France-Rwanda, ombres et lumières du rapport Duclert
Une lumière crue sur les responsabilités accablantes du pouvoir exercé par François Mitterrand.
Le rapport Duclert est d’abord une lumière dans ce tunnel de mensonges et de déni qui a caractérisé cette question pendant 27 années. Lumière parce que les conclusions sont claires et implacables : la commission d’historiens établit la responsabilité accablante du pouvoir mitterrandien, qui a commis une lourde faute politique en apportant son soutien aux génocidaires du Rwanda, avant et pendant les faits. Le génocide contre les Tutsi au Rwanda a été le dernier génocide du XX° siècle, il a fait un million de morts et c’est sans doute le seul que nous aurions pu empêcher, mais ce n’est pas ce que nous avons fait à cause de l’aveuglement et des dérives de ce pouvoir sans contrôle. La responsabilité de François Mitterrand et de son entourage est accablante, notamment celle de son secrétaire général, Hubert Védrine. Il est temps désormais de lui demander des comptes, plutôt que de continuer à écouter son « amour pour la géopolitique ». Le rapport Duclert établit clairement la responsabilité primaire de cette affaire, qui est politique et je salue la détermination du président Macron qui a permis, – c’est historique –, la reconnaissance de cette faillite politique et morale de l’Etat français. Rappelons aussi que la commission montre qu’il n’y a jamais eu de double génocide : c’est un mensonge mitterrandien, inventé pour atténuer la responsabilité du génocide contre les Tutsi, et cela s’appelle du négationnisme…Une confusion entre participation au génocide et complicité pour le soutien apporté à ceux qui le commettaient
Sur la question de la complicité, la conclusion du rapport est imprécise et mal expliquée. Elle m’a d’ailleurs valu de nombreuses réactions d’éminents juristes qui me rappellent qu’il n’y a, en matière de complicité de génocide, nul besoin de démontrer l’intention de détruire le groupe ciblé, si l’aide apportée en connaissance de cause est établie. La commission conclut en effet qu’il n’y a pas complicité, au sens de « volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire », mais personne n’a jamais imaginé que François Mitterrand, Hubert Védrine ou l’amiral Lanxade ont souhaité participé au génocide des Tutsi. La commission Duclert fait donc une confusion entre « participation » et « complicité », qui est inappropriée mais peut-être pas involontaire. Elle n’appréhende pas au demeurant la question sur le plan pénal. La question en droit, – dont la commission reconnaît son incompétence mais alors pourquoi s’exprimer à ce sujet ? –, est que la matérialité des actes est établie : les décisions de l’Elysée ont apporté un soutien de fait aux génocidaires, notamment avec l’opération Turquoise sur laquelle je reviendrai, mais sans laquelle les génocidaires auraient été balayés par leurs « ennemis » du FPR. Plus grave encore, les livraisons d’armes pendant le génocide ou la décision cruciale prise par l’Elysée de faciliter la fuite des organisateurs du génocide relèvent bien de la complicité. Quant à la conscience de leurs actes, même si le rapport souligne l’aveuglement du cercle mitterrandien, ce qualificatif ambigu n’est pas suffisant pour protéger ces protagonistes de leur responsabilité, qui est jugée « accablante » par cette même commission. La France, en tant qu’Etat, a peu de risque d’être poursuivie pour complicité puisque seul un autre État peut l’en accuser et que même le Rwanda ne l’a pas fait. Par contre les responsabilités personnelles seront, je l’espère, engagées sur le plan judiciaire. Et si les actions en justice ne débouchaient pas, notamment parce qu’un Hubert Védrine continuera à se protéger derrière le fait qu’il n’était pas formellement un « décisionnaire », la culpabilité morale et politique est désormais établie. Il ne sera pas un « responsable mais non coupable » de ce désastre français. En effet, le rapport Duclert conclut sans ambiguïté à une responsabilité politique et historique, il s’agit bien ici de faits de « complicité » pour avoir apporté un soutien aux génocidaires, ces nazis de l’Afrique des Grands Lacs.Des zones d’ombre qui font du rapport Duclert une étape
Le travail de cette commission a le mérite aussi de répondre partiellement à la question du « pourquoi », mais le rapport Duclert reconnaît de graves vides dans l’analyse des archives auxquelles l’accès historiens ont pu accéder, dessinant autant de zones d’ombre, inquiétantes et sombres : Impossibilité d’accéder aux archives de la mission d’information parlementaire de Paul Quilès en 1998, qui avait été chargée de couvrir cette désastreuse intervention de la France et notamment l’opération Turquoise. Ces archives comportent certains éléments très critiques sur l’intervention militaire, des témoignages cruciaux qui ne sont pas dans les archives consultées, et qui ne concernent pas seulement les décisions politiques qui ont prévalu. L’absence d’archives sur les activités de Jean-Christophe Mitterrand, pourtant suspecté d’avoir organisé des trafics peu reluisants avec son alter ego du clan Habyarimana, en dit long sur la nature des affaires du « conseiller Afrique » de l’Elysée, elles ne peuvent être laissées sans suite.Une analyse indigente des opérations militaires, sur ordre ?
Mais le plus troublant, dans le rapport Duclert, reste l’absence d’analyse des opérations militaires, et en particulier de l’opération Turquoise. Sur ce point, le travail de la commission est indigent, c’est une compilation de rapports d’état-major et des satisfecit de ses dirigeants. Soit cette partie avait été confiée à Julie d’Andurain avant qu’elle ne soit obligée de se retirer, soit il y a eu un accord avec les dirigeants militaires pour que les responsabilités militaires ne soient pas « analysées » par cette commission, ce qui revient peut-être au même. Pour revenir aux faits, je rappelle que j’ai participé à l’opération Turquoise et que ce n’était pas une opération « strictement humanitaire », elle a servi de couverture pour tenter de remettre au pouvoir les génocidaires, elle a protégé leur fuite face au FPR et elle a permis de livrer des armes aux génocidaires dans des camps de réfugiés, notamment via la base opérationnelle de Goma. Mais les ordres de reprendre Kigali auraient « disparu » des archives étudiées par la commission, l’opération de combat lancée contre le FPR le 1° juillet n’aurait laissé aucune trace, pas plus que les livraisons d’armes ou l’escorte polie d’évacuation des organisateurs du génocide vers le Congo ? La préservation de la radio des mille collines est présentée comme un banal sujet opérationnel, alors qu’elle était le moyen de diffusion et de propagande du gouvernement génocidaire. Au-delà de Turquoise, les combats menés directement par des soldats français sans qu’une guerre ait été autorisée, les lamentables manœuvres de diversion sur l’assassinat du président Habyarimana et la disparition des boîtes noires de l’avion ne sont même pas évoquées. Les interventions « inappropriées » des militaires français ont donc été soigneusement évitées… Certes mes compagnons d’armes ont agi sur ordre, mais leur responsabilité est engagée dès lors qu’ils ont accepté de les exécuter. Ce n’est pas le rôle des historiens d’éluder des pans entiers de cette affaire, et un très important travail de recherche critique reste à mener sur cette « co-production » militaire de faits condamnables. Cette analyse indispensable ne peut se borner à montrer du doigt deux officiers généraux de l’état-major particulier de l’Elysée. Bien plus, les affaires de livraisons d’armes, d’opérations contre les ennemis des génocidaires ou de Bisesero, constituent autant de dossiers qui ne peuvent être ignorés, même si le niveau de responsabilité est secondaire par rapport aux décisions politiques de l’Elysée. De plus, le soutien de la France ne s’est pas arrêté avec la la fin du génocide et il convient de comprendre les conséquences de la poursuite de la « résistance » menée par les nazis qui continuaient à être soutenus par l’Elysée.Pour établir aussi les responsabilités secondaires de cette affaire
L’idée fondamentale était bien de se recentrer sur les responsabilités politiques de la France, mais fermer les yeux sur les opérations militaires pour ne pas indisposer l’armée n’est pas digne d’un travail d’historiens, ceux de la commission Duclert semblent avoir été frappés de cécité, à leur tour, dans cette partie du rapport. Cette indigence du rapport Duclert satisfera ceux qui estiment que l’armée ne doit pas être mise en cause, à commencer par le commandement militaire qui préfère être juge et partie, mais en termes de démocratie ce parti pris est douteux. Plus que jamais, il est nécessaire que toutes les archives soient accessibles à tous les chercheurs, qu’ils intègrent les témoignages sur le sujet et qu’ils puissent questionner les protagonistes sans attendre qu’ils soient décédés, comme cela n’à pas pu être fait pour connaître et comprendre la guerre d’Algérie. Ce sont ces zones d’ombre qu’il faut désormais éclairer.Le rapport Duclert marque une étape cruciale mais non conclusive
Nous étions une poignée à nous battre pour que la vérité soit faite sur ce sujet du Rwanda, en commençant par Patrick de Saint-Exupéry et Maria Malagardis, Stéphane Audoin-Rouzeau et Hélène Dumas, Jean-François Dupaquier et François Graner, l’adjudant chef Prungnaud et le général Varret. Nous avons été soutenus par les associations qui défendent la mémoire de la Shoah et les droits de l’homme, par des juristes et avocats qui veulent vivre dans un état de droit, quelques rares hommes politiques qui n’avaient pas peur des « éléphants du Parti socialiste » ou de l’intransigeance des amis d’Alain Juppé. C’est désormais le président de la République qui reconnaît publiquement les dérives et la faillite du pouvoir mitterrandien sur l’affaire du Rwanda et nous avons le sentiment d’une cruciale avancée. Mais ce rapport Duclert est insuffisant pour comprendre complètement cette affaire, comme cette commission le reconnaît elle-même, et il faut continuer sur cette volonté politique de chercher la vérité, c’est un chemin sans fin, c’est celui de notre démocratie.la conclusion du rapport sur la france le rwanda et le genocide des tutsi La conclusion du rapport Duclert
Le texte du rapport Duclert
Communiqué de l’association Survie
Complicité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda
La « commission Duclert » vient de remettre à Emmanuel Macron le fruit de 2 ans de travail sur le rôle de la France au Rwanda, avant et pendant le génocide des Tutsis : un rapport de 1200 pages, dont l’Elysée a savamment fait la promotion auprès des journalistes en annonçant qu’il concluait à une « responsabilité accablante », basée sur une « faillite de l’analyse » et un « aveuglement » des décideurs français. Selon les éléments communiqués par l’exécutif français, la commission Duclert rejette l’accusation de « complicité de génocide », au prétexte que l’intention génocidaire n’était pas partagée par Paris. Pour l’association Survie, qui dénonce depuis 1994 le soutien de la France aux génocidaires rwandais, ces premiers éléments rappellent les conclusions édulcorées de la mission d’information parlementaire de 1998, ou encore les propos du Président Sarkozy en 2010 qui faisaient état de « graves erreurs d’appréciation » au sujet du Rwanda. Comme l’explique Patrice Garesio, co-président de Survie, « Si l’Elysée matraque de tels éléments avant même que chercheurs et associations aient pu lire le rapport, c’est mauvais signe : c’est une tentative de saborder tout débat. Parler de « faillite de l’analyse » et d’ »aveuglement » est un recul, car on savait avant même la création de la commission que des analyses très lucides et pertinentes ont été transmises jusqu’à la tête de l’Etat et qu’elles ont été sciemment écartées par les décideurs de l’époque. La complicité est documentée, l’enjeu serait plutôt de compléter le tableau, hélas très cohérent sur la base de ce qui est déjà public. » Aujourd’hui, il n’y a plus de doute, seulement des dénégations. Le soutien français aux génocidaires n’avait rien d’aveugle ; il s’est même poursuivi après le génocide, alors que les faits étaient connus. Comme l’association Survie l’a déjà montré dans ses publications1 : il y a bien eu complicité, dans le sens d’un appui effectif qui a facilité le crime,et en connaissance de cause. Rappelons que Maurice Papon a été condamné pour complicité de crime contre l’humanité malgré l’absence « d’intention génocidaire ». L’association Survie, à travers un travail collectif de ses militants, va analyser en profondeur le rapport et en publiera prochainement un compte rendu ; ainsi, le débat pourra s’établir sur des bases concrètes, plutôt que sur des effets d’annonce du Palais.
France-Rwanda : la complicité dans le génocide des Tutsi
par Emmanuel Cattier, publié par Mediapart le 27 mars 2021. Source
L’AFP s’empresse de diffuser la réaction, satisfaite en apparence, d’Hubert Védrine : « Rwanda: Védrine salue “l’honnêteté” du rapport “qui écarte toute complicité de la France” » (à l’AFP). C’est précisément sur la « complicité de la France » dans le génocide des Tutsi, que le rapport a une interprétation biaisée. Juridiquement, dans le droit français, la complicité dans le génocide des Tutsi dépend de la jurisprudence du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, créé le 8 novembre 2004 par le Conseil de sécurité de l’ONU, par l’adoption de sa résolution 955 au titre du chapitre VII de la charte de l’ONU. La France fait partie de ce Conseil de sécurité et y dispose d’un droit de veto. Or cette jurisprudence a déjà donné lieu à une mise au point de la commission d’enquête citoyenne en décembre 2005. Elle fut préparée par Géraud de La Pradelle2, professeur émérite de droit international à l’université de Paris, qui faisait le point sur ce sujet. Rafaëlle Maison3, également professeur de droit à l’université, y contribua aussi. Des complices Rwandais du génocide furent en effet jugés par le TPIR dès ses premiers jugements. La complicité dans le génocide des Tutsi n’implique pas que les complices, en l’occurrence ici ce serait l’Elysée, le gouvernement français et l’état-major des armées, aient partagé l’intention de génocide avec l’auteur principal, mais que les complices étaient en situation d’encourager par un quelconque moyen à la commission du crime de génocide, alors que l’intention génocidaire de l’auteur principal leur était connue. Cette connaissance est clairement celle de la France et plus particulièrement de l’Elysée, des gouvernements et de l’état-major français des armées, entre 1990 et 1995, ce que rappelle le rapport de la commission Duclert. Quant aux actes susceptibles d’encouragements, ils sont légion. Cette interprétation juridique de la complicité pose magistralement la question de la neutralité de la commission Duclert. Cela ne met pas forcément en cause l’honnêteté des membres de la commission. Notamment, les réserves importantes que la commission fait elle-même sur l’exhaustivité de ses sources dans son introduction, et le fait qu’il semble clairement que sur au moins un sujet d’importance sur lequel je reviendrai plus tard après lecture complète du rapport, elle n’a sans doute pas eu les archives correspondantes entre ses mains, archives que nous trouvons par exemple sur le site de France génocide Tutsi, sauf à démontrer qu’elles seraient fausses. « La lettre de mission de la Commission lui prescrit de travailler dans les archives françaises. Une approche exhaustive du sujet aurait nécessité la consultation des archives du Rwanda et des pays des Grands Lacs, celles des partenaires occidentaux de la France, celles des organisations internationales – Nations unies, OUA notamment – , celles des partis politiques français et européens, celles des associations des droits de l’homme et du souvenir des victimes, comme Ibuka, Amnesty International, Human Rights Watch, la Ligue des droits de l’homme et la FIDH, Survie, et d’autres encore. Compte tenu des difficultés précédemment exposées, la Commission ne peut pas affirmer avoir consulté de façon totalement exhaustive les fonds français malgré ses efforts en ce sens. Cependant, en tant qu’équipe de chercheurs et d’historiens, elle s’est astreinte à un dépouillement rigoureux des fonds d’archives méthodiquement identifiés. Elle s’est attachée à restituer le sens de cette documentation et à en faire le socle de son travail de recherche. » (page 22 du rapport Duclert.) Comme les membres de cette commission étaient certes des spécialistes de sujets voisins, mais pas du sujet principal, le génocide des Tutsi, ils n’ont probablement pas eu l’idée de questionner le service des archives sur certains sujets sur lesquels ils n’avaient reçu aucune information, bien que ces informations existaient pourtant en France s’ils avaient eu le temps de chercher ailleurs que dans les archives que les services de l’État leur présentaient. En 2005, notre commission d’enquête citoyenne avait en effet validé un communiqué :
Communiqué, le 19 décembre 2005 Après la parution de divers ouvrages à caractère négationniste, la Commission d’enquête citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda (CEC) tient à présenter les observations suivantes : • 1 – La notion de « génocide » et celle de « complicité de génocide » applicables au Rwanda et dans les pays limitrophes entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ne sont pas affaires d’opinion. Elles sont impérativement définies par la jurisprudence du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), sur la base des articles 2 et 6.1 du Statut de ce Tribunal qu’a institué le Conseil de Sécurité des Nations Unies (v. Résolution 955 du 8 novembre 1994 ; v. aussi Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948). En vertu de la loi 96-432 du 22 mai 1996, les juridictions françaises peuvent être saisies à raison d’actes accomplis par quiconque au Rwanda, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 et doivent, alors, appliquer les mêmes principes que le TPIR. • 2 – Conformément aux principes applicables (v ci-dessus, 1), n’importe quel massacre massif accompli au Rwanda n’est pas, ipso facto, un « génocide ». Sont, seuls, constitutifs de « génocide » les « actes… commis dans l’intention de détruire en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel… » • 3 – Chaque fois que la question lui a été posée, le TPIR a constaté qu’un « génocide » avait été commis à l’encontre des Tutsi rwandais. Il n’est donc pas possible de contester, en droit, l’existence de ce « génocide ». • 4 – Par ailleurs, en fait, aucun « groupe » rwandais autre que les Tutsi n’a été victime d’actes visant à sa destruction « en tant que tel ». Dans ces conditions, il serait déraisonnable, en droit, de soutenir qu’un autre « génocide » que celui des Tutsi aurait été perpétré au Rwanda. • 5 – Nul ne prétend que la République française ait partagé avec tel ou tel gouvernement rwandais l’intention de détruire tout ou partie du groupe formé par les Tutsi. En droit, cependant, il n’est pas nécessaire que les autorités françaises aient eu cette intention pour être « complices ». En effet, la « complicité » n’implique pas « l’intention spécifique qu’a l’auteur principal de commettre le génocide » (v. notamment, TPIR, Jugement du 15 juillet 2004, affaire Ndindabizi). Il faut – mais il suffit – que le complice ait « au moins connaissance de l’intention générale et spécifique de l’auteur principal » (v. le même jugement). Or, dans le cas du Rwanda, les autorités françaises avaient indiscutablement cette connaissance (v. notamment, les déclarations du ministre français des Affaires étrangères, le 15 mai 1994 à l’issue d’un Conseil des ministres européens et le 18 mai suivant, à l’Assemblée nationale ; v. également, le rapport de la Mission d’information parlementaire sur le Rwanda, chapitre VI, pp. 286 et suivantes). • 6 – En vertu de l’article 6.1 du Statut du TPIR l’encouragement « à préparer, planifier ou exécuter » le « génocide » est une forme de « complicité ». Or, il a été jugé que « la présence d’une personne en position d’autorité en un lieu où un crime est en train d’être commis ou en un lieu où il est connu que des crimes sont régulièrement commis peut générer une forme d’approbation… qui s’assimile à l’aide et à l’encouragement. Ce n’est pas la position d’autorité qui est importante en elle-même, mais plutôt l’effet d’encouragement qu’une personne en position d’autorité peut susciter au regard de ces évènements » (v. le même jugement du 15 juillet 2004). En droit, par conséquent, la « présence » de militaires français « en un lieu où un crime est en train d’être commis ou en un lieu où il est connu que des crimes sont régulièrement commis » est susceptible de constituer une « complicité ». • 7 – Nombre de témoignages et de documents permettent, malheureusement, de nourrir le soupçon de « complicité » des autorités françaises civiles et militaires par d’autres faits que la simple présence. Il s’agit, notamment, de la remise de Tutsi aux Forces Armées Rwandaises (FAR) et aux milices – pour ne rien dire des allégations de meurtres et de sévices graves ; enfin, surtout, de l’aide militaire, technique, financière et diplomatique apportée de 1990 à la fin d’août 1994, à un appareil d’Etat qui préparait puis faisait exécuter le « génocide » (v. notamment, le rapport de la CEC, L’horreur qui nous prend au visage, Karthala 2005, pp. 420 et suivantes). • 8 – La CEC se réserve de publier un rapport complémentaire à partir des éléments d’information qu’elle n’a cessé de recueillir depuis mars 2004 sur les divers aspects de l’implication française.
Lire le communiqué sur le site de la Commission d’Enquête Citoyenne
Rencontre avec François Graner
https://us02web.zoom.us/j/86803001529?pwd=bnFhQWI2S2h5VjJmS2IxeTA4RDdhZz09
Documents joints
- Voir notamment : Raphaël Doridant et François Graner, L’État français et le génocide des Tutsis au Rwanda, coll. Dossiers noirs, Agone-Survie, Marseille, 2020.
- Géraud de La Pradelle – Président de la CEC : en 2005, agrégé de droit, professeur émérite à l’université Paris X-Nanterre auteur notamment de L’homme juridique (Maspero – 1979), de Essai d’introduction au droit français (Erasme – 1990), et de Imprescriptible – L’implication française dans le génocide tutsi portée devant les tribunaux (les arènes – 2005).
- Rafaëlle Maison : en 2005, professeur de droit à la faculté de Picardie, auteur de La responsabilité individuelle pour crime d’Etat en droit international public (Bruylant – 2004), Pouvoir et génocide dans l’œuvre du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Dalloz, 2017. Rafaëlle Maison a donné un panorama complet de la question de la complicité dans le magazine Jeune Afrique le 29 mars 2021.