Communiqué de presse du REMDH
Interdiction d’une marche de contestation pacifique à Alger
Le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) condamne le refus des autorités algériennes d’autoriser la tenue d’une manifestation pacifique le 12 février à Alger et appelle les autorités à respecter le droit du peuple algérien de manifester pacifiquement.
Depuis plusieurs années, la détérioration de la situation économique et sociale en Algérie donne régulièrement lieu à des mouvements sociaux dans les différentes régions du territoire. Cette situation, liée à l’incapacité du gouvernement à répondre aux besoins de la population est aggravée par l’absence de tout mécanisme de dialogue social et les pratiques répressives des autorités. Entre le 5 et le 9 janvier 2011, de violentes manifestations qui se sont parfois transformées en émeutes se sont déroulées à Alger, et dans plusieurs autres villes du pays, dont Annaba, Oran, Constantine et Bejaia, afin de protester contre la cherté de la vie et l’augmentation du prix de produits alimentaires de base. Ces manifestations, portées essentiellement par la jeunesse algérienne, ont fait au moins trois victimes par balle, des centaines de blessés parmi les jeunes contestataires et les forces de sécurité, et ont conduit à l’arrestation de plus de 1000 manifestants selon le Ministère de l’Intérieur. En réaction, plusieurs syndicats, partis politiques, associations de défense des droits de l’Homme et organisations de la société civile – dont la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) et SOS Disparus, organisations membres du REMDH, et le Syndicat National autonome des personnels de l’administration algérienne (SNAPAP), ont annoncé le 21 janvier la création d’une Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD), et appelé à une marche pacifique le 12 Février afin de demander la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992, la libération des personnes détenues pour leur participation aux manifestations, et l’ouverture des champs politique et médiatique. Le 7 février, la Wilaya d’Alger a annoncé son refus d’autoriser cette marche pour des « raisons d’ordre public ». Le gouvernement algérien a interdit toute manifestation dans la capitale depuis 2001. La CNCD a néanmoins décidé d’exercer son droit de manifester pacifiquement et de maintenir la manifestation le 12 février. Le REMDH condamne cette interdiction qui porte arbitrairement atteinte au droit des citoyens algériens de se rassembler pacifiquement et appelle les autorités algériennes à répondre aux aspirations de la population à la démocratie et au respect des droits de l’Homme. Le REMDH prend par ailleurs note de l’annonce faite par le président Bouteflika de la levée « dans un très proche avenir » de l’état d’urgence et des mesures permettant aux partis politiques de l’opposition un plus grand accès aux médias. Cependant, nous exprimons notre vive inquiétude suite à l’annonce concomitante d’une nouvelle « loi de lutte antiterroriste » qui pourrait justifier de nouvelles atteintes aux droits et libertés des citoyens algériens. Le REMDH demande aux autorités algériennes de prendre au plus vite des mesures concrètes répondant aux revendications politiques et sociales de la population, et en particulier :
- de respecter le droit des citoyens algériens de se rassembler pacifiquement, et d’assurer la sécurité des manifestants lors de la marche pacifique de contestation du 12 février,
- d’ouvrir un dialogue réel avec les différentes composantes de la société civile et de la population, notamment les jeunes afin de discuter en urgence de mesures répondant à la détresse sociale,
- de reconnaitre les organisations de défense des droits de l’Homme et syndicales indépendantes conformément au droit algérien, et de mettre un terme aux actes de harcèlement à leur encontre,
- de lever sans réserve l’état d’urgence qui restreint abusivement l’ensemble des libertés publiques.
Copenhague, le 10 février 2011