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Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024
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Maryse Joissains : “Les valeurs qu’a Marine Le Pen, je les ai toujours défendues”

Mais la maire d'Aix-en-Provence ajoute qu'elle est « imperméable à toute négociation» précisant immédiatement « au moins jusqu'au second tour1». Sa collègue, Valérie Boyer, députée UMP de Marseille et également membre de la “Droite populaire”, justifie le réalisme qui prévaut dans les Bouches-du-Rhône : « La présidentielle est la défaite d'un homme, mais il y a un projet politique à défendre. Il n'y a aucune raison de se boucher le nez.2 » Le texte ci-dessous que l'historien Alain Ruscio a publié en 2011, permet d'ailleurs d'apprécier la proximité entre les convictions de Maryse Joissains et le programme du Front National.

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Maryse JOISSAINS-MASINI, par Alain Ruscio1

La députée-maire d’Aix-en-Provence se situe résolument, sans états d’âme apparents, à la droite de la majorité présidentielle. Elle figura par exemple parmi les signataires d’une proposition de loi demandant le rétablissement de la peine de mort pour les auteurs « d’actes de terrorisme » (avril 20042). Très sociale, la députée a également été à l’initiative d’un projet de loi3 visant à obliger les bénéficiaires du RMI à accepter des activités d’intérêt général proposées par les collectivités territoriales.

Mais le racisme est vite apparu dans un (autre) projet de loi, visant à réserver aux Français ce même RMI (excluant ce qu’elle appelle joliment « des populations venues d’ailleurs ») :

« Le RMI est une allocation de solidarité nationale et a trop longtemps uniquement servi à une régulation sociale et permis de cacher les réels problèmes de l’emploi. Il a disqualifié la valeur du travail et sert d’appel à des populations venues d’ailleurs sans réelle intention de travailler, voire sans aucune possibilité de travailler. Le RMI doit être réservé à des cas précis de Français dans le besoin et à des situations d’intérêt national. »4

Elle eut droit à une courte célébrité nationale en 2006. À un projet de construction d’une mosquée à Aix, elle répondit:

« Aussi longtemps que les représentants de l’islam ne reconnaîtraient pas sans ambiguïté les règles de la République, notamment la laïcité, je ne faciliterai pas les choses. »5

Pratique qui aurait inauguré une novation remarquée dans le droit français : la promesse d’allégeance de la part d’une catégorie de citoyens, suspectée a priori à cause de sa religion.

Est-il étonnant, dans ces conditions, qu’elle ait participé activement à la campagne anti-burqa ?

Sur les questions mémorielles liées à l’histoire de la colonisation, elle est également en pointe, autant sans doute par conviction personnelle que par souci de plaire à un électorat pied-noir supposé sensible à ces questions. Elle reste conseillée par son ancien mari, Alain Joissains, lui-même ancien maire, qui fut commando de marine durant la guerre d’Algérie.

Elle fut cosignataire du projet de loi du 5 mars 2003 qui aboutit finalement au texte resté célèbre de février 20056.

Le 21 mai 2008, le site internet de L’Express fait une annonce qui ne passe pas inaperçue: la maire d’Aix envisagerait sérieusement de dédier une artère de sa ville à Jean-Marie Bastien-Thiry. Ainsi, une élue – censément – gaulliste honorerait celui qui avait tenté d’assassiner le Général, chef de l’État, quarante-cinq années plus tôt. La semaine suivante, Michel Feltin, du même hebdomadaire, interroge l’édile :

« Q. Vous avez également été saisie d’une demande pour Bastien- Thiry, cet officier pro-Algérie française qui avait tenté d’assassiner le général de Gaulle.

R. En effet. Ce dossier, sensible, est à l’étude depuis deux ans. Personnellement, je n’ai rien contre. Après tout, on ne peut pas lui reprocher d’avoir accompli de mauvaises actions. Il a simplement agi conformément à ses convictions. On ne peut pas dire qu’il a été indigne dans son comportement.

Q. Mais il a essayé d’assassiner le chef de l’État!

R. Et il a lui-même été exécuté par le pouvoir, comme le duc d’Enghien l’avait été par Bonaparte. C’est pourquoi je fais instruire le dossier, dont m’ont saisie les anciens combattants. »

Les « anciens combattants », cela présente bien… Que de façon délicate cette chose est dite : il s’agit en réalité des éléments les plus revanchards de la mouvance OAS, comme en témoigne la participation de la députée-maire d’Aix, le 22 octobre 2005, à une cérémonie haineuse où fut fustigée l’anti-France par René Andrès7.

Imperturbable, elle poursuit, toujours à propos de Bastien-Thiry :

« Personnellement, je ne connais pas assez son histoire: j’étais jeune, à l’époque. Alors je dis : pourquoi pas ? Je n’ai pas d’opposition de principe. D’autant qu’il y a beaucoup de pieds-noirs à Aix. »8

Nouvel argument irrecevable – Madame est une élue de la République – et, surtout, éminemment malhonnête (elle connaît parfaitement son histoire coloniale).

Le seul moment, finalement, où Mme la députée-maire ne ment pas, c’est lorsqu’elle ajoute qu’il y a « beaucoup de pieds- noirs » à Aix. Sous-entendu : ils voteront forcément pour moi si je commets une ignominie.

Et le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne s’en épargne aucune. Elle est de toutes les cérémonies nostalgériques initiées par les anciens de l’OAS, notamment au Mémorial national des Français d’Algérie et Rapatriés d’outre-mer du cimetière d’Aix9. Elle fait voter par sa majorité des sommes ahurissantes pour la Maison des Rapatriés : 78.686 euros en 2008, 43.086 euros en 2009… Et pour y héberger qui ? Le Cercle algérianiste d’Aix, le Centre de documentation historique sur l’Algérie, l’ADIMAD (Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française, en clair, les anciens putschistes et autres OAS) et un certain Comité Véritas. Sur ce dernier, un jeune journaliste vient de publier une enquête : il y révèle que ce Comité, aujourd’hui, en 2010, présente sur son Bulletin d’adhésion une Croix de Lorraine dynamitée, en train de s’effondrer, la vignette étant agrémentée de cette formule délicate : « Charles de Gaulle mérite d’être poursuivi et condamné comme l’ont été les artisans et les complices de l’holocauste juif! »10. Ne se trouvera-t-il donc pas un vrai gaulliste en France pour dénoncer cette mascarade ?

  1. Extrait de : Alain Ruscio, Y’a bon les colonies ? La France sarkozyste face à l’histoire coloniale, à l’identité nationale et à l’immigration, Paris, Éd. Le Temps des Cerises, 2011.
  2. Proposition de loi n°1521 du 8 avril 2004 :
  3. Proposition de loi n°1309 du 8 mars 2004.
  4. Proposition de loi n°2689 du 23 novembre 2005 :
  5. Déclaration, janvier 2006 ; cité par Catherine Coroller, Libération 18 janvier.
  6. [Note de LDH-Toulon] – Concernant ses convictions “Algérie française”, Maryse Joissains en donne un exposé très détaillé sur son blog : http://joissainsmasini2012.com/algerie-sexcuser-de-quoi/683.
  7. Site Bab-el-Oued Story, «22 octobre 2005 : journée d’hommage aux rapatriés d’Algérie et d’Outre-mer», 2005.
  8. Interview accordée à Michel Feltin, L’Express, 29 mai 2009.
  9. Jean-Baptiste Malet, Le Ravi n°80, décembre 2010.
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