Présentation de l’éditeur
L’œuvre de Benjamin Stora se confond pour partie avec la mémoire et l’histoire de la guerre d’Algérie. Un de ses grands thèmes de recherche, intimement lié à son parcours individuel tel qu’il le relate dans trois de ses ouvrages. Dans Les Clés retrouvées, il évoque son enfance juive à Constantine et le souvenir d’un monde qu’il a vu s’effondrer ; dans La Dernière Génération d’Octobre, son militantisme marqué très à gauche avec son cortège de désillusions. Les Guerres sans fin témoignent d’un engagement mémoriel qui se fonde sur une blessure collective et personnelle que seules la recherche et la connaissance historiques peuvent aider à panser.
Benjamin Stora a étudié en ce sens le rôle spécifique joué par les grands acteurs de ce conflit singulier. Dans Le Mystère de Gaulle, il analyse l’attitude de ce dernier lors de sa prise du pouvoir en 1958 et sa décision d’ouvrir des négociations avec les indépendantistes en vue d’une solution de compromis associant de manière originale la France et l’Algérie. Dans François Mitterrand et la guerre d’Algérie, écrit avec François Malye, il montre les contradictions de celui qui, avant de devenir un adversaire de la peine de mort, la fit appliquer sans hésiter en 1957 en tant que ministre de la Justice au détriment des Algériens. C’est enfin de la longue histoire des juifs en terre algérienne qu’il est question dans Les Trois Exils.
Cet ensemble, qui porte la marque d’un historien majeur, permet de mieux comprendre la genèse, le déroulement et l’issue d’une tragédie où se mêlent un conflit colonial livré par la France, un affrontement nationaliste mené par les indépendantistes algériens et une guerre civile entre deux communautés résidant sur un même territoire. Ce sujet, resté sensible pour nombre de nos compatriotes, continue d’alimenter des deux côtés de la Méditerranée des débats passionnés.
Benjamin Stora, né en 1950 à Constantine, en Algérie, a été professeur des universités, inspecteur général de l’Éducation nationale et président du Musée national de l’histoire de l’immigration. Il a enseigné dans plusieurs universités françaises et à l’étranger (New York, Rabat, Hanoï et Berlin). Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur l’histoire de la guerre d’Algérie, du Maghreb contemporain, de la décolonisation ou des relations entre juifs et musulmans.
Ce livre rassemble :
• La dernière génération d’octobre, 2003.
• Les trois exils, Juifs d’Algérie, 2006.
• Les guerres sans fin, un historien entre la France et l’Algérie, 2008.
• Le mystère De Gaulle : son choix pour l’Algérie, 2009.
• François Mitterrand et la guerre d’Algérie, avec François Malye, 2010.
• Les Clés retrouvées. Une enfance juive à Constantine, 2015.
Des dénonciations des attaques antisémites contre Benjamin Stora
dans la presse algérienne 1
El Watan : France : L’historien Benjamin Stora cible
d’attaques antisémites
par A. Hayane, publié dans El Watan le 24 novembre 2019 Source
L’hebdomadaire français d’extrême-droite Valeurs actuelles s’en est pris récemment à l’historien français Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d’Algérie et des immigrations post-coloniales en France. Des attaques antisémites qui ont suscité la réprobation et la condamnation unanimes des intellectuels français. En Algérie, l’intelligentsia a observé un silence curieux face à des propos outrageux qui ont pourtant ciblé un grand ami de notre pays.
« L’homme n’a pas seulement fait du gras, il a enflé », « un poussah pontifiant », « gonflé, au risque d’exploser, de cette mauvaise graisse ayant prospéré à proportion de la vanité qui n’a cessé de croître en lui à mesure que s’élevait son statut social ». C’est ainsi que l’hebdomadaire Valeurs actuelles décrit Benjamin Stora.
Intitulé « Benjamin Stora, “l’historien officiel” », l’article écrit par Bruno Larebière, un ancien rédacteur en chef de Minute, l’organe officieux du parti du Rassemblement national de Marine Le Pen (ex-Front national), est une charge d’une rare violence contre le chercheur et son influence supposée dans les cercles du pouvoir.
L’hebdo, connu pour ses écrits trempés dans l’eau nauséabonde des égouts, a publié ce papier dans la cadre d’un long dossier fleurant bon la nostalgie des grandes heures de l’impérialisme français, consacré à « l’Algérie française ». Plusieurs pages retracent ainsi le « parcours » de Benjamin Stora, présenté comme un aveugle défenseur du FLN.
Pourtant habitué des joutes académiques, voire des controverses politiques, Benjamin Stora n’a pas caché son trouble sur son site internet, soulignant l’inspiration « antisémite » de la diatribe. « C’est une description s’inscrivant dans la tradition classique antisémite des “juifs de cour” que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême droite au moment de l’affaire Dreyfus, par exemple à propos de Bernard Lazare », écrit-il.
C’est le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir, à la recherche de récompenses. Une attaque fondée également sur une description de son physique.
Sa prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans sa vie (la perte de sa fille victime d’un cancer, ses crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par sa « progression dans les couloirs du pouvoir ».
De quoi susciter la « consternation » et l’« indignation » de plusieurs centaines d’intellectuels, qui, dès le 9 novembre, lançaient une pétition de soutien à l’historien.
Dans une version publiée sur le site de Benjamin Stora le 9 novembre, ils et elles étaient 285 à avoir apposé leur nom sur un texte dénonçant « l’attaque nauséabonde de Valeurs actuelles ». « Nous tenons à exprimer collectivement notre indignation face à l’attaque qui vous frappe », ont-ils notamment déclaré. D’après le quotidien francophone Le Monde, le nombre de signatures s’élève à présent à 400.
« Ils sont dans une stratégie d’hégémonie culturelle. Il leur faut éjecter de la scène des gens comme moi », a en outre témoigné Benjamin Stora dans les colonnes du Monde. Rappelons que l’hebdomadaire raciste — auquel le président français avait accordé une longue interview il y a quelques semaines, suscitant une autre polémique dans la classe politique française — a déjà été condamné en 2015 par la justice française pour provocation à la haine.