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Le Premier ministre était dans l’obligation de procéder à la demande de déclassement

Le 27 janvier 2006, 48 heures après que le Président de la République a annoncé que le Conseil constitutionnel allait être saisi sur la suppression du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, le Collectif des 72 enseignants et chercheurs en sciences sociales au sujet de l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 a publié un communiqué. Selon lui, le Premier ministre était dans l'obligation de procéder à la demande de déclassement de l'article en question.

Communiqué

Par communiqué du 25 janvier 2006, le Président de la République a annoncé que, suite aux propositions faites par le président de l’Assemblée nationale J-L Debré, il souhaitait que « le Conseil Constitutionnel, saisi par le Premier ministre en application de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution, puisse se prononcer sur le caractère réglementaire du deuxième alinéa de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 en vue de sa suppression ».

Dans la foulée, le Premier ministre a saisi le Conseil Constitutionnel d’une demande aux fins de constatation du caractère réglementaire de cette disposition prise en forme législative, en annexant à sa demande, comme le veut les usages, le projet de décret abrogeant « le deuxième alinéa de l’article 4 », c’est-à-dire a priori uniquement celui qui porte que « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ».

Il semble que cette demande ne concerne pas le premier alinéa de l’article 4 (qui dispose que « Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite ») .

Cela appelle deux types de remarques :

  • d’une part, alors que la démarche du président de la République est présentée comme une solution d’apaisement, visant à rétablir la « concorde » entre les Français, il est fait totalement abstraction que saisi d’une demande de délégalisation de l’article 4 par 72 enseignants et chercheurs 1, le Premier ministre était dans l’obligation de déférer à cette demande.

En effet, le Conseil d’Etat a estimé dans une jurisprudence de 1999 que le refus du Premier ministre de répondre favorablement à une demande de déclassement était susceptible d’être porté devant lui et qu’un tel refus est illégal si la disposition en cause viole un principe constitutionnel ou un engagement international de la France.

Or, à l’évidence, l’article 4 dans son entier (y compris l’alinéa 1) porte atteinte aux principes d’indépendance des enseignants-chercheurs, au droit à la libre communication des idées et des opinions, au principe de neutralité, etc.

S’il voulait respecter l’Etat de droit, le Premier ministre devait saisir le Conseil Constitutionnel.

Certes, il aurait mieux valu symboliquement que le Parlement abroge lui-même la disposition législative qu’il avait adoptée. Il aurait même été préférable que le Conseil Constitutionnel soit saisi de la constitutionnalité de la loi avant sa promulgation, ce qui aurait permis un contrôle de son respect au bloc de constitutionnalité. Mais, compte tenu du contexte politique, le déclassement est le moyen le plus adéquat pour mettre un terme à cette volonté du législateur d’imposer une lecture officielle de l’histoire.

Une fois que le Conseil constitutionnel aura déclaré la caractère réglementaire de l’article 4, conformément à l’article 37 alinéa 2 de la Constitution, le Premier ministre n’aura d’autre choix que de l’abroger puisqu’en vertu de l’article L.311-2 du Code de l’éducation la détermination des programmes appartient légalement au ministre de l’Education nationale, après avis d’un conseil national.

  • d’autre part, la demande de déclassement et d’abrogation adressée mi-janvier au Premier ministre portait sur l’ensemble de l’article 4 , y compris l’alinéa 1er qui assigne aux enseignants-chercheurs d’accorder « à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite ».

    Si cette disposition ne fait pas l’objet de la saisine du Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat pourra toujours être saisi par les demandeurs car le Premier ministre n’aura répondu que partiellement à la demande des 72 enseignants et chercheurs en sciences sociales.

Plus largement si le déclassement et la suppression annoncée de l’alinéa 2 de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 sont un motif de satisfaction c’est l’ensemble de la loi qui est critiquable, particulièrement son article 3 2.

Le mouvement civique contre cette loi remettant en cause des droits et libertés fondamentaux, marqué par la mobilisation d’enseignants et chercheurs de diverses branches des sciences sociales, du milieu associatif et politique, qui a abouti à ce premier résultat, n’est pas éteint. Le combat juridique et politique continue.

Evry, le 27 janvier 2006

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