La révolution haïtienne :
une histoire universelle
par Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
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En mai dernier, une enquête du New York Times a remis dans l’actualité une affaire vieille de deux siècles : l’indemnité que Charles X a obligé la république de Haïti à payer en 1825 aux anciens colons français. 150 millions de francs-or, tel fut pour les Haïtiens le prix de leur indépendance, arrachée en 1804 après une guerre meurtrière contre les troupes de Napoléon Bonaparte, un montant que la France obligea la jeune nation à payer en s’endettant auprès de banques françaises. Les articles du New York Times détaillent comment cette « double dette » a pesé sur l’économie et la société haïtiennes jusqu’à aujourd’hui.
Il ne s’agit pas pour autant d’une découverte, et je veux ici rendre hommage aux nombreux.ses historien.ne.s et économistes, notamment haïtien.ne.s, qui ont écrit sur ce sujet, depuis de nombreuses années. J’espère que cette enquête donnera à leur travaux la visibilité dont ils ont été privés jusqu’à présent.
Je crois cependant que, compte tenu de l’écho mondial qu’elle a rencontré, l’enquête du New York Times est un événement important.
D’abord parce qu’elle nous replonge dans une histoire qui reste ignorée de nos concitoyens, alors qu’elle est aussi celle de la France. Ensuite parce qu’elle nous rappelle que ce qui s’est joué là, entre 1789 et 1825, reste d’une radicale modernité – au cœur de la révolution haïtienne on trouve en effet le combat pour les droits universels, pour la liberté générale, pour l’égalité réelle, contre les discriminations sur la couleur de peau, et même pour la décolonisation, trois décennies avant la conquête de l’Algérie. Enfin parce que, derrière l’indemnité de 1825, c’est toute la question de la réparation des conséquences de l’esclavage, et des rapports économiques inégaux entre l’Occident et ses anciennes colonies, qui est posée.
Alors que le peuple haïtien est aujourd’hui victime d’une crise exceptionnelle, politique, sécuritaire, sanitaire et sociale, ce passé commun nous oblige, et je forme le vœu que la lumière que cette enquête a remise sur la relation entre la France et Haïti permettra de resserrer les liens entre nos deux nations.
La Fondation y travaillera dans les mois et années à venir, et j’espère que nous pourrons le faire avec beaucoup d’autres acteurs, publics et privés.
Parce que c’est notre histoire.
Pour le « Temps des mémoires 2022 », la Fondation a mobilisé le réseau « Patrimoines déchaînés » pour une collecte numérique de ressources patrimoniales culturelles en rapport avec l’histoire et les héritages de l’esclavage. Musées et autres institutions patrimoniales étaient invités à partager une œuvre, une archive ou un contenu ayant trait à l’esclavage ou la colonisation, qui seront ensuite rassemblés et rendus disponibles sur le site de la Fondation. Les propositions sont d’ores et déjà disponibles sur les réseaux sociaux de la Fondation, vous pouvez les retrouver grâce au #PatrimoinesDechaines.
Pour en savoir plus
Le réseau Patrimoines Déchaînés prend son essor
Le 23 juin 2022 s’est réuni le comité de pilotage du réseau Patrimoines déchainés. Initié en 2019, le réseau Patrimoines déchaînés est animé par la FME et rassemble les institutions culturelles et patrimoniales intéressées par les questions liées à l’histoire de l’esclavage et ses héritages.
Ont participé à cette réunion Dominique Taffin (FME), Benoît Jullien (Archives départementales de Guadeloupe), Arnauld Martin (DAC Mayotte), Krystel Gualdé (Musée-château des ducs de Bretagne), David Redon (DRAC Nouvelle-Aquitaine), Christian Block (Musée d’Aquitaine) et Florence Pizzorni (ex-GIP-MMETA et ministère de la Culture). Cette réunion a été l’occasion de revenir sur les actions des membres du réseau et de la Fondation qui ont été réalisées depuis la fin de l’année 2021, et d’inviter les membres à participer aux groupes de travail existants :
• Parler de l’esclavage dans les expositions et supports de médiation : mobiliser les approches narratives, les concepts historiques et le lexique
• Rendre visible dans l’inventaire et la documentation des fonds et collections : quelles pratiques de description, d’indexation ?
• Education artistique et culturelle et histoire de l’esclavage
• Expressions contemporaines
• Le numérique pour le patrimoine de l’esclavage
Pour adhérer au réseau ou rejoindre un groupe de travail, écrire à :
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Attribution de la bourse doctorale
Fondation pour la mémoire de l’esclavage-
Musée du Quai Branly-Jacques Chirac
La bourse partenariale 2022-2023 du musée du Quai Branly-Jacques Chirac / Fondation pour la mémoire de l’esclavage a été attribuée à Jessica Balguy, pour finaliser sa thèse : « Les libres de couleur indemnitaires de la Martinique en 1849, des propriétaires d’esclaves comme les autres ? », entreprise sous la direction de Myriam Cottias à l’EHESS.