Mohamed Boudia (1932-1973),
de l’Algérie à la Palestine
Soirée-hommage à Mohamed Boudia
171, rue de la Croix-Nivert, 75015 Paris
Il y a 50 ans, le 28 juin 1973, Mohamed Boudia était assassiné, rue des Fossés Saint-Bernard Paris. Un hommage lui est rendu au cours d’une soirée qui donnera lieu à :
- Une projection de Sur les traces de Mohamed Boudia (52 mn), un documentaire de Mohamed Zaoui et Smaïl Déchir. Illustrations de l’artiste peintre Mustapha Sedjal
- Une projection d’une séquence (5 mn) du documentaire Français, si vous saviez avec Mohamed Boudia
- Des lectures d’un poème de Mohamed Boudia et d’un poème-hommage de Lise Medinipa Jennifer Pandovzki
- Un débat autour du livre Mohamed Boudia, Œuvres, écrits politiques, théâtre, poésie et nouvelles
Avec la participation de :
Nils Andersson, éditeur et militant anticolonialiste
Luc Chauvin, éditeur du livre Mohamed Boudia. Œuvre, écrits politiques, théâtre, poésie et nouvelles
Rachid Boudia, fils de Mohamed Boudia
Mohamed Zaoui et Smaïl Déchir, coréalisateur de Sur les traces de Mohamed Boudia
Mohamed Boudia, par Nils Andersson
Il y a 50 ans, le 28 juin 1973, Mohamed Boudia était assassiné rue des Fossés Saint-Bernard par le Mossad.
Mohamed avait un long passé militant ; enfant de la Casbah d’Alger, il rejoint le FLN dès le début de la lutte de libération. Membre de l’OS, il est du commando ayant réalisé l’opération de Mourepiane (France), lors de laquelle furent incendiés des dépôts de pétrole ; il faudra plusieurs jours pour circonscrire l’incendie. Arrêté, avec quatorze frères, il est déféré en janvier 1960 devant le tribunal de Marseille. Lors du procès Mohamed, défense de rupture, crée un incident. Le nom de Me Ould Aoudia, assassiné devant la porte de son cabinet par la Main Rouge, ayant été cité en audience, il interpelle le tribunal : « Puisqu’il est question de Me Ould Aoudia, je demande à toute l’assistance d’observer une minute de silence à sa mémoire. » Tous les accusés revendiquent leur engagement pour la cause nationale et leurs actes. Au terme du procès, Mohamed Boudia est condamné à vingt ans de prison. Il connaîtra plusieurs prisons : les Baumettes, Fresne, la Santé, puis celle d’Angers, d’où il s’évade.
Boule de vie, homme d’action, mais aussi homme de création. L’écriture et le théâtre sont indissociables de son engagement. En prison, il écrit deux pièces de théâtre, Naissance et L’Olivier. L’Olivier sera joué dans l’enceinte de la prison de Fresnes. Comme homme de théâtre, Mohamed s’inscrit totalement dans les débats d’alors sur la fonction populaire du théâtre et sur le rôle émancipateur du texte, dont Jean Vilar et le TNP sont porteurs, mais aussi, il adhère à la vision du théâtre de Bertold Brecht, comme instrument d’une prise de conscience politique,
L’Algérie indépendante, Mohamed Boudia est nommé administrateur du Théâtre National Populaire Algérien ; il fonde la revue Novembre, participe à créer Alger ce soir. Dans sa très belle introduction au livre Mohamed Boudia, Œuvres, Luc Chauvin écrit : « Entre ‘‘naissance d’une Nation’’, la mise en place d’une politique qui se veut révolutionnaire et populaire et l’engouement national et international qui brasse un nombre impressionnant d’individualités dans les rues rebaptisées au nom des martyrs fraichement tombés », Mohamed Boudia s’engage, s’exprime et agit sur tous les terrains politiques et culturels.
Et, dans cette continuité que Mohamed, militant prêt au sacrifice de sa vie pour l’indépendance de son pays, devient militant internationaliste prêt au sacrifice de sa vie pour l’indépendance du peuple palestinien. Son action s’inscrit dans une logique décoloniale révolutionnaire, celle de la devise de l’OS de l’ANC, fondée par Nelson Mandela, Umkhonto we Sizwe : « Œil pour œil, dent pour dent, mort pour mort. » Mohamed se savait recherché, son expérience de la clandestinité était grande, les moyens du Mossad et les complicités du colonialisme étaient plus forts.
Comme militant et comme homme de culture, Mohamed Boudia incarne les espoirs et les volontés des peuple colonisés, ce qu’il exprime dans ce poème : « Il faudra longtemps » :
Notice de Mohamed Boudia
dans le Dictionnaire Algérie du Maitron.
par Amar Benamrouche
Source
Né le 24 février 1932 à la Casbah d’Alger ; assassiné à Paris le 28 juin 1973 dans l’explosion de sa voiture ; homme de théâtre en France et écrivain révolutionnaire, à Dijon puis à Paris ; à partir de 1955, activiste de l’Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN ; arrêté en 1958, évadé de la prison de Fresnes en 1961 prenant place dans la troupe de théâtre du FLN à Tunis ; directeur du théâtre national algérien (1963-1965) ; en exil en France (Théâtre de l’Ouest parisien à Boulogne-Billancourt), activiste de la cause palestinienne.
Après avoir été scout musulman, à l’âge de 17 ans à Alger, Mohamed Boudia découvre le théâtre qui sera sa passion et son activité publique. En 1950 il part en France faire son service militaire à Dijon. Démobilisé en 1952, il se mêle à l’action théâtrale en Bourgogne puis à Paris, tout en étant lié aux groupes nationalistes en France du PPA-MTLD. Partagés entre fidèles de Messali et partisans du Comité central, ceux-ci sont travaillés par l’impatience de passer à l’acte insurrectionnel. En 1955 à Paris, il crée une troupe théâtrale pour laquelle il écrit un certain nombre de textes dramatiques qui restent pour la plupart inédits. Mohamed Boudia est doublement un activiste.
Il participe à l’avant-garde théâtrale marxisante qui s’exprime dans la revue Théâtre Populaire, mais en étant plus proche de l’agit-prop des années 1920 et du jeune Brecht que de la théorisation de la mise en scène et du jeu des acteurs que Brecht désigne ensuite comme pratique de la distanciation. Le fondement n’en est pas moins la critique sociale et l’insurrection contre les puissances et les systèmes de domination. L’activisme politique qui tend à être premier est celui de l’engagement direct dans la lutte de libération.
Volontaire de l’Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN, il participe à des opérations coup-de-poing ; habitant en compagnie de Mourad Bourboune dans le Nord-Est de Paris, il appartient aux groupes de choc qui affrontent les groupes du MNA ; en 1956, il est blessé à la main ; ces groupes sont appelés par la suite à monter des actions de sabotage d’installations industrielles françaises. C’est d’ailleurs à la suite de l’une de ces actions menée en 1958 à Marseille qu’il est arrêté et condamné à 20 ans de prison.
Incarcéré à la prison de Fresnes (au sud de Paris) en compagnie d’Étienne Bolo, il profite de ce répit carcéral pour écrire Naissances et L’olivier ses deux principales pièces. Il adapte des textes du théâtre classique français, en particulier des comédies de Molière. En 1961 il s’évade pour rejoindre à Tunis l’équipe théâtrale du FLN dirigée alors par Mustapha Kateb ; il en devient l’administrateur.
En Algérie, à l’indépendance, il sera à l’origine avec Mourad Bourboune, de la publication de deux organes de presse : Novembre (1963) revue culturelle, et plus éphémère Alger ce soir (1964), quotidien. Dans la période Ben Bella, il organise et dirige le Théâtre national algérien (TNA). Recherché après le coup d’État du 19 juin 1965, il se réfugie en France et devient pour la Région parisienne le responsable de l’ORP (Organisation de la Résistance populaire) puis ORP-PAGS. Grâce à George Gorse devenu ambassadeur de France à Alger, ancien socialiste SFIO et plus encore gaulliste qui travaille à son implantation politique et vise la conquête de la mairie, il est accueilli au Théâtre de l’Ouest parisien à Boulogne-Billancourt où il fera fonction d’administrateur.
Toujours voué à l’action théâtrale, il mène à nouveau une double vie. Il s’investit totalement dans le mouvement de libération de la Palestine et adhère à l’une de ses fractions marxisantes la plus radicale : le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), dirigé par Georges Habache. Il devient un des responsables du réseau clandestin opérant en Europe. Malgré des contacts, il ne peut guère faire fond sur des soutiens venant d’Alger. Il est tué au quartier latin à Paris le 28 juin 1973 par l’explosion d’une bombe à l’ouverture de sa voiture. Ses funérailles eurent lieu à Alger dans une semi-clandestinité. Le considérant comme un opposant, les autorités algériennes et les autorités françaises pour n’avoir pas à reconnaître l’action des services israéliens, se rejoignent dans une complicité du silence qui dure encore. L’action en justice pour cet assassinat politique commis en France reste sans suite.