Maurice Audin, brillant mathématicien, membre du parti communiste algérien qui combattait pour l‘Algérie indépendante, estimait que progrès politique et progrès scientifique doivent aller ensemble. Le 11 juin 1957, pendant la terrible répression coloniale qui a été appelée la « bataille d’Alger », Maurice Audin, âgé de 25 ans, est arrêté par des parachutistes du général Massu, chez lui, devant sa femme, Josette, et leurs trois enfants, avant d’être emmené dans un centre de torture. Il n’en est pas sorti vivant. La 10e Division parachutiste commandée par le général Massu et chargée des pouvoirs de police à Alger pratiquait sur une grande échelle enlèvements, tortures et disparitions forcées.
Dix jours après l’arrestation, les militaires ont essayé de faire croire à sa femme, Josette, à son évasion lors d’un transfert. Elle n’en a pas cru un mot et a compris qu’ils l’avaient assassiné. Pendant plus de 60 ans, l’armée et l’Etat s’en sont tenu à cette version, et, lorsque l’historien Pierre Vidal-Naquet a montré que c’était un mensonge, ont fait croire à celle d’une mort « accidentelle » lors d’une séance de torture. En réalité, comme on peut le lire dans le livre La vérité est en marche, rien ne pourra l’arrêter publié en 2022 par Charles Silvestre, Pierre Audin et Gilles Manceron, il est probable que ceux qui détenaient le pouvoir à Alger, le Ministre résidant Robert Lacoste, le général Raoul Salan et le général Jacques Massu, ont commandé son assassinat pour « faire un exemple », car le parti auquel il appartenait, le parti communiste algérien, depuis le printemps de 1955, avait, à la différence du parti communiste français, décidé de rejoindre la lutte armée lancée par le FLN pour l’indépendance de l’Algérie, une lutte armée qu’il pratiquait activement, mais selon ses propres règles.
Le mensonge a commencé à être levé quand le président François Hollande a dit, en juin 2014, qu’Audin « ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention ». Quatre ans plus tard, soit plus de 60 ans après les faits, Emmanuel Macron a déclaré, le 13 septembre 2018, au moment où il rendait visite à sa veuve, Josette Audin, que Maurice Audin a été tué par les militaires français ou bien est mort durant une séance de torture. Voici la phrase figurant sur le site de l’Elysée : « Plusieurs hypothèses ont été formulées sur la mort de Maurice Audin. L’historien Pierre Vidal-Naquet a défendu, sur la foi d’un témoignage, que l’officier de renseignements chargé d’interroger Maurice Audin l’avait lui-même tué. Paul Aussaresses, et d’autres, ont affirmé qu’un commando sous ses ordres avait exécuté le jeune mathématicien. Il est aussi possible qu’il soit décédé sous la torture ». Le président de la République n’a rien clarifié par la suite concernant ces différentes hypothèses sur les circonstances de sa mort, alors que les gouvernants d’aujourd’hui ont les moyens de savoir ce qu’il en est, puisque les responsables de l’époque connaissaient la vérité. Pour reprendre le titre de la contribution de Pierre Audin au livre déjà cité : « Tout n’est pas dit ».
Le film de la soirée
Voici l’enregistrement de la rencontre organisée à Toulouse le 12 février 2024 par le Conseil départemental de Haute-Garonne et l’Association Josette et Maurice Audin, avec la collaboration de la librairie La Renaissance, des Chemins de la République et du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation.
Le film « Maurice Audin, une histoire de mathématiciens » a été projeté en présence de son réalisateur, François Demerliac. Il restitue l’engagement des mathématiciens et des historiens dans le combat pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin. Lors de cette soirée, sa projection a été entourée par la présentation par son réalisateur et par les interventions de :
- Vincent Gibert, vice-président du Conseil départemental de la Haute-Garonne,
- René Cori, mathématicien, vice-président de l’association Josette et Maurice Audin,
- Cédric Villani, mathématicien, titulaire de la Médaille Fields, l’équivalent du Prix Nobel pour les mathématiques, président de l’association Josette et Maurice Audin,
- Antoine Grand, directeur du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation,
- Benjamin Stora, historien, auteur d’un rapport sur les questions mémorielles franco-algériennes, il co-préside la commission mixte d’historiens algériens et français chargée d’étudier la colonisation et la guerre d’Algérie,
- Gilles Manceron, historien, qui a choisi d’aborder l’histoire de la guerre d’Algérie à travers la question de l’enseignement de cette période,
- Catherine Teitgen-Colly, professeure émérite de l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne), Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (ISJPS).
On retrouvera ci-dessous leurs propos ainsi que les échanges qui ont suivi lors des débats avec la salle.
Le film de la soirée avec les différentes interventions
Le « time code » s’affiche en bas de l’écran durant la lecture
- Introduction à la soirée par Vincent Gibert : durée 8 minutes 30
- Intervention de René Cori : durée 7 minutes 14 (de 8’31 à 15’45)
- Présentation du film « Une histoire de mathématiciens » par François Demerliac : durée 3 minutes 48 (de 7’12 à 21′)
- Le film « Une histoire de mathématiciens » : durée 14 minutes 20 (de 21’40 à 36′)
- Intervention de Cédric Villani : durée 4 minutes 30 (de 36’10 à 40’40)
- Intervention d’Antoine Grand : durée 4 minutes 40 (de 42′ à 46’40)
- Intervention de Benjamin Stora : durée 19 minutes 49 (de 46’45 à 1h 05’34)
- Présentation de Gilles Manceron par Antoine Grand : durée 3 minutes (de 1h 06′ à 1h 09′)
- Intervention de Gilles Manceron : durée 15 minutes (de 1h 09′ à 1h 24′)
- Présentation et intervention de Catherine Teitgen-Colly : durée 19 minutes (de 1h 24′ à 1h 43′)
- Débat avec la salle : durée 34 minutes (de 1h 43′ à 2h 17′)
- Entretien filmé avec Robert Badinter sur sa défense du Comité Maurice Audin : durée 6 minutes (de 2h 17′ à 2h 23′)
Lire aussi sur notre site
• Lancement du site « Alger 1957 – Des Maurice Audin par milliers » …Et déjà un premier témoignage, publié le 15 novembre 2018.
• Inauguration symbolique d’un « Parvis Maurice Audin » à Toulouse le 25 février 2023, publié le 16 février 2023.
• Les images du rassemblement du 11 juin 2023 devant le cénotaphe de Maurice Audin
au cimetière parisien du Père-Lachaise, publié le 17 juin 2023.
• Ce qu’Emmanuel Macron n’a pas dit sur l’anticolonialisme de Robert Badinter : une vidéo de « Place Audin », publié le 14 février 2024.