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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
La stèle OAS du cimetière du Haut-Vernet à Perpignan.

stèle OAS de Perpignan : en finir avec cette provocation

La cérémonie prévue le lundi 7 juin par les ex-OAS dans le cimetière du Haut-Vernet à Perpignan a été interdite par le préfet. Mais la stèle OAS est toujours en place... Le collectif de Perpignan demande que cette stèle qui «porte atteinte à la neutralité des cimetières», soit déplacée vers un lieu privé.
La stèle OAS du cimetière du Haut-Vernet à Perpignan.
La stèle OAS du cimetière du Haut-Vernet à Perpignan.

Certes, l’interdiction préfectorale n’a pas épargné la manifestation prévue par de nombreuses organisations pour s’opposer à cet « hommage » (voir cette page), mais c’est le résultat qui compte. Pour la quatrième fois, la mairie de Perpignan s’est vu contrainte de fermer le cimetière du Haut-Vernet, de sorte que l’association qui prétend défendre « les intérêts moraux et matériels des anciens détenus » de l’OAS (ADIMAD) a dû renoncer à réunir ses partisans, à l’extérieur comme à l’intérieur du cimetière. C’est une victoire, mais une victoire en demi teinte car la stèle est toujours en place et le maire de Perpignan ne semble pas disposé à demander à ses propriétaires de la déplacer dans un lieu privé. Car, ce n’est pas sa destruction mais bien son déménagement, que réclament depuis 5 ans les anticolonialistes de ce département. C’est en effet à la fin de l’année 2005 que presque simultanément, la LDH et le MRAP des Pyrénées-Orientales en « découvrent » l’existence et alertent les autres organisations. Elle avait échappé à leur vigilance depuis son inauguration en juillet 2003 par toute la constellation des nostalgiques de l’Algérie française, avec la bénédiction de Jean-Paul Alduy qui y avait délégué son premier adjoint Jean-Marc Pujol. Ce n’est pas par hasard si l’affaire éclate en 2005. C’est l’année de la promulgation de la loi du 23 février qui contenait, entre autres ce fameux article 4, dont un alinéa a été retiré par la suite, stipulant que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord. » C’est aussi l’année de la bataille autour de la stèle de Marignane, copie conforme de celle de Perpignan, dont l’inauguration en juillet 2005 fut interdite grâce à une protestation nationale à laquelle la Ligue des Droits de l’Homme prit une part décisive.

Pourquoi un tel acharnement contre cette stèle OAS ?

Jusqu’en 2003, d’autres monuments avaient été érigés en hommage « aux martyrs de l’Algérie française » mais celle de Perpignan a été la première où figure l’inscription « aux fusillés, aux combattants tombés pour que vive l’Algérie » avec les noms de Bastien Thiry, Roger Degueldre, Albert Dovecar et Roger Piegts. Il s’agit de quatre chefs OAS qui furent condamnés à mort en 1962 et 1963 par une cour militaire, à une époque où la peine capitale était encore en vigueur en France. Quoi que l’on puisse penser de cette justice expéditive, il reste que ces quatre personnages furent responsables d’assassinats de civils, soit pour les avoir commandités, soit pour y avoir directement participé. Albert Dovecar et Claude Piegts, exécutés le 7 juin 1962, participèrent à l’assassinat, le 31 mai 1961, du commissaire central d’Alger Roger Gavoury. Roger Degueldre, exécuté le 28 juin 1962, fut le chef du groupe de tueurs qui, le 15 mars 1962 à Alger, assassina six Inspecteurs des centres sociaux éducatifs, dont l’écrivain algérien Mouloud Feraoun. Quant à Jean-Marie Bastien-Thiry, exécuté le 11 mars 1963, il fut l’organisateur des attentats de Pont-sur-Seine et du Petit Clamart contre la personne du général de Gaulle. Une stèle dédiée à ces personnages constitue bien une provocation à l’égard des familles victimes de l’OAS et plus largement à l’égard de toutes les victimes, françaises et algériennes, de la guerre d’Algérie. Qui plus est, comme l’a déclaré la Cour administrative d’appel de Marseille, dans son jugement du 23 avril 2010 à propos de la stèle de Marignane, elle donne prétexte à des manifestations d’hommage qui « portent atteinte à la neutralité des cimetières, lieux de recueillement des familles de défunts ».

Pourquoi un tel attachement du maire de Perpignan à cette stèle OAS?

Le maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol qui a exprimé plus d’une fois sa sympathie pour la cause de l’Algérie française, n’en démord pas et tente de justifier le maintien de cette stèle en faisant feu de tout bois. « La mémoire des morts est dans les cimetières » a-t-il déclaré dans les médias, argument proche du « il faut laisser les morts reposer en paix » que l’on trouve dans la lettre circulaire que son adjointe Suzy Simon-Nicaise, par ailleurs présidente du Cercle algérianiste, a fait parvenir à plusieurs organisations. La pensée est fort louable, sauf que les morts auxquels la stèle est dédiée ne sont pas enterrés dans le cimetière, et qu’elle n’est donc qu’un cénotaphe élevé à la gloire de tueurs de l’OAS. Madame l’adjointe ajoute dans son courrier « qu’il faut accepter l’histoire de France dans sa globalité avec ses périodes d’ombres et de lumières ». Mais l’histoire ne s’accepte pas, elle s’explique. Il y a eu en 1962, des Français qui sont allés jusqu’à commettre l’irréparable en assassinant d’autres Français convaincus de l’inéluctabilité de l’indépendance de l’Algérie. L’histoire se doit d’élucider leurs motivations pour une cause perdue et criminelle. Tout comme elle a expliqué pourquoi sous l’Occupation, des Français se sont mis au service des nazis et d’autres les ont combattus. Nombreux sont ceux qui en sont morts. Les premiers pour avoir collaboré et les autres pour avoir résisté. Mais, la mort ne les a pas rapprochés. Il n’y a pas un trait d’égalité entre « les périodes d’ombre et de lumière ». La stèle OAS, symbole d’une des périodes les plus sombres de notre histoire, est une provocation qui n’a pas sa place dans un espace public dont la sérénité doit être préservée. Le maire serait bien inspiré de la remplacer par un mémorial en hommage à toutes les victimes de la guerre d’Algérie.

Roger Hillel

Le Travailleur catalan du 11 juin 2010.

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