Des recommandations pour mettre fin aux pratiques discriminantes envers les Roms1
Les évacuations de bidonvilles sans relogement vont bon train. Et ce en contradiction avec l’esprit de la circulaire du 26 août 2012 qui recommande la recherche de solutions d’accompagnement dans les différents domaines concourant à l’insertion des personnes.
C’est dans ce contexte que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a réuni son groupe de travail sur les Roms le 18 juillet dernier, en présence du collectif Romeurope.
La Cimade y a porté les recommandations suivantes sur le volet des expulsions du territoire de ces citoyens de l’Union européenne, souvent couplées à l’évacuation des campements.
- Arrêt des notifications massives d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) lors des évacuations.
La circulaire du 26 août 2012 préconise d’accompagner les personnes évacuées afin de permettre notamment leur accès aux droits. Or, les évacuations s’accompagnent majoritairement de notifications d’OQTF, signifiées dans l’urgence, sans examen sérieux des situations individuelles. Cette pratique relève d’un harcèlement administratif extrêmement précarisant pour les personnes évacuées.
- Arrêt de la politique d’ « aide au retour » lors des évacuations.
La notification massive d’OQTF s’accompagne de fortes pressions policières exercées sur les personnes afin de leur soutirer une décision de retour « volontaire » en Roumanie. Ces retours n’ont rien de volontaire, ils s’apparentent à des éloignements forcés sans passer par la case enfermement. Les expulsions sont très régulièrement organisées via des charters, vols groupés de Paris à destination de Bucarest. Ces charters sont les seuls avions affrétés par la France pour expulser exclusivement une communauté. Les expulsions collectives sont en théorie interdites par la Convention européenne des droits de l’Homme.
- Mettre fin à la discrimination des Roms communautaires.
En tant que ressortissants communautaires, les Roms, roumains ou bulgares, ont des droits à l’instar de tous les Européens. Ces droits sont très souvent bafoués lors de l’édiction de mesures d’éloignement.
Les préfectures recourent ainsi de manière systématique et abusive aux notions de « charge déraisonnable pour le système social », « d’abus de droit », de « trouble à la salubrité publique » ou de « trouble à l’ordre public » pour justifier des mesures d’éloignement.
La récente évacuation du squat de la rue d’Orgemont, à Angers, est une illustration éloquente de ces pratiques. Ainsi de nombreuses personnes évacuées récemment exerçaient légalement leur liberté de circulation. Elles ont été expulsées en quelques heures ou quelques jours, sur le fondement d’OQTF invoquant pêle-mêle tous les motifs déjà cités. A l’issue de cette évacuation, seize personnes ont été enfermées en centre de rétention, sans qu’aucune alternative à leur enfermement n’ait été envisagée. Elles ont toutes été expulsées. Le recours massif à l’enfermement et les expulsions de ces ressortissants communautaires sont illégaux et doivent cesser.
Le Défenseur des droits a lui aussi adressé au gouvernement un rapport sur l’application de la circulaire du 26 août 2012 relative à l’anticipation et l’accompagnement des opérations d’expulsions des campements illicites. La circulaire était censée mettre un terme aux dérives antérieures et privilégier la concertation et l’intégration des personnes visées. Les constats du Défenseur des droits sont accablants et rejoignent les observations du collectif Romeurope. Aucune amélioration n’a été constatée sur le terrain. La circulaire est peu appliquée, les blocages sont toujours les mêmes : accès aux droits, scolarisation, santé, travail, évacuations, expulsions sans accompagnement.
Le 26 juillet, la CNCDH a transmis ses recommandations au Premier ministre et aux sept ministres signataires de la circulaire. Que fera le gouvernement du rapport du Défenseur des droits comme de l’avis de la CNCDH sur ces pratiques discriminantes ? Le précédent avis de la CNCDH de mars 2012 était resté lettre morte.
Pour aller plus loin :
- L’avis de la CNCDH du 26 juillet 2013 et le communiqué de presse du 1er août 2013 : http://www.cncdh.fr/sites/default/files/cp_cncdh_roms_recommandations_0.pdf
- «Intégrer les Roms requiert du courage politique», par Christine Lazerges (Présidente CNCDH), tribune publiée dans le journal Le Monde le 31 juillet 2013 : http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/07/31/integrer-les-roms-requiert-du-courage-politique_3455932_3232.html?xtmc=cncdh&xtcr=1
- Sur ce site : 5495
- Rapport du Défenseur des droits : http://www.romeurope.org/IMG/pdf/rapport-ddd-2013-06-25.pdf
- Rapport de Romeurope : http://www.romeurope.org/IMG/pdf/rapport_observatoire_cndh_romeurope_juin_2013.pdf
- Droits bafoués lors d’évacuations de campements (document de La Cimade) :
http://www.lacimade.org/nouvelles/4491-Droits-bafou-s-lors-d–vacuations-de-campements
Marseille : le nouveau parc de l’errance des roms
Hier, les associations ont dénoncé les conditions de vie des Roms, sous leurs regards. Expulsés d’une caserne de Plombières, ces derniers se retrouvent dans un parc public.
Un parc public squatté. Voilà qui doit évoquer de bien tristes souvenirs aux associations qui suivent l’errance des Roms. En 2011, sous les caméras de la France entière, la police faisait évacuer la pelouse de la porte d’Aix. Depuis, les Roms ont déserté le centre-ville. Aujourd’hui, c’est un autre parc, le square Rathery (3e) à l’entrée de l’autoroute nord, qui sert de campement à la communauté rom venue s’y réfugier après avoir été expulsée de la « caserne Cardot », au 91, boulevard Plombières, à Marseille.
Hier matin, l’élu communiste Jean-Marc Coppola, entouré des membres du « Collectif de solidarité avec les Roms », est venu dénoncer, une fois de plus, la politique du gouvernement : « Il y a un paradoxe entre ce qu’on entend actuellement, c’est-à-dire les recommandations concernant la canicule, et la situation des femmes et des enfants qui, ici, n’ont pas d’eau (…). Et qu’on ne me dise pas que le gouvernement ne peut pas s’occuper des 2 500 Roms de la région (…) Il piétine les droits de l’homme. Le changement de président n’a rien amené. »
« C’est une véritable honte pour Marseille »
Du groupe de Roms expulsés de Plombières, quelques femmes et enfants ont été logés à l’hôtel. Les ferrailleurs seraient partis s’installer autour de Marseille. Seuls les chiffonniers, ceux qui « vivent » des poubelles, occuperaient le square Rathery. Jean-Marc Brémond, du collectif, insistait : « Il reste une soixantaine de personnes ici sans accès à l’eau, sans pouvoir bénéficier du strict nécessaire pour éviter les problèmes d’hygiène. » A la Ligue des droits de l’homme, on était beaucoup plus cinglant : « Il y a aujourd’hui 28 sites de Roms dans la ville. C’est une véritable honte pour Marseille. Elle propose en 2013 une année de culture et d’ouverture mais ici c’est la fermeture totale. »
Quel avenir pour ce groupe de Roms ? Pour l’heure, c’est l’impasse. Mais la situation pourrait s’aggraver à Marseille. Car, après l’expulsion de Plombières, c’est celle de la Capelette qui se prépare. Autrement dit, on va évacuer le plus grand camp de Marseille. 400 Roms dans la nature.
- Source : actualité du 2 août 2013 de La Cimade : http://www.lacimade.org/nouvelles/4560-Des-recommandations-pour-mettre-fin-aux-pratiques-discriminantes-envers-les-Roms.