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Édition du 15 janvier au 1er février 2025

Les anciens appelés des 4ACG à l’origine de l’inauguration d’un parc Pâris de Bollardière, par Christian Travers

Des membres de l’association des Anciens Appelés en Algérie (4ACG) ont obtenu dans la commune de Chenôve (Côte d’or) qu’un parc public porte le nom de Jacques Pâris de Bollardière.

Ce général de l’armée française a combattu les indépendantistes algériens mais, après avoir vaillamment pris part à la Résistance française contre l’occupant nazi, il comprit que le combat des Indochinois et des Algériens était lui aussi légitime et s’est opposé au prix de sa carrière à la pratique de la torture par l’armée française. Il fut, de ce point de vue, l’un de ceux qui, dans cette guerre horrible, ont sauvé l’honneur de la France.

Cela fait des années que Gérard Jacob, ancien appelé en Algérie, soutenu par René Schmitt, lui aussi ancien appelé aujourd’hui décédé, ont insisté auprès de la municipalité de Chenôve pour qu’elle honore le général Pâris de Bollardière. Le 5 décembre 2024, une plaque a été apposée dans le Parc de l’Hôtel des Sociétés, désormais Parc Jacques Pâris de Bollardière. Le maire de Chenôve, Thierry Falconnet, et plusieurs conseillers municipaux, en présence du député de la Côte-d’Or, assistaient à l’inauguration, et deux des filles du général, membres de la 4ACG, ont tenu à adresser un message de sympathie.

Gérard Jacob et René Schmitt, anciens appelés en Algérie.
Gérard Jacob et l’épouse de René Schmitt, aujourd’hui décédé.

C’est l’occasion de rappeler la convergence des objectifs entre le site histoirecoloniale.net et la 4ACG qui a été créée à partir du geste fort de ses fondateurs qui ont refusé d’utiliser à leur profit leurs pensions d’anciens combattants et décidé de les mutualiser pour contribuer à des actions d’éducation ou de solidarité internationale. 

Plusieurs adhérents de la 4ACG suivent avec intérêt les informations diffusées par notre site et nous invitons fortement les lecteurs du site histoirecoloniale.net à visiter aussi le site 4acg.org.

On y trouve les positions des 4ACG sur le passé et le présent des relations entre l’Algérie et la France et les actions qu’ils mènent pour le développement de l’amitié et de la solidarité entre les peuples algériens et français. Indépendamment des regrets qu’ils expriment sur les difficultés de la relation politique entre la France et le régime autoritaire et le rôle de l’armée en Algérie, cette association a mené des actions de coopération avec les populations de nombreuses collectivités locales algériennes.

Le renouvellement des générations

Quelles que soient les convictions politiques ou religieuses de leurs adhérents, les 4ACG sont unis par des valeurs qui visent au rapprochement avec le peuple algérien et sa diaspora en France, exprimées dans une « Charte de la fraternisation entre les peuples français et algériens ». Des réfractaires et insoumis ont rejoint cette association mais elle est constituée pour l’essentiel par des anciens appelés qui ont été meurtris par cette guerre honteuse, qui regrettent de s’y être laissés entrainer et ont une volonté de réparation d’eux-mêmes et de la population qu’ils ont combattue. Les anciens appelés de la guerre d’Algérie étant de moins en moins nombreux, de nombreux amis et amies appartenant aux générations suivantes et partageant leurs convictions les ont rejoints.

Leur engagement contre toute forme de colonisation fait qu’ils se sentent aussi particulièrement concernés par ce qui se passe en Palestine et notamment les massacres à Gaza et en Cisjordanie.  D’autant que leurs actions de soutien à des associations algériennes grâce au reversement de leurs pensions d’anciens combattants sont aujourd’hui fortement contrariées : les associations qui reçoivent des subsides de la France sont diabolisées, objets de pressions, et même parfois interdites. Les versements sont de plus en plus difficiles.

L’organisation par la 4ACG de voyages en Algérie dans un but de fraternisation et avec l’objectif de visiter les associations qu’ils soutiennent devient aussi compliquée, car ces associations, repérées par le pouvoir, soit ne souhaitent plus leur visite afin d’éviter les ennuis, soit prescrivent une absolue discrétion. C’est ainsi que les 4ACG sont amenés aujourd’hui à orienter de plus en plus leurs dons vers la Palestine.

Les membres de la 4ACG font également des témoignages dans les collèges et les lycées, où il s’agit de souligner les horreurs de la guerre et de toute violence, d’évoquer la colonisation, mère des guerres d’indépendance, et de montrer à partir de témoignages enracinés dans leur vécu la complexité de la guerre d’Algérie. Ils s’efforcent de rassembler pour ces interventions : un ancien appelé, un ancien indépendantiste, un ancien pied-noir (ou Juif d’Algérie) et un ancien harki. Ces séances se font à l’initiative de l’ONAVG (Office national des anciens combattants et victimes de guerre) ou à partir d’une demande directe d’un établissement scolaire. Ils considèrent que cet éveil à l’esprit critique des élèves et à la transmission de valeurs de tolérance fait partie de leurs missions et il est gratifiant de voir les élèves manifester leur compréhension et leur émotion.

Il faut signaler par ailleurs les très nombreuses publications sur le site 4acg.org qu’alimente en particulier Michel Berthelémy.

Beaucoup de leurs adhérents se sont manifestés et le font encore lors de témoignages dans des films, des podcasts et des publications. Parmi les films ont peut citer « Retour en Algérie », « Ne nous racontez plus d’histoires », « Ce que la guerre a fait de nous », « Des années de silence », qui ont été réalisés par des adhérents, et bien d’autres films ont interrogé des membres de cette association. Parmi les podcasts on peut citer ceux de Margaux Chouraqui intitulés « Les temps qui courent – LTQC » et ceux de Samia Arhab, « Mon Algérie à moi ». Parmi les publications, il faut citer en premier lieu le livre publié à l’initiative des 4ACG, « Guerre d’Algérie, guerre d’indépendance, Paroles d’humanité »,  et aussi le blog « Mémoires à suivre » aisément accessible à partir de son site. 

Chaque fois que possible, ils se joignent, en province comme à Paris, aux manifestations qui sont en relation avec leurs engagements. C’est le cas, par exemple, de l’Appel du 4 mars pour une pleine reconnaissance par l’Etat des tortures pratiquées en Algérie.

Les thèmes choisis pour leurs dernières assemblées générales rendent compte des préoccupations qui sont les leurs. En 2016, à Blainville : « D’où viennent les guerres d’aujourd’hui et la laïcité ». En 2017, à Paris : « Le défi de la fraternisation ». En 2016, à Nant : « Des guerres coloniales aux guerres d’aujourd’hui. Pour qui ? pourquoi ? ». En 2019, à Dijon : « Contre la guerre et la violence : la fraternité ». En 2021, à Manosque : « L’avenir de la 4ACG ». En 2022 à Vichy : « Résister transmettre et témoigner ». En 2023, à Albi : « Les femmes et la guerre d’Algérie ». En 2024, à Angers « Paroles et actions d’humanité pendant la guerre d’Algérie ». Et, en 2025 : « L’impact de la guerre d’Algérie sur les Français aujourd’hui ».

Les affaires Boualem Samsal et Kamel Daoud concernent l’Algérie et la France mais pas directement la 4ACG. Les positions réactionnaires de Boualem Samsal ne plaidaient pas pour sa défense et on ne comprend pas très bien à la fois sa méconnaissance de l’histoire et ses raisons de provoquer le pouvoir algérien sur un sujet ultra sensible. Kamel Daoud est à la fois attaqué pour avoir utilisé les confidences d’une patiente de son épouse pour écrire son dernier livre et aussi pour avoir bâti un récit à propos de la dernière guerre civile algérienne que le pouvoir interdit d’évoquer. De là où nous sommes il est difficile de trancher sur le premier aspect qui peut d’ailleurs résulter d’une manipulation. On retrouve sur le second point les réflexes du pouvoir algérien : oublier la lutte MNA/FLN, glorifier uniquement la lutte armée organisée par le FLN, gommer la guerre civile des années 1990.

Sur l’interdiction en Algérie du livre de Kamel Daoud, Houris, comme pour les prisonniers politiques et le musellement des journalistes, la position de la 4ACG est simple. Penser et écrire est un droit universel qu’il s’agit de défendre partout. Y compris pour l’expression d’idées qu’on ne partage pas. Comme le dit la célèbre phrase attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai pour que vous puissiez le dire »

(1) Voir la version numérique de la brochure de présentation de la 4ACG, sa charte de fraternisation et un texte récent de Christian Travers concernant les témoignages scolaires.

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