Editions Karthala. L’homme avait la Guadeloupe chevillée au corps.
Un homme engagé
Il a été marqué par l’arrestation de son père, militant indépendantiste lors des évènements de Mai 1967. Un épisode qu’il va d’ailleurs retranscrire dans Mé 67. Mémoire d’un évènement. Jean-Pierre Sainton a été un fervent militant, au sein de l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe (UPLG), mais aussi de l’Association générale des étudiants guadeloupéens (AGEG). Après avoir débuté ses études supérieures en Guadeloupe, le DEUG en poche, c’est à Nanterre qu’il va poursuivre en licence. De retour en Guadeloupe, il va passer son doctorat et devenir enseignant chercheur, habilité à diriger les recherches. L’enseignant aura formé plusieurs générations d’étudiants et contribué à la mise en place d’une vraie filière d’histoire au Camp Jacob, à Saint-Claude, l’un des sites de l’Université des Antilles. Il va militer pour la transformation de cette antenne en véritable faculté. Jean-Pierre Sainton avait fait valoir ses droits à la retraite depuis quelques mois.De multiples hommages, à l’annonce de son décès
Julien Merion, lui-même enseignant à l’Université, nous parle de son ami Jean-Pierre Sainton, professeur d’histoire à l’Université des Antilles et, plus précisément, à la faculté Roger Thoumson de Saint-Claude, mais aussi un homme engagé : « Jean-Pierre est professeur, mais il y a une chose que beaucoup de gens ignorent : il est président de l’association des historiens de la Caraïbe. Et, à ce titre-là, il participe à toute une série de travaux sur la région. Et, Jean-Pierre, de ce point de vue est un chercheur émérite. »Harry Broussillon, sociologue et ancien maire de Petit-Bourg : « Jean-Pierre Sainton était un homme de projets, puisqu’il avait une vision pour la Guadeloupe. Militant de la première heure, il aura beaucoup écrit sur Mai 1967 dans l’archipel. C’était un intellectuel avec lequel je partageais énormément de réflexions sur la Guadeloupe (…). Ce qui me perturbe le plus, qui m’attriste le plus, c’est que c’était quelqu’un de projets, il avait des choses qu’il préparait, que nous préparions ensemble… et, donc ça s’arrête d’un coup ».
Fred Réno, professeur de Science politique à l’Université des Antilles, directeur du Centre d’analyse géopolitique et internationale (CAGI) : « Jean-Pierre Sainton a aussi milité pour l’insertion de la Guadeloupe dans son environnement caribéen. Ce qui est intéressant chez lui, c’est qu’il a su faire la part entre la démarche militante et la démarche scientifique de l’historien. Il a inscrit l’histoire de la Guadeloupe dans le marbre et dans celle de la Caraïbe ».
Jean-Marie Hubert, Maire de Port-Louis salue la mémoire d’un « éminent historien et d’un patriote dont l’engagement a permis de faire avancer la cause guadeloupéenne ».
Ary Chalus, président du Conseil régional de la Guadeloupe, a aussi exprimé sa tristesse : « Ses recherches en histoire sociale, culturelle et politique de la Caraïbe francophone, en histoire comparée de la Caraïbe, et en histoire contemporaine du politique constituent des contributions essentielles. L’exécutif régional rend hommage à cet homme vertical, artisan de notre culture et gardien de notre patrimoine historique, qui a formé des générations de Guadeloupéens en enseignant notre histoire profondément humaine. »
Guy Losbar, président du Conseil départemental de la Guadeloupe, regrette ce « Grand Guadeloupéen », notamment connu pour « son infatigable volonté de transmettre son savoir au plus grand nombre » : « Profondément passionné, grand pratiquant d’arts martiaux, il incarnait l’image de la force tranquille. Sa grande sagesse, sa bonhomie naturelle et son humanité n’excluaient pas un regard juste sur notre archipel, et sur ses pistes d’évolution. Nous perdons aujourd’hui un grand Homme profondément ancré dans l’histoire sociale et politique de son territoire, déterminé à agir pour faire rayonner la Guadeloupe par la prise de conscience de ses immenses potentialités ».
Serge Letchimy, président de la Collectivité territoriale de Martinique, déplore « le départ d’un éclaireur de notre Histoire » : « Jean-Pierre Sainton a laissé une empreinte indélébile dans le domaine de l’histoire contemporaine, particulièrement pour ce qui est de l’histoire de la région Caraïbe, en tant que professeur éminent à l’Université des Antilles. Son dévouement à explorer et à comparer l’histoire sociale, culturelle et politique de la Caraïbe, en mettant en lumière les nuances de la Martinique et de la Guadeloupe, a contribué de manière significative à la compréhension de notre héritage commun. Cette histoire est celle de ce que nous sommes et de nos potentialités. Ses recherches inspireront les générations futures à apprécier et à préserver la richesse de notre culture caribéenne ».
L’hommage du Mouvman Kiltirèl Akiyo après le décès de Jean-Pierre Sainton :
« Deux siècles de représentations contrastées :
mémoires de l’esclavage et générations afro-descendantes »
par Jean-Pierre Sainton
Hommage de Michelle Zancarini-Fournel
sur le site des éditions Libertalia
Jean-Pierre Sainton est mort brusquement dans la nuit du 21 au 22 août, chez lui, en Guadeloupe. Il était président de l’Association des historiens des Caraïbes et membre de la Fondation pour l’histoire de l’esclavage. Le silence de la présidence de son université des Antilles, où il était professeur, est assourdissant. Car ses engagements politiques de très longue date (sa première manifestation pour le Gong date du 1er mai 1967 !), ne plaisaient guère. Son père, le médecin Pierre Sainton, dirigeant du Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe (Gong) fondé en 1963, a été accusé – à tort – d’avoir incité à la révolte du printemps 1967 en Guadeloupe, traduit devant la Cour de sûreté de l’État, et acquitté en 1968. Le destin de Jean-Pierre Sainton a basculé avec cet événement à la fois national et personnel. Il a été un militant engagé consacrant jusqu’en 1986 sa vie au militantisme indépendantiste. Après avoir publié avec Raymond Gama en 1985 son premier livre « qu’il considérait comme militant » Mé 67. Histoire d’un événement, il s’est éloigné d’un mouvement qui s’est délité en 1986, passant d’attentats considérés comme « terroristes » au soutien électoral d’un pouvoir socialiste qui ne le poursuivait plus. Il avait le projet de faire une histoire distanciée de ce mouvement indépendantiste. Il est resté militant, participant activement à des manifestations en Guadeloupe mais « à la base » comme il aimait le dire en riant. Il a été aussi un professeur investi dans la pédagogie, dans la formation des étudiants et des enseignants et dans la gestion de son université : il a fondé le centre de Saint-Claude près de Basse-Terre et mis en place les formations en masters. Il a été au sens plein un enseignant-chercheur. Il s’est lancé après 1986 dans la recherche avec une production d’historien originale, rigoureuse et brillante, peu reconnue en France. Sa contribution récente, dans un livre publié par Libertalia, était, m’avait-il confié récemment « la meilleure synthèse qu’il avait écrite sur les événements de 1967 ». Sa mort brutale est une immense perte pour la Guadeloupe et pour ses ami·es et compagnon·nes de route.