Paul Teitgen, le haut fonctionnaire qui a dit non à la torture
Fragment de la fiche d’internement de Paul Teitgen au camp nazi du Struthof (AD de la Haute-Saône) Paul Teitgen (1919-1991), résistant dès 1940, torturé par la Gestapo à Nancy, déporté
Fragment de la fiche d’internement de Paul Teitgen au camp nazi du Struthof (AD de la Haute-Saône) Paul Teitgen (1919-1991), résistant dès 1940, torturé par la Gestapo à Nancy, déporté
Dans une tribune publiée dans Le Monde Afrique, l’historien Fabrice Riceputi relève que Paul Teitgen — qui s’opposa aux exactions de l’armée française à Alger en 1957, témoigna sur elles et fut sanctionné pour cela par le gouvernement de Michel Debré — n’a fait l’objet d’aucun hommage officiel. « Pour la même raison, selon lui, qui a fait annuler la panthéonisation de l’avocate Gisèle Halimi » : la difficulté pour les autorités de ce pays à reconnaître comme tels les crimes de l’armée française en Algérie. Outre cette tribune, nous publions la lettre de démission de Paul Teitgen au ministre Robert Lacoste, ainsi qu’un extrait de film dans lequel il explique son refus de la torture.
La revue « 20 & 21. Revue d’histoire » publie dans son numéro d’avril-juin 2019 un long article intitulé « Paul Teitgen et la torture pendant la guerre d’Algérie, une trahison républicaine ». Son auteur, Fabrice Riceputi, revient ici sur ce témoin capital des crimes de l’armée française durant la guerre d’Algérie, secrétaire général de la Préfecture d’Alger d’août 1956 à septembre 1957, qui fut confronté à la généralisation de la torture et des exécutions sommaires par l’armée française à ce moment. Il commente un extrait du film d’André Gazut, « Hommage au général Bollardière » qui présente, en 1974, le témoignage de Paul Teitgen.
En exergue de son livre L’art français de la guerre, Alexis Jenni cite Pascal Quignard : « Qu’est-ce qu’un héros ? Ni un vivant ni un mort, un […] qui pénètre dans l’autre monde et qui en revient ».
Alexis Jenni pensait-il alors à Paul Teitgen ? C’est tout à fait vraisemblable, car un peu plus loin dans son livre on peut lire cet extrait qu’il nous a aimablement autorisé à reprendre.1
Dans L’art français de la guerre qui lui a valu le prix Goncourt, Alexis Jenni écrit : «Je voudrais élever une statue. Une statue de bronze par exemple car elles sont solides et on reconnaît les traits du visage.»
Et il poursuit : «Cette statue serait celle d’un petit homme sans grâce physique qui porterait un costume démodé et d’énormes lunettes qui déforment son visage ; on le montrerait tenir une feuille et un stylo, tendre le stylo pour que l’on signe la feuille comme les sondeurs dans la rue, ou les militants qui veulent remplir leur pétition. Il ne paie pas de mine, son acte est modeste, mais je voudrais élever une statue à Paul Teitgen.» (Alexis Jenni, L’art français de la guerre)2