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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
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le détournement des travaux d’une historienne sur le massacre du 17 octobre 1961

Linda Amiri est une chercheuse en histoire, auteure de deux ouvrages sur le 17 octobre 1961 : La Bataille de France, la guerre d’Algérie en métropole (Editions Robert Laffont, 2004) et Les Fantômes du 17 octobre 1961 (Editions mémoires-génériques, 2001). Historienne reconnue par la communauté scientifique, elle voit ses travaux détournés par des groupuscules d'extrême droite qui tentent par ce moyen dérisoire de s'opposer à l'émergence de la vérité à propos du massacre du 17 octobre 1961 à Paris. La Ligue des droits de l'Homme proteste contre ces manœuvres et apporte son entier soutien à Linda Amiri. Les réactions de deux hommes politiques locaux – Lionnel Luca, député-maire de Saint-Laurent-du-Var, et Christian Estrosi, député-maire de Nice – montrent que les préjugés coloniaux continuent à prospérer dans le midi méditerranéen.
[mis en ligne le 17 octobre 2011 à 15h, mis à jour à 23h25]

Des nostalgiques de l’Algérie française ont appelé, dans un article publié le 13 octobre sur le site internet Francaisdefrance’s Blog, à un rassemblement de protestation contre l’organisation par le Consul d’Algérie à Nice d’une conférence sur les évènements de la journée du 17 octobre 1961 à Paris.

Le rassemblement a été interdit par la préfecture des Alpes-Maritimes pour «risque important de troubles à l’ordre public» :

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L’argumentation de l’appel du Francaisdefrance’s Blog citait, en les détournant de façon scandaleuse, des propos ou des écrits prêtés à Linda Amiri.Cette historienne vient de publier un communiqué par lequel elle dément catégoriquement les propos qui lui sont attribués :

Communiqué

C’est avec une certaine consternation que j’ai pris connaissance aujourd’hui d’un appel à manifester relayé sur le site internet Francaisdefrance’s Blog.

Dans cet appel, que je déplore, on me prête des propos que je n’ai jamais tenus.

Si effectivement, j’ai pu consulter les archives françaises et algériennes, mes travaux démontrent clairement que la thèse officielle est contestable à plus d’un titre. J’affirme, au contraire, que la répression de la manifestation pacifique des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris fut un massacre perpétré par les forces de l’ordre sous la responsabilité du Préfet de police Maurice Papon.

Je ne peux donc que dénoncer formellement cette manipulation flagrante et rappeler par ailleurs aux auteurs de cet appel qu’il m’aurait été très difficile d’être l’auteure d’un rapport en 1997 dans la mesure où je n’étais alors qu’une jeune étudiante en Histoire. En ce jour de commémoration du massacre du 17 octobre 1961, je me dois en tant que membre de la communauté scientifique cherchant à faire triompher la vérité en toute objectivité appeler à la reconnaissance officielle de la tragédie du 17 octobre 1961 par le gouvernement français.

Le 17 octobre 2011.

Linda Amiri

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A Nice, les massacres du 17 octobre 1961 n’existent pas

Lionnel Luca, membre éminent de la droite populaire, ne laisse pas passer une occasion de rappeler qu’avant d’être élu député des Alpes-Maritimes, il était professeur d’histoire-géographie. Avec une particularité : pour lui, l’Algérie est toujours française.

Pour le député-maire de Saint-Laurent-du-Var, l’histoire semble s’être arrêtée il y a plus d’un demi-siècle, et il le montre en réécrivant l’histoire de France. Voici par exemple ce qu’il a déclaré le vendredi 11 juin 2004 matin, à la tribune de l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi qui allait devenir la fameuse loi du 23 février 2005 sur les bienfaits du colonialisme :

« Il nous faut écrire l’histoire et l’enseigner pour que les enfants de notre pays sachent que la France n’a pas été colonialiste mais colonisatrice, qu’elle a transmis aux peuples les valeurs républicaines et formé leurs élites dirigeantes, dont certaines ont siégé dans cette enceinte avant d’être parfois admises à l’Académie française. » La France « n’a jamais asservi les peuples qu’elle a dirigés ». Et de conclure : « Il n’est que temps d’affirmer notre fierté de l’œuvre accomplie. Le temps de la mauvaise conscience et de la repentance à quatre sous est terminé.1 »

Comment, dans ces conditions, une conférence sur les massacres du 17 octobre 1961 pourrait-elle se tenir à Nice ?

Lionnel Luca contre la conférence du consul d’Algérie à Nice

[Nice-Matin, édition Cagnes/mer, le 15/10/2011]

Lionnel Luca ne souhaite pas que le consul d’Algérie organise lundi (17 octobre), à Nice, une conférence sur « Les événements du
17 octobre 1961 à Paris».

Il demande un « report à un endroit et à un moment plus appropriés ».
Le député des Alpes-Maritimes a écrit à l’ambassadeur d’Algérie « Cette région, où bon nombre de nos compatriotes ont subi douloureusement les événements tragiques de la fin de la présence française en Algérie, ne me
parait pas devoir permettre l’apaisement des mémoires et ne peut qu’affecter les relations entre nos deux peuples.
»

Réponse du consul d’Algérie : cette conférence est un « espace d’échanges sur un événement historiquement établi, à l’image des différentes célébrations de journée du 17 octobre 1961, organisées chaque année par plusieurs maires de France ». Le député Luca a écrit à Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et à Marc Laffineur, secrétaire d’État auprès du ministère de la Défense et des Anciens combattants.

Quant à Christian Estrosi il ne pouvait faire moins que de publier un communiqué :

[Nice-premium, le 17 octobre 2011]

« C’est avec étonnement que j’ai appris que le Consul d’Algérie à Nice, Ali Redjel, organisait aujourd’hui, une conférence sur les tragiques événements du 17 octobre 1961 à Paris. J’ai de ce fait, envoyé un courrier à celui-ci pour l’informer de mon incompréhension quant à cette initiative.

« En tant que Député-Maire de Nice, je lui ai faire part de l’émoi d’un certain nombre de mes administrés quant à l’organisation de cette manifestation qu’ils considèrent comme une provocation, susceptible de générer des tensions. »

Christian Estrosi

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