D’après les historiens britanniques Jim House et Neil MacMaster, les massacres d’Algériens à Paris, en octobre 1961, constituent « dans toute l’histoire contemporaine de l’Europe occidentale, la répression d’État la plus violente et la plus meurtrière qu’ait jamais subie une manifestation de rue désarmée». Le nombre de victimes, morts ou disparus, n’est pas connu de façon précise, mais les historiens l’évaluent à plusieurs centaines.
En février 1962, les huit morts du métro Charonne provoqueront une mobilisation sans précédent des grands partis de gauche et des syndicats contre l’OAS, la police et les partisans de l’Algérie française. «C’est le plus sanglant affrontement entre policiers et manifestants depuis 1934», titrera
en page 2 Le Monde du 10 février 1962, témoignant ainsi de l’occultation des massacres des Algériens qui s’étaient déroulés quelques mois auparavant.
Un demi-million de personnes ont suivi les obsèques des victimes de Charonne, alors qu’aucune manifestation d’ampleur n’avait eu lieu après le 17 octobre 1961. «Les Français ont “choisi entre les morts”», dira avec un sentiment de malaise un témoin présent au défilé.
Ce n’est qu’à l’occasion du procès pour crimes contre l’humanité intenté à Maurice Papon, en octobre 1997 – l’ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde doit répondre de son rôle dans la déportation de 1690 Juifs en 1942 –, que l’ampleur du carnage d’octobre 1961 est portée à la connaissance du public, grâce au témoignage de l’historien Jean-Luc Einaudi. Un pas de plus est franchi en février 1999, lorsque Papon attaque Einaudi en diffamation au tribunal correctionnel de Paris. Les dépositions de quelques survivants sont confortées par le témoignage de deux conservateurs aux Archives de Paris en charge des archives judiciaires. Etablie de façon éclatante, la réalité des faits est alors reconnue par le substitut du procureur de la République, représentant de l’État. Il met en pleine lumière la spécificité des massacres d’octobre 1961 : il ne s’agissait pas d’un fait de guerre “ordinaire”, car les victimes n’étaient pas des combattants, mais des familles venues manifester pacifiquement !
Ces événements se sont déroulés il y a cinquante ans, et ils continuent à être souvent confondus avec ceux du métro Charonne. Mais on assiste à leur lente ré-émergence dans la mémoire collective française ; vous en trouverez ci-dessous une chronologie sommaire.
Il est temps que l’État français reconnaisse enfin sa responsabilité !
Il est vrai que, selon l’historien Pierre Vidal-Naquet, «ne pas parler de la guerre d’Algérie fait partie d’un patrimoine commun à la gauche et à la droite».
[Mis en ligne le 22 septembre 2011, mis à jour le 10 octobre]