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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
A gauche : couverture de cahier scolaire par G. Daschner, vers 1900. A droite : révolte en Côte d'Ivoire, début du XXe siècle (Harlingue/Roger Viollet).

mémorial de l’Outre-mer ou historial du colonialisme ?

Compte-rendu par Evelyne Verlaque du colloque organisé à l'initiative du MRAP13, de Survie et de la LDH13, qui s'est déroulé le samedi 21 octobre 2006, à la Faculté Saint-Charles de Marseille2.
[Première mise en ligne le 11 janvier 2007,
mise à jour le 1er février 2007]

A gauche : couverture de cahier scolaire par G. Daschner, vers 1900. A droite : révolte en Côte d'Ivoire, début du XXe siècle (Harlingue/Roger Viollet).
A gauche : couverture de cahier scolaire par G. Daschner, vers 1900. A droite : révolte en Côte d’Ivoire, début du XXe siècle (Harlingue/Roger Viollet).

Ouvrir un Mémorial de la France Outre-mer à Marseille en 2007, n’est-ce pas tout simplement appliquer l’article 4 de la loi du 23 février 2005, pourtant abrogé ?

A l’origine de notre inquiétude, des signes à la symbolique forte comme le lieu d’implantation prévu sur le site des expositions coloniales du XXè siècle à Marseille, au parc Chanot…

Nous avons donc voulu en savoir plus sur le projet scientifique de cet établissement. Lié par le contexte Mémoires/Histoire aux délicats débats qui déchirent la société française, il est en effet emblématique : comment y sera présenté le passé colonial qu’il est nécessaire de transmettre aux générations futures ?

C’est ainsi que nous avons découvert la démission du conseil scientifique de deux historiens de renom, Claude Liauzu et Daniel Hémery (cf l’encadré, ci-dessous), soucieux a contrario de promouvoir un projet émancipateur où serait entendu, et traité avec un égal recul, «loin des préoccupations électorales ou idéologiques», le témoignage des métropolitains et celui des femmes et hommes anciennement colonisés, pour une «histoire croisée des colonisateurs et des colonisés».

Pour en savoir plus sur le processus colonisation/décolonisation tel qu’il a été conduit par la France, et aussi pour mieux cerner la manière dont nous pourrions soutenir un projet mémoriel plus conforme à une éthique antiraciste, nous avons décidé de nous donner un outil de travail en organisant un colloque à Marseille, le 21 octobre 2006.

Ce colloque a rassemblé avec succès sur deux demi-journées une foule d’environ 400 participants à l’écoute de contributions très différentes et complémentaires sur trois thèmes :

  • Où en est la société française face à son histoire coloniale?

Débat passionnant sur l’indépendance de la recherche face aux enjeux politiques, conduit avec maîtrise par Jean-Luc Einaudi, écrivain, suivi de Raphaël Granvaud (Survie) qui nous a intéressés à la problématique de la transmission par les manuels scolaires.

  • Un colonialisme ou des colonisations? Quelles relations entre démarche historienne, jugement de valeur, qualification juridique?

Olivier Lecour Grandmaison, professeur de sciences politiques, auteur de Coloniser, exterminer (Fayard 2005) et Christian Bruschi, avocat, historien du droit, nous ont surpris et donné l’envie de lire ou relire leurs ouvrages et articles. Daniel Um Nyobe, fils de Ruben Um Nyobe, pionnier de l’indépendance du Cameroun, a témoigné au nom de son père assassiné en septembre 1958 au maquis.

  • Dans le pré carré français après 1960: indépendance, néo-colonialisme, mondialisation : quelles articulations?

Odile Biyidi, Lounis Aggoun, Nicolas Bancel , Damien Millet , orateurs convaincants aux styles très personnels, ont alterné témoignage, émotion et même humour au service d’une information précise, chacun dans son domaine: fracture coloniale, Françalgérie, Afrique et dette …

A ces contributions précieuses s’est ajouté l’apport de Benjamin Stora , professeur d’Université, grand spécialiste de l’Algérie (La gangrène et l’oubli, éd. La Découverte ) qui nous a envoyé le texte de sa réflexion permettant d’envisager un véritable contre-projet.

En conclusion

Beaucoup reste à faire pour qu’au-delà des mémoires rivales ou blessées, puisse enfin être pris le recul nécessaire à l’écriture d’une Histoire partagée.

Dans ce travail fondamental pour l’avenir de nos sociétés, il est impossible que des scientifiques français, métropolitains et ultra-marins, ne soient pas associés à leurs homologues vivant actuellement dans les pays anciennement colonisés par la France.

Le Mémorial national de la France Outre-mer de Marseille, au coeur de bien des enjeux idéologiques, ne doit donc pas sortir de nos préoccupations!

Evelyne Verlaque
1

«Dès 2001, nous avons refusé de participer au Mémorial de la France d’Outre-mer. Les raisons de notre démission demeurent entières.
Elles sont même confirmées par les incertitudes pesant sur ce projet sous l’effet de pressions politiciennes.

Ce mémorial s’inscrit dans un dispositif d’ensemble destiné à exalter la colonisation, comme le fait la loi du 23 février 2005 “portant reconnaissance de la nation” aux rapatriés. Une longue campagne a imposé l’abrogation de l’article 4 de cette loi qui instituait l’enseignement du “rôle positif” de la colonisation. Demeure cependant l’article 3 créant une “fondation pour la mémoire des combats d’Afrique du Nord”,
dont les conditions de fonctionnement sont d’une totale opacité […]»

Octobre 2006 – extraits.

Claude Liauzu et Daniel Hémery,

historiens, université Denis Diderot, Paris 7

  1. Evelyne Verlaque est membre du CA du MRAP, et responsable de la commission Education.

    Pour tout renseignement complémentaire, merci de contacter la FD 13, Pedro Fernandez ou Evelyne Verlaque.
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