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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

QPC sur les contrôles d’identité

Une cinquantaine d'avocats vont déposer, à partir de lundi 23 mai, des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur les contrôles d'identité devant les juridictions de six villes françaises. Pendant deux semaines, à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Nanterre et Créteil, ils devraient soulever une QPC pour chaque dossier traité par la justice dans lequel il est fait état d'un contrôle d'identité reposant sur un délit de faciès. Selon le cabinet de l'avocat William Bourdon, qui participe à cette action, "il y a déjà quelque chose d'anticonstitutionel [dans les contrôles d'identité] puisque chaque contrôle est une atteinte à la liberté et qu'il convient donc à un juge de statuer". Ces QPC sur les contrôles d'identité visent également à attirer l'attention sur les "contrôles au faciès" qui, selon certaines études, "touchent beaucoup plus les Noirs et les Arabes". Le cabinet dénonce le fait que "des personnes qui ont été contrôlées dans les cités et qui ne sont pas ensuite passées devant un juge, n'ont aucun moyen de démontrer qu'elles ont pu être contrôlées jusqu'à trois fois dans la même journée".

QPC sur les contrôles d’identité

Aujourd’hui, des avocats sur l’ensemble du territoire se mobilisent afin que soit reconnu le caractère anticonstitutionnel des contrôles d’identité tels qu’autorisés par le Code de Procédure Pénale français.

Des centaines de milliers, si ce n’est des millions, de contrôles d’identité ont lieu tous les ans en France en s’appuyant sur l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale.

Or, cet article viole gravement plusieurs droits et libertés fondamentaux constitutionnellement garantis, tel que la liberté d’aller et venir, le droit à un recours effectif et le principe de l’égalité devant la loi.

L’absence de critère précis dans ces dispositions du Code de Procèdure Pénale est source d’arbitraire et ne permet pas un contrôle effectif des motifs du contrôle d’identité par un juge impartial et indépendant tel que pourtant le prévoit, tant le droit international que le droit européen ou le droit national.

En outre, l’étude menée par Messieurs Fabien Jobard et René Levy, chercheurs du CNRS, en collaboration avec l’Open Society Justice Initiative, démontre que nombre de jeunes hommes issues de minorités visibles subissent en pratique l’écrasante majorité des contrôles d’identité.

La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), dans son rapport 2008, a exprimé ses préoccupations face aux contrôles d’identité sans motif et au faciès.

Aux fins de remédier aux contrôles d’identité (consciemment ou non) discriminatoires et à l’impossibilité de vérification des motifs de ces contrôles par le juge, les avocats et les organisations signataires vont dans les prochaines semaines déposer, à chaque fois qu’il est possible, des questions prioritaires de constitutionnalité à l’encontre de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale afin que soit statué sur sa compatibilité avec les droits et principes fondamentaux garantis par notre droit.

Le 23 mai 2011

Signataires :

  • Gisti
  • Open Society Justice Initiative
  • Syndicat des avocats de France

La LDH propose la mise en place d’un système d’attestation

[source : Nord-Eclair, le 23 mai 2011.]

La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) a salué l’initiative des avocats. Son président Jean-Pierre Dubois a dénoncé une définition des contrôles d’identité « trop large » et une application « scandaleusement sélective ». Une enquête de 2009 menée à Paris et financée par l’Open Society Institute du milliardaire américain George Soros avait pointé la réalité des contrôles au faciès, menés en fonction de critères ethniques ou du style des vêtements portés. Sur la base de plus de 500 observations, elle avait confirmé que « les Noirs couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés (sur les sites retenus) ». La probabilité pour les Arabes se situait entre 1,8 et 14,8 fois.

Pour lutter contre ces contrôles, un collectif d’associations emmené par la LDH avait alors proposé que le policier remette lors de chaque contrôle une attestation où figureraient son numéro de matricule, le nom de la personne contrôlée, la date, le lieu et le cadre légal du contrôle.

Brigades madrilènes anticontrôle au faciès

par Elodie Cuzin (Madrid, intérim), Le Monde du 22 avril 2011

Teresa et José insistent. Pas question pour ces jeunes Espagnols d’être présentés comme les porte-parole de la centaine de Madrilènes qui s’opposent depuis deux ans aux contrôles d’identité au faciès faits par la police. Ils sont juste deux habitants parmi d’autres, Espagnols et étrangers venus d’Amérique latine, de Belgique ou du Royaume-Uni, qui, depuis deux ans, se postent par demi-douzaine, plusieurs fois par semaine, dans les rues des quartiers les plus métissés de Madrid. Là où les contrôles sont les plus fréquents, assurent-ils.

On reconnaît à leurs dossards orange marqués d’un oeil inquisiteur ces brigades de voisinage pour l’observation des droits de l’homme nées à Aluche, dans la banlieue de Madrid. Une dizaine de groupes tournent régulièrement dans plusieurs quartiers de la capitale espagnole. Leur mot d’ordre : « Observer et recenser les faits de harcèlement policier visant la population au profil “non espagnol”. »

« Nous utilisons ces dossards pour indiquer aux passants que quelque chose d’anormal se passe », explique Teresa, éducatrice. « La police contrôle des gens simplement parce qu’ils ne correspondent pas à l’idée qu’elle se fait de l’Espagnol moyen. Seul, insiste-t-elle, un petit nombre de ces contrôles débouche sur des expulsions de sans-papiers. »

« Une rage organisée »

A Aluche, des voisins se sont un jour lassés de voir que les mêmes personnes étaient toujours visées. « Tu es témoin de cinq contrôles avant de réaliser que toi, on ne t’arrête jamais », s’agace Teresa. Une poignée d’habitants éprouvaient la même colère, le bouche-à-oreille les a rassemblés. Ces brigades sont nées d’une « rage organisée », s’amuse la jeune femme.

Lorsque les « patrouilleurs » sont témoins d’un contrôle, ils demandent aux policiers ce qui motive leur intervention. Mais la plupart du temps, ils doivent se contenter de recenser les faits et de distribuer des fascicules dénonçant la pratique. « Nous ne cherchons pas à empêcher systématiquement les contrôles, mais à informer les passants », explique José. « Cette pratique est tellement courante qu’on pense presque automatiquement que les personnes contrôlées sont dangereuses, renchérit Teresa. On criminalise la population étrangère. »

L’ONU vient d’exiger de l’Espagne qu’elle mette fin aux « contrôles d’identification fondés sur des profils ethniques et raciaux » pouvant déboucher sur des détentions « indiscriminées » d’étrangers. Pour l’instant, ce sont neuf « brigadiers » qui risquent des sanctions. La police les accuse d’avoir « troublé l’ordre public » cet hiver. En sirotant leurs granités, José et Teresa affirment que les brigades iront, s’il le faut, devant la justice pour revendiquer le droit d’occuper pacifiquement la rue. « Madre Mía !, s’exclame Teresa. La police suit des ordres aberrants et c’est nous qui sommes mis à l’amende. »

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