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Sanctionner les femmes qui portent la burqa ne les libérera pas

Dans un texte repris de son blog, le Commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, exprime une nouvelle fois son inquiétude devant la montée de l'islamophobie et des préjugés à l’encontre des musulmans. Le débat sur l’interdiction de la burqa et du niqab dans les lieux publics a fait diversion en détournant l’attention de problèmes beaucoup plus profonds et a contribué à miner l’esprit de tolérance en Europe. En complément : lire le rapport « Un voile sur les réalités – 32 musulmanes de France expliquent pourquoi elles portent le voile intégral » de l'Open Society Foundations.

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Sanctionner les femmes qui portent la burqa

ne les libérera pas

L’islamophobie et les préjugés à l’encontre des musulmans continuent de miner l’esprit de tolérance en Europe. Le débat sur l’interdiction de la burqa et du niqab dans les lieux publics en est l’un des symptômes. Avec la nouvelle loi qui entrera en vigueur en Belgique le samedi 23 juillet, les femmes qui portent ce type de vêtements seront passibles d’une amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept jours.

En avril de cette année, la France a été le premier pays d’Europe à interdire le voile intégral, toute personne portant le niqab ou la burqa en public devant désormais s’acquitter d’une amende de 150 euros et/ou suivre un « stage de citoyenneté ». Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, une trentaine de femmes ont été verbalisées ou poursuivies.

Des voix fortes s’élèvent pour exiger le même type d’approche dans des pays comme l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suisse. Dans le nord de l’Italie, une vieille loi anti-terroriste (sic !) qui interdit, pour des raisons de sécurité, de se couvrir complètement le visage a même été utilisée par certaines collectivités locales contre des femmes qui portaient le voile intégral.

Contraire aux normes européennes des droits de l’homme

L’un des principaux arguments avancés est que la pénalisation serait dans le meilleur intérêt du petit nombre de femmes qui portent le voile intégral en Europe. Cette interdiction les aiderait à se libérer. Pourtant, aucun élément tangible ne conforte vraiment ces assertions.

Il est au contraire plus probable que ces lois – très clairement dirigées contre les adeptes d’une religion – stigmatiseront encore davantage ces femmes et les couperont encore plus de l’ensemble de la société. À interdire l’accès d’établissements publics comme les hôpitaux ou les administrations gouvernementales aux femmes qui portent la burqa ou le niqab, le risque est qu’elles finissent par s’exclure complètement de ces lieux. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une libération.

Selon un rapport des Fondations pour une société ouverte, depuis que le débat sur le voile a commencé en France, 30 des 32 femmes interviewées pour ce rapport ont été victimes d’agressions verbales, voire aussi physiques dans certains cas. En conséquence, elles ont préféré limiter le temps passé hors de chez elles.

Concrètement, il se pourrait fort bien que cette interdiction constitue une violation des normes européennes des droits de l’homme et en particulier du droit au respect de la vie privée et de l’identité personnelle. En principe, l’Etat devrait s’abstenir de légiférer sur la manière dont les gens s’habillent.

Toutefois, certaines situations exigent que l’on montre son visage à des fins de sécurité ou d’identification nécessaire lorsqu’il en va de l’intérêt supérieur de la collectivité. Nul ne le conteste et aucun incident sérieux n’a été signalé à ce sujet en ce qui concerne les rares femmes qui portent habituellement la burqa ou le niqab.

Une tentative de diversion des problèmes plus profonds

Nous nous indignons, à juste titre, contre les régimes qui imposent le port du voile intégral aux femmes ; cette attitude tyrannique est en effet totalement inacceptable. Mais ce n’est pas en s’en prenant aux femmes et en les sanctionnant qu’on résoudra le problème.

Faire, comme on l’a fait, des pratiques vestimentaires d’un petit nombre de femmes un problème central nécessitant d’urgence débats et initiatives législatives, c’est tristement capituler face aux préjugés des xénophobes. Ce n’est certainement pas en adoptant leur rhétorique et leurs positions qu’on pourra les combattre.

Les débats sur la burqa et le niqab ont fait diversion en détournant l’attention des problèmes beaucoup plus profonds que posent les tensions et les fossés entre les cultures. Au lieu d’encourager ce discours malencontreux, les responsables politiques et les gouvernements feraient mieux de lutter plus énergiquement contre les crimes de haine et la discrimination à l’encontre des minorités.

Le 2O juillet 2011

Thomas Hammarberg
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