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Nicolas Sarkozy annonce la prochaine “décristallisation” des pensions des anciens ressortissants des colonies

Le Conseil constitutionnel a rendu le 28 mai 2010 sa décision concernant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives relatives au régime spécial des pensions applicable aux ressortissants des pays et territoires autrefois sous souveraineté française. Il a déclaré inconstitutionnelles, car contraires au principe d’égalité, des dispositions qui prévoyaient, pour les titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite, des conditions de revalorisation différentes suivant leur lieu de résidence au moment de l’ouverture de leurs droits1. Suite à cette décision du Conseil constitutionnel, le président de la République a annoncé le 13 juillet 2010, lors du déjeuner offert aux chefs d'Etat africains invités d'honneur du 14 juillet, que, dès la prochaine rentrée parlementaire, un projet de loi serait présenté en vue d'aligner les pensions servies aux anciens combattants avec un taux unique, indépendant de la nationalité et du lieu de résidence. Une décision que les anciens combattants des colonies apprécieront2 – mais combien d'entre eux sont encore en vie ?
[Mise en ligne le 28 mai 2010, mise à jour le 16 juillet]

Mise à jour du 16 juillet 2010

Nicolas Sarkozy annonce un projet de loi alignant les pensions des anciens combattants

Suite à la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010, le président de la République a annoncé le 13 juillet 2010, lors du déjeuner offert à l’Elysée aux chefs d’Etat africains invités d’honneur du 14 juillet, que, dès la prochaine rentrée parlementaire, un projet de loi serait présenté en vue d’aligner les pensions servies aux anciens combattants avec un taux unique, indépendant de la nationalité et du lieu de résidence :

«C’est également pour témoigner de notre reconnaissance indéfectible envers les Anciens Combattants originaires de vos pays, que nous souhaitons les voir bénéficier désormais des mêmes prestations de retraite que leurs frères d’armes français. C’est une décision que nous avons prise, Monsieur le Premier ministre, ce matin en Conseil des ministres. Egalité parfaite.»

Les mesures annoncées par le chef de l’Etat vont plus loin que les obligations fixées par le Conseil constitutionnel qui n’avait demandé que le respect du principe d’égalité : «nous avons choisi un alignement général par le haut», a indiqué un responsable du dossier à l’Elysée.
Ces dispositions, qui devraient entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2011, concerneront environ 30 000 bénéficiaires (10 000 anciens soldats et 20 000 ayants droit) pour un coût annuel de l’ordre de 150 millions d’euros.

« C’est une belle victoire pour l’honneur de notre pays et pour tous ces anciens combattants, la fin d’une injustice qui déshonorait la France depuis cinquante ans », a commenté Alain Rousset, président PS de la région Aquitaine et député, auteur d’une proposition de loi en faveur de la « décristallisation ».
Toutefois, des questions demeurent. « Faudra-t-il que ces anciens combattants viennent en France pour toucher leurs pensions ? », se demande-t-il. Aujourd’hui, pour bénéficier du minimum vieillesse, il faut vivre six mois par an en France. L’élu espère que les conditions de versement des pensions seront plus souples.1

Le Conseil constitutionnel « décristallise » les pensions des anciens ressortissants des colonies

par Patrick Roger, Le Monde, 29 mai 2010

Il s’agit de la première décision rendue par le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Instaurée lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008, la QPC, entrée en vigueur depuis le 1er mars 2010, permet à tout justiciable de soulever devant un juge la constitutionnalité de la loi applicable dans l’affaire dont il est partie. Le Conseil constitutionnel avait été saisi, le 14 avril, des trois premiers dossiers transmis par le Conseil d’Etat.

Sa décision sur la question soulevée par les deux requérants, Mme Kheddidja Labanne et son fils, Moktar Labanne, rendue publique vendredi 28 mai, fera date. Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions inscrites dans les lois de finances rectificative d’août 1981 et les lois de finances de décembre 2002 et décembre 2006 relatives à la « cristallisation » des pensions applicables aux ressortissants des pays et territoires autrefois sous souveraineté française et, notamment, aux ressortissants algériens. Le Conseil a jugé que ces dispositions constituaient une rupture du principe d’égalité.

Cette décision met fin à une injustice manifeste, perpétuant une différence de traitement entre ressortissants français et étrangers titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite et résidant dans le même pays. Lors de l’audition publique qui s’est tenue mardi 25 mai devant les onze membres du Conseil constitutionnel réunis, Me Arnaud Lyon-Caen, avocat de Mme Khedidja L. et de M. Moktar L., avait cité l’exemple d’un ancien sergent marocain touchant 612 euros de retraite annuelle alors que, pour un sergent français ayant servi dans les mêmes conditions et versé les mêmes cotisations, elle s’élève à 7512 euros.

Le Conseil ne conteste pas que les pensions puissent être affectées de coefficients différents en fonction des disparités de pouvoir d’achat et de coût de la vie dans les pays concernés. En revanche, il estime que, dans un même pays de résidence, il ne doit pas y avoir de différence de traitement entre un ressortissant français et un ressortissant étranger présentant les mêmes droits.

L’abrogation des trois articles visés par la censure prendra effet à compter du 1er janvier 2011. Il revient donc au législateur de prendre, d’ici là, de nouvelles dispositions, fixant le niveau des pensions par pays tout en respectant le principe d’égalité. Le bénéfice de ces nouvelles dispositions sera étendu, outre les requérants, à tous ceux dont les affaires sont en instance. Les pensions « décristallisées » seront recalculées et un rattrapage sur les quatre dernières années – durée de la prescription – sera effectué.

En 2006, après la sortie du film Indigènes, de Rachid Bouchareb, primé au Festival de Cannes, sous la présidence de Jacques Chirac, les « prestations de sang », c’est-à-dire les retraites des combattants et les pensions d’invalidité, avaient déjà été décristallisées. Le nombre de bénéficiaires de la remise à niveau que va entraîner la décision du Conseil constitutionnel est évalué à une dizaine de millier de personnes. Le coût annuel pour les finances publiques sera de plusieurs dizaines de millions d’euros, en fonction du niveau des pensions qui sera fixé par la loi.

  1. La Croix, 14 juillet 2010.
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