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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024
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Une émission spéciale sur les
« enfants réunionnais dits de la Creuse »
trompés et déportés sous l’égide de Michel Debré

Une émission spéciale sur Réunion la première est consacrée aux « enfants réunionnais dits de la Creuse » trompés et déportés entre 1962 et 1984, à l’initiative du député de la Réunion Michel Debré, dans le cadre d’une gestion totalement coloniale de cette île. Plus de 2 000 enfants réunionnais ont été alors arrachés à leur famille pour être transplantés, non pas uniquement dans la Creuse, mais dans de nombreux départements ruraux de France. Des associations défendent leurs droits. Plusieurs d’entre eux, devenus adultes, ont enfin pu redécouvrir récemment leur île natale et leur histoire. Sur la chaîne de télévision Réunion la première, cinq témoignages seront diffusés chaque jour à partir du 20 juin 2022.

Une émission spéciale sur les
« enfants réunionnais dits de la Creuse »
trompés et déportés sous l’égide de Michel Debré



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L’émission « Réunionnais du monde »
propose une semaine spéciale
« enfants Réunionnais dits de la Creuse »

à partir du 20 juin 2022 à 18 h 30 sur Réunion 1ère

avec cinq témoignages qui seront diffusés chaque jour :



– Valérie Andanson, exilée dans la Creuse à 3 ans
– Virginie Lagrave, exilée dans les Deux-Sèvres à 23 mois
– Jean-Philippe Jean-Marie, exilé dans la Creuse à 12 ans
– Daisy Jamain, exilée dans la Loire Atlantique à 13 ans
– Stéphane Gourdon, exilé à Angers à 2 ans


Un rendez-vous télé à ne pas manquer
présenté par Katiana Castelnau.

Plus de 2 000 enfants réunionnais exilés de force

L’épisode a souvent été désigné comme l’affaire des « Réunionnais de La Creuse ». Il a commencé à être médiatisé quand, en 2002, cinq ans après la mort de Michel Debré, Jean-Jacques Martial, un Réunionnais transféré à l’âge de sept ans en 1966, maltraité et abusé sexuellement par sa famille d’accueil, a déposé plainte pour « enlèvement et séquestration de mineur, rafle et déportation ». En réalité, ces enfants originaires de la Réunion ont été déportés dans une soixantaine de départements français. De 1962 à 1984, plus de 2 000 enfants, nés à La Réunion, furent l’objet de « transferts forcés » vers des départements de Métropole, dans l’intention de « freiner l’essor démographique de la population de La Réunion » et de « repeupler des régions touchées par l’exode rural ».

Michel Debré, battu aux élections législatives de novembre 1962 qui avaient suivi l’indépendance de l’Algérie, à laquelle il n’était pas favorable, avait décidé en mars 1963 de se présenter à La Réunion. Il l’avait découverte pendant la guerre d’Algérie, lors d’un voyage en juillet 1959, et il craignait de la voir sortir, comme l’Algérie, de sa situation coloniale. Il voulait aussi y combattre l’influence croissante du parti communiste réunionnais, fondé quelques années auparavant par Paul Vergès. Arrivé dans l’île en avril 1963, il a été élu député en mai et est devenu, de 1963 à 1988, le leader de la droite réunionnaise au pouvoir dans l’île, élu aussi pendant toute cette période au conseil régional de La Réunion.

Considérant que la démographie de l’île était une menace pour son développement, il a créé le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) et le Cnarm (Comité national d’accueil et d’actions pour les Réunionnais en mobilité), pour organiser le déplacement de Réunionnais vers la métropole. Et, dans le même but, il a mis en place l’exil forcé vers la Métropole d’enfants réunionnais vers des départements métropolitains. Face aux critiques indignées de personnalités engagées dans la protection de l’enfance, il a répondu que : « L’entreprise doit être poursuivie avec d’autant plus de constance qu’elle peut être combinée avec un admirable mouvement d’adoption que nous n’arrivons pas toujours à satisfaire ».

Les petits Réunionnais déplacés de force étaient issus des classes pauvres. Certains provenaient de l’Assistance publique. De nombreuses familles illettrées ont été contraintes par l’administration de signer les autorisations qu’elle exigait et dont elles ignoraient le contenu. D’autres ont été mises devant le fait accompli. On a menti aux parents en leur faisant croire que leurs enfants partaient pour un avenir meilleur et reviendraient régulièrement dans l’île. En réalité, la plupart n’ont jamais pu les revoir.

En 2013, sur la chaîne de télévision Réunion la première, une émission « Le Grand débat » intitulée « Les enfants de la Creuse » a contribué à faire connaître le sort que ces enfants ont subi. Autour du documentaire « Une enfance en exil » de William Cally (52 minutes), elle a suscité de nombreux témoignages et un débat qui ont eu un grand écho dans la population de La Réunion.



En 2013, le documentaire Une enfance en exil a aussi été diffusé par plusieurs stations de France 3. Et, le 7 avril 2016, France 3 Auvergne-Limousin a consacré dans son Journal télévisé un reportage « Grand format » aux enfants réunionnais transplantés dans le Cantal, avec notamment des images d’archives montrant Michel Debré justifiant cette politique par la démographie de La Réunion.


Une étape importante en 2018

Le 10 avril 2018, un rapport portant sur « la transplantation de ces mineurs de La Réunion en France hexagonale », qui a demandé deux ans de recherches à une commission de quatre experts — Philippe Vitale, son président, Wilfrid Bertile, Prosper Eve et Gilles Gauvin —, a été remis à la ministre des Outre-mer, Annick Girardin et il a été rendu public. La commande de ce rapport a fait suite au vote par l’Assemblée nationale, le 18 février 2014, d’une résolution reconnaissant que « l’État a manqué à sa responsabilité morale ». La création de cette commission a été à l’initiative de la ministre des Outre-Mer entre avril 2014 et août 2016, George Pau-Langevin, qui a soutenu fortement son travail et était présente à la remise du rapport.

Ce rapport — dont le contenu a été largement occulté par la presse française — réévalue sensiblement le nombre d’enfants concernés, puisqu’il estime — alors qu’on avançait jusque-là le nombre de 1600 enfants — qu’au moins 2015 enfants ont ainsi été ainsi déracinés et séparés de force de leur milieu et de leur famille. Et il élargit considérablement le nombre des départements ruraux où ils ont été dispersés : bien loin du seul département de la Creuse longtemps seulement cité, il établit qu’ils ont été disséminés dans 64 départements ruraux. Pour ses auteurs, l’État porte une « responsabilité morale » dans ces événements. Cette affirmation est grave. Quelles conclusions, le pays et ses institutions vont-ils en tirer ?

A l’occasion de cette remise, un petit reportage a été fait par la Fédération des enfants déracinés des départements et Régions d’Outre-mer (la FEDD). Ainsi qu’une brève vidéo évoquant le sort de ces enfants, maintenant devenus adultes, qui avaient été arrachés à leur île. L’un et l’autre ont été réalisés à l’initiative de la chargée de communication de cette association, Valérie Andanson, une ex-mineure déracinée à l’âge de 3 ans pour être transplantée dans La Creuse. On a aujourd’hui identifié 1800 anciens mineurs réunionnais exilés de force encore en vie, dont un sur cinq est retourné vivre sur l’île.

Les milliers d’avortements et de stérilisations sans consentement à La Réunion dans les années 1960 et 1970

Cette transplantation forcée des enfants de La Réunion est à rapprocher d’un autre épisode dans cette même période où Michel Debré en était le député et qui relève de la même gestion coloniale de la population. C’est cet épisode que Françoise Vergès a décrit dans son livre, Le ventre des femmes : capitalisme, racialisation, féminisme, publié par Albin Michel en 2017.

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Présentation de l’éditeur :


Dans les années 1960-1970, l’État français encourage l’avortement et la contraception dans les départements d’outre-mer alors même qu’il les interdit et les criminalise en France métropolitaine.

Comment expliquer de telles disparités ?

Partant du cas emblématique de La Réunion où, en juin 1970, des milliers d’avortements et de stérilisations sans consentement pratiqués par des médecins blancs sont rendus publics, Françoise Vergès retrace la politique de gestion du ventre des femmes, stigmatisées en raison de la couleur de leur peau.

Dès 1945, invoquant la « surpopulation » de ses anciennes colonies, l’État français prône le contrôle des naissances et l’organisation de l’émigration ; une politique qui le conduit à reconfigurer à plusieurs reprises l’espace de la République, provoquant un repli progressif sur l’Hexagone au détriment des outre-mer, où les abus se multiplient.

Françoise Vergès s’interroge sur les causes et les conséquences de ces reconfigurations et sur la marginalisation de la question raciale et coloniale par les mouvements féministes actifs en métropole, en particulier le MLF. En s’appuyant sur les notions de genre, de race, de classe dans une ère postcoloniale, l’auteure entend faire la lumière sur l’histoire mutilée de ces femmes, héritée d’un système esclavagiste, colonialiste et capitaliste encore largement ignoré aujourd’hui.

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