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Édition du 1er au 15 février 2025

Le rapport sur les crimes de masse français au Cameroun remis à Emmanuel Macron et Paul Biya

Ce rapport de  plus de 1000 pages s'est basé sur les travaux déjà existants, des archives déclassifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain.

Une commission de sept historiens camerounais et sept français a remis au chef de l’État camerounais, Paul Biya, et au président français Emmanuel Macron en janvier 2025 un rapport sur le rôle de la France au Cameroun de 1945 à 1971, avant et après l’indépendance de 1960. Ce rapport de  plus de 1 000 pages s’est basé sur les travaux déjà existants, des archives déclassifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain.

La guerre du Cameroun, de 1955 à 1971, est la guerre d’indépendance du Cameroun menée par l’Union des populations du Cameroun (l’UPC) jusqu’en 1960 contre les troupes coloniales françaises, qui ensuite se transforma en répression de l’UPC par les forces armées du nouvel État camerounais devenu indépendant, jusqu’en 1971 , avec le concours déterminant de l’armée française. Cette guerre « aux origines de la Françafrique » est très longtemps restée occultée par la France.

La France s’est d’abord mobilisée pour combattre l’influence grandissante de l’UPC. La formation nationaliste dissoute en 1955 par le pouvoir colonial français verra ensuite ses maquis réprimés dans le sang. Nombre de militants de l’UPC. dont le leader indépendantiste Ruben Um Nyobe, ont été éliminés par l’armée française.

La commission revient en particulier sur le massacre d’Ekité le 31 décembre 1956. En croisant les archives militaires et les témoignages de proches des victimes, le travail des historiens permet de « déconstruire le récit officiel, qui présentait cette violence collective comme une contre-attaque légitime, alors qu’elle relève d’un assaut à l’encontre de civils désarmés ». « Cette première phase de violences extrêmes se solde par l’enracinement de la guerre, alors que les autorités coloniales maintiennent une forte répression judiciaire et politique », constate le rapport.

Il décrit « la politique de déplacements forcés des civils vers des camps dits “de regroupement”, inspirés des méthodes mises en œuvre par l’armée française au Cambodge », détaillant une « pratique, pleinement assumée par les militaires comme un instrument “contre-révolutionnaire”, destiné à couper les liens familiaux et sociaux entre les civils et les combattants ».

Le rapport conclut que la France a mené une terrible « répression militaire » contre les mouvements indépendantistes dans le cadre de la « guerre de décolonisation » à laquelle elle a été confrontée au Cameroun, qu’il est temps qu’elle reconnaisse son rôle et la nature de ces événements, plus de soixante ans après l’indépendance de ce pays d’Afrique centrale. Elle formule par ailleurs de nombreuses « recommandations », sans jamais aborder la question des réparations des crimes de masse français.

Comme nous l’avons dit lors de l’annonce de cette commission, l’essentiel de cette histoire tragique était connue, notamment dans les livres Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (2011) et La guerre du Cameroun. L’invention de la Françafrique (1948-1971) (2016). On lira ci-dessous les premiers commentaires par Thomas Deltombe dans Afrique XXI sur ce rapport et sa fonction dans les stratégies politiques d’E. Macron et de P. Biya.


CAMEROUN-FRANCE. MACRON, BIYA ET LE GRAND RAOUT DES « OPÉRATIONS MÉMORIELLES »

par Thomas Deltombe, éditeur, coauteur de Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (La Découverte, 2011).

La « commission mixte franco-camerounaise » constituée il y a deux ans afin d’étudier le rôle de la France dans la répression des mouvements nationalistes camerounais pendant la période de décolonisation a rendu son rapport, fin janvier, successivement au président Emmanuel Macron, au palais de l’Élysée, et à son homologue Paul Biya, au palais d’Étoudi, à Yaoundé. Ce document touffu d’un millier de pages offre une solide synthèse des travaux existants que les quatorze chercheur·es mandaté·es ont agrémentés de nombreuses informations inédites glanées dans les archives auxquelles les autorités françaises leur ont donné accès.

Pendant des décennies, la « pacification » qui a ensanglanté le Cameroun dans les années 1950-1960 a été occultée par les responsables politiques français et négligée par les milieux académiques hexagonaux.

Lire la suite dans Afrique XXI


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