Dans le Le camp de Lodi (page 118), Nathalie Funès rapporte que, dans ses notes, Yves Godard «a écrit noir sur blanc que Maurice Audin […] a été exécuté par un militaire». Et elle poursuit : « Il anéantit les déclarations de tous les gradés de l’armée, le général Massu son supérieur en tête, qui ont tous juré sous serment devant le juge à Rennes, lors de l’instruction de l’affaire ou au cours d’autres procès, comme celui des barricades, que Maurice Audin s’était enfui. Il barre d’un trait de crayon la version officielle de l’évasion toujours soutenue plus d’un demi-siècle après par les autorités françaises.»
![de la main du colonel Godard de la main du colonel Godard](https://histoirecoloniale.net/wp-content/uploads/2012/03/manuscrit_godard.jpg)
Et elle confirme dans le Nouvel Observateur :
Le colonel Godard accuse
dossier de Nathalie Funès
publié dans l’édition du 1er mars 2012 du
Nouvel Observateur (pages 10 à 14)
« Je suis prêt, à ce sujet, à répondre à toutes les questions qu’on voudra bien me poser, un jour, et je suis sûr que Massu n’en posera aucune.
J’ai moi-même affirmé à Guillaumat [ministre de la Défense, ndlr], en décembre 1959, que Charbonnier n’était pas le meurtrier d’Audin. C’est vrai. Mais, quand on sait, comme moi et comme Massu, qu’Audin a été victime d’une « erreur » d’identité, confusion avec Alleg, l’agent d’exécution étant […], il est permis de suspecter la bonne foi d’un officier général, actuellement commandant supérieur des troupes d’occupation en Allemagne, témoignant sous serment. »
Le colonel Godard écrit probablement ces lignes au début des années 1970. Il vit alors à Lessines, en Belgique. Ancien résistant dans le maquis des Glières en Savoie, grand officier diplômé de Saint-Cyr et couvert de médailles, il a été commandant de la zone Alger-Sahel en 1957, pendant la bataille d’Alger, avant de rejoindre les militaires putschistes en 1961 puis l’OAS. Exilé, condamné à mort, puis gracié en 1968 comme les autres « ultras » de l’Algérie française, il publie le premier tome des Trois Batailles d’Alger chez Fayard en 1972, trois ans avant sa mort. Ces notes étaient sans doute destinées au deuxième volume, jamais sorti. Elles sont conservées avec tous ses documents personnels, parmi les archives de la Hoover Institution, à l’Université Stanford,
en Californie.
Josette Audin a écrit à Nicolas Sarkozy, après son élection à l’Elysée, en juin 2007: « Vous qui invoquez fréquemment l’honneur de la France, ne la laissez pas, pour un temps encore, se déshonorer en cautionnant la dissimulation honteuse de cette mort. » Le président ne lui a pas répondu.
Un nouveau courrier vient de lui être adressé à l’initiative de l’Association Maurice-Audin, qui a succédé au Comité Audin. Il est signé de Benjamin Stora et de Mohammed Harbi. Les deux historiens spécialistes du conflit réclament « la levée du secret défense sur tous les documents relatifs à l’affaire» pour « rétablir la vérité historique sur un événement marquant de la guerre d’Algérie1 ».
- Référence : ">Nathalie Funès, Nouvel Observateur du 1er mars 2012.