affaire Bigeard : reconnaître les « heures noires » qui souillent notre passé
je me souviens de l’avoir vu en train d’interroger un malheureux,
avec la gégène.»
Le projet de transfert aux Invalides des restes du général Bigeard a remis à l’actualité ces heures noires où « un pays de tradition libérale» a vu «en quelques années ses institutions, son armée, sa justice, sa presse, corrodées par la pratique de la torture, par le silence et le mensonge observés autour de questions vitales qui mettent en cause la conception même que l’Occident affirme se faire de l’homme.1 »
La pratique de la torture par l’armée française pendant la guerre d’Algérie n’est plus contestée – voir ci-dessous le témoignage de Massu sur Bigeard. Elle s’est faite avec la complicité du pouvoir politique. Pendant “la bataille d’Alger”, grâce au vote des “pouvoirs spéciaux”, les autorités civiles se sont défaussées sur les militaires de leur responsabilité du maintien de l’ordre. Mais, dès le début de la guerre, les militaires avaient eu « toute latitude pour mener une guerre totale2».
Aujourd’hui, notre pays s’honorerait en renonçant au transfert des cendres du général Bigeard aux Invalides3, et en effectuant une démarche de reconnaissance d’une de ces « heures noires » « qui blessent la mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays » évoquées par le président Jacques Chirac le 16 juillet 1995 alors qu’il reconnaissait la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des Juifs durant l’Occupation4.