La section de Toulon de la LDH, étrangère à toute idée de repentance, tient à redire:
- sa compassion pour toutes les victimes du système colonial imposé par la France en Algérie jusqu’en 1962,
- son opposition à toute instrumentalisation des mémoires au service d’une réécriture partisane de l’histoire,
- son opposition déterminée à toute tentative de réhabilitation de l’OAS.
Ces positions sont affirmées dans différentes pages de ce site, et notamment
- 2374 — vous y trouverez la lettre que Slimane Benaïssa a adressée au maire de Perpignan
- 2317
- 1222
- 1523
- et dans d’autres articles accessibles à partir de la colonne ci-contre à gauche.
Toulon, le 24 novembre 2007.
La déclaration de Michel Tubiana, le 24 novembre 2007, à Perpignan.
La guerre d’Algérie n’en finit pas de s’achever.
Voici que les morts sont mis à contribution. Mais pas n’importe quels morts. Car le comble de l’absurde est que certains se livrent à un tri. Rendre hommage aux disparus de la guerre d’Algérie, ces corps sans sépulture dont les familles n’ont jamais pu faire complètement leur deuil : qui peut contester cela ?
Mais faut-il admettre que certains disparus méritent d’être rappelés à nos mémoires et que d’autres doivent disparaitre encore plus profond dans l’oubli ?
En n’inscrivant sur un mur que ceux et celles dont on impute la disparition au FLN, la municipalité de Perpignan admet explicitement qu’elle n’entend nullement faire œuvre d’une mémoire commune aux deux rives de la méditerranée mais bien de distinguer entre les victimes.
Sont ainsi laissés dans le non-dit, les victimes des exactions de l’armée française qui ont rempli anonymement des centaines de charniers et les victimes d’une OAS qui n’a pas hésité, non plus, à assassiner et à dissimuler ses victimes.
Faut-il admettre que ces disparus là valent moins que les autres ? Faut-il donc admettre qu’une vie humaine vaut moins qu’une autre ? La souffrance se moque de l’origine des victimes, de leur origine politique, de leur origine nationale ou religieuse. La peur qui saisit le regard de celui ou de celle qui est torturé et exécuté n’exerce aucune distinction. Si l’humanité est unique, chaque victime mérite la même attention et le même respect.
Si, ce qui guide la municipalité de Perpignan est réellement le souci de rendre hommage aux disparus d’une guerre qui fût presque civile, alors ce sont tous les disparus qui ont leur place sur ce monument
Mais ce qui guide la municipalité, ce n’est pas tant le sort de ces hommes et de ces femmes, c’est qu’ils symbolisent et justifient un versant de la guerre d’Algérie, c’est qu’ils symbolisent la justesse d’un combat mené au nom de la France, c’est-à-dire en réalité, au nom de la justification du colonialisme.
C’est cela qu’il faut lire dans la cérémonie de demain et pas seulement parce que certains de ceux et celles qui vont y participer ont porté haut et fort la volonté d’en découdre avec la République au point de se constituer en factieux.
Ce que nous offre ce mur des disparus, ce n’est pas une histoire commune, c’est, en instrumentalisant de la manière la plus détestable qui soit les souffrances individuelles endurées, une célébration du colonialisme et une déligitimation du combat pour l’indépendance du peuple Algérien.
Et de cela nous ne voulons pas. Quelles qu’aient été les comportements individuels, sans jamais nier que les relations humaines peuvent, et c’est heureux, ne pas se calquer sur les systèmes en place, il reste et il demeure que le peuple algérien a subi 130 ans de colonisation et a été victime d’un système qui n’a lâché prise qu’au prix d’une guerre sans pitié et ce même s’il faut rappeler, encore une fois, que les conséquences des violences ne furent pas à sens unique.
Nous refusons ce nouveau négationnisme qui conduit à exonérer un système inique au nom des victimes que sa chute a engendrées.
Nous en appelons à une autre démarche.
Dire ce que le colonialisme fût, ce n’est pas faire œuvre de repentance, laissons cela aux hommes d’Eglise, c’est dire les faits et les responsabilités. Que ceci conduise à préciser les responsabilités de chacun, dans ce qu’elles peuvent avoir de négatives et parfois de positive, n’en sera alors que plus aisé.
Et cette démarche appartient à l’histoire et non aux Etats.
La recherche historique doit pouvoir s’exercer librement et ne répondre qu’au souci d’établir les faits et de les expliquer. Elle échappe même à la seule dimension du témoignage des individus. Le jugement est une autre chose. Affaire de Justice, ou de mémoire, il ne peut venir qu’après le travail historique et non avant.
Je le dis avec force. Nous avons besoin que ce travail ait lieu des deux côtés de la méditerranée avec la même liberté et avec la même rigueur intellectuelle.
Pour notre part si nous avons le même deuil de tous les morts, nous refusons d’avoir une mémoire hémiplégique.
Président d ‘honneur de la LDH
Une déclaration de Fatima Besnaci-Lancou, Présidente de l’Association Harkis et Droits de l’Homme (AHDH).
Nous nous sommes associés au collectif Non au projet de musée de la mairie de Perpignan à la gloire de la colonialisation pour faire barrage à 50 ans d’instrumentalisation des harkis et rappeler que les harkis ne veulent plus être otages de l’histoire de la guerre d’Algérie. L’association travaille quotidiennement à faire reculer des idées toutes faites de cette histoire et souhaite une écriture sereine et apaisée par des historiens non partisans. L’AHDH n’est pas contre des commérations de disparus mais contre des commémorations de disparus sélectifs.
Présidente de l’Association Harkis et Droits de l’Homme (AHDH)
L’intervention de Jean-François Gavoury, président de l’Anpromevo, à Perpignan, le 24 novembre 2007.
Je m’exprime ici à un double titre : d’abord et surtout en tant que président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS, mais aussi en tant que fils de l’une de ces trop nombreuses victimes :
- une victime civile en l’occurrence,
- une victime particulière, l’une des premières que les services de l’Etat ont eu à déplorer,
- une victime désignée en raison de ses responsabilités à la tête de la sécurité publique et de la lutte anti-OAS à Alger,
- une victime dont les assassins ont été, ainsi que leurs complices et commanditaires, recherchés, identifiés, interpellés, traduits devant les tribunaux, jugés, condamnés pour trois d’entre eux à la peine capitale et exécutés : les noms de ces trois tueurs sont inscrits au bas d’un cénotaphe élevé à leur gloire non loin d’ici !
Si je me suis déplacé depuis Paris, c’est essentiellement pour vous faire entendre la voix de l’ensemble des veuves et des enfants de victimes de l’OAS, que l’ANPROMEVO a vocation à rassembler et représenter face à celles et ceux qui méprisent la mémoire endolorie dont ils sont porteurs.
Je souhaite attirer l’attention sur le fait qu’un mur, par définition, cloisonne, voire enferme, en tout cas sépare. C’est son objet même, sa destination : il sépare deux espaces. Ici, à Perpignan, un mur a été conçu, lucidement, pour diviser les mémoires des victimes de la guerre d’Algérie.
Un mur dédié aux disparus de l’Algérie française répondra sans doute à l’attente d’une partie des familles de victimes de la guerre d’Algérie, qui y verra le symbole d’une reconnaissance, tout à fait justifiée, des souffrances endurées.
Mais si un tel ouvrage vaut d’être dénoncé, c’est parce qu’il tend à consacrer la réalité d‘une mémoire au mépris de toutes les autres, je dis bien au mépris de toutes les autres mémoires, elles aussi respectables, elles aussi douloureuses !
Monsieur le maire de Perpignan, sénateur des Pyrénées-Orientales, membre du groupe interparlementaire d’amitié France-Algérie, membre du groupe d’études des droits de l’Homme au Sénat, que faites-vous, en particulier, du souvenir, ô combien respectable, des victimes d’une organisation du crime, dénommée « OAS » ?
Avez-vous conscience que demain, autour de vous, de M. Jean-Marc Pujol et de Mme Suzy Simon-Nicaise, seront présents les auteurs et complices d’assassinats et actes de terrorisme commis notamment contre des représentants de l’Etat, contre des militaires, contre des fonctionnaires de l’éducation nationale, contre des personnels de la police nationale, pour certains – trop peu nombreux – reconnus « Morts pour la France » ?
Cette promiscuité ne saurait gêner ni votre adjoint ni la présidente départementale du Cercle algérianiste, qui assistaient à l’inauguration de la stèle à la gloire de l’OAS le 5 juillet 2003 au cimetière du Haut-Vernet.
Mais vous, Monsieur le maire de Perpignan, sénateur des Pyrénées-Orientales, vos sentiments républicains auraient-ils fini par s’émousser au contact permanent de ces personnes à qui vous avez donné, il y a quatre ans, la possibilité d’honorer, sur le domaine public de votre commune, trois tueurs, multirécidivistes, de loyaux serviteurs de l’État, trois tueurs, auteurs de crimes racistes en série dirigés contre des Français d’origine algérienne?
Quelles valeurs souhaitez-vous incarner en contribuant, une fois de plus, au réveil des passions et à la discorde ?
Demain, je serai présent au moment où, sans doute, vous prendrez la parole.
Croyez bien que je serai attentif à la réponse que vous ferez, publiquement, aux critiques dont ce projet de Mur est l’objet.
Sachez que l’annonce, par vos soins, d’un prochain démantèlement du honteux cénotaphe du Haut-Vernet et de la création d’un monument dédié à TOUTES les victimes de la guerre d’Algérie seront considérés par les veuves et enfants de victimes de l’OAS, mais aussi par les descendants des autres victimes de ce conflit, comme des gages réels de cette volonté d’apaisement que vous m’avez écrit être la vôtre … sans traduction visible jusqu’à présent, et je le regrette.
Elle apporterait la démonstration que votre adhésion au groupe parlementaire d’amitié France-Algérie ne procède pas de la recherche d’un alibi.
A demain, donc, Monsieur le maire.
Pupille de la Nation
Orphelin de guerre
Une revue de presse.
Le mémorial de la discorde à Perpignan
Sale temps pour les nostalgiques de l’Algérie française. A Perpignan, où se tient le congrès annuel des cercles algérianistes de France, un «Mur des disparus» à la mémoire des 2300 pieds-noirs et de 300 militaires français enlevés et tués par le FLN, et dont on n’a jamais retrouvé les corps, doit être inauguré dimanche. Lancé sous le patronage de Jean-Paul Alduy, maire UMP de la ville, ce projet est dénoncé depuis deux ans par une trentaine d’organisations, qui considèrent qu’en ne choisissant les victimes que d’un seul camp «tous les ingrédients sont présents pour enflammer une nouvelle guerre des mémoires», Afin de rendre son mémorial plus acceptable, la mairie avait demandé à l’association en charge du projet, le Cercle algérianiste de Perpignan, d’y faire graver deux citations, l’une d’Albert Camus, l’autre du dramaturge algérien Slimane Benaïssa.
S’avisant soudain que, sous ses dehors oecuméniques, la mairie de Perpignan soutient une vision très «Algérie française» de la guerre de décolonisation, Slimane Benaïssa et Catherine Camus (héritière des droits moraux de son père) ont écrit une lettre à Alduy, lui interdisant l’utilisation de ces citations. Panique à Perpignan: la mairie a exigé avant-hier que les phrases, déjà gravées dans le granit, soit effacées. En remplacement, le nom d’un mort plus lointain est évoqué: Victor Hugo.
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Protestation à Perpignan contre un mur dédié aux seuls disparus français d’Algérie
PERPIGNAN (AFP) — Quelque 200 personnes se sont rassemblées samedi à l’appel du collectif « Non au mur-musée de la mairie de Perpignan et du cercle algérianiste », pour protester contre l’inauguration dimanche de ce monument honorant les disparus français et harkis de la guerre d’Algérie.
Selon les organisateurs, le rassemblement était « le symbole de l’appel de Perpignan de 50 organisations » locales et nationales (associations de droits de l’homme, partis de gauche, syndicats…) contre un mur mis en place par cette association de rapatriés, avec l’assentiment de la mairie, et qui « organise un tri sélectif des victimes de la colonisation ».
Ce « Mur des disparus, morts sans sépulture en Algérie (1954-63) », érigé dans une ville qui a accueilli de nombreux rapatriés, est, selon Mouloud Aounit du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (Mrap), « un mur dangereux parce qu’il participe aux logiques de la revanche ».
« En faisant la discrimination des mémoires, au lieu d’apaiser, il instille le poison du communautarisme. Il est en plus un clin d’oeil idéologique au Front national. Il ne faut pas installer des murs de division », a-t-il ajouté.
Michel Tubiana, pour la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a considéré comme un acte citoyen « la riposte à ce coup contre le vivre ensemble (…) qui est une réhabilitation de la colonisation et une instrumentalisation des morts ».
« Les souffrances des victimes se valent toutes », a martelé le responsable national de la LDH, qui a stigmatisé « l’escroquerie intellectuelle de la mairie de Perpignan et du maire UMP, Jean-Paul Alduy: en aucune manière le respect aux victimes ne peut justifier la réécriture de l’histoire ».
Durant ce rassemblement dans le centre-ville, où les prises de parole se sont succédé, quelque 2.000 personnes assistaient au congrès du Cercle algérianiste à Perpignan, en marge duquel doit être inauguré dimanche matin le mur controversé en présence du secrétaire d’Etat à la Défense chargé des Anciens combattants, Alain Marleix.
Cette association de rapatriés a financé la construction de ce mur portant les noms de 2.619 disparus sur dix plaques de bronze, ainsi que ceux de 400 militaires du contingent portés disparus au combat.
Derrière ce mur de l’ancienne prison de Perpignan, le Cercle algérianiste a été chargé par la mairie d’installer un Centre de la présence française en Algérie qui doit ouvrir en 2008.
Pour le représentant de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO), « ceux qui sont derrière ce mur sont les mêmes qui, le 5 juillet 2003, ont mis en place un monument glorifiant les tueurs factieux de l’OAS au cimetière nord de Perpignan ».
Plus largement, l’érection de ce monument « est dans la droite ligne de la loi de février 2005 sur le rôle positif de la colonisation, du discours de Dakar de Sarkozy sur l’homme noir, du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ou encore des tests ADN », ont souligné presque tous les orateurs.
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L’opposition au Mur des disparus appelle à ne pas baisser les bras
A la veille de l’inauguration du Mur des Disparus, qui doit rassembler ce matin à Perpignan plusieurs milliers de personnes, le collectif d’opposition avait réuni des personnalités nationales décidées à ne pas « se résoudre à accepter l’inacceptable ».
De g. à dr. : Olivier Dartigolles (PCF), Michel Tubiana (LDH), Mouloud Aounit (MRAP), Fatima Besnaci-Lancou (Harkis-DLH), Henri Pouillot…
Près de 150 personnes se sont rassemblées, hier après-midi au pied du Castillet, pour demander un « hommage à toutes les victimes la guerre d’Algérie ». Photos Thierry Grillet.
Le président du MRAP, la présidente de l’association Harkis et Droits de l’Homme, le président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, le porte-parole du Parti communiste français, la FSU, la CGT, l’association Coup de Soleil, le Mouvement de la Paix, Liste contre liste…
Hier, à la veille de l’inauguration du Mémorial dédié à 2 619 personnes disparues en Algérie entre 1954 et 1963, le collectif d’opposition à ce projet avait organisé une conférence de presse suivie d’une manifestation symbolique, place de la Victoire. Symbolique, parce qu’à quelques heures du lever de rideau sur les plaques du Mémorial qui devrait rassembler plusieurs milliers de personnes, aucun des opposants n’avait la prétention de contrecarrer ce projet. Mais une manifestation qui faisait poids, puisqu’à travers leurs représentants nationaux, une grande partie du monde associatif de défense des droits de l’homme de France, et d’outre-Méditerranée, aura les yeux:tournés vers Perpignan.
«La reconnaissance de toutes les victimes !»
Récupération. Sélection. Hiérarchisation. Instrumentalisation. Les mêmes mots, qui revenaient dans la bouche des uns et des autres, dans une unité sans fausse note. Et sans agressivité. Honorer la mémoire, ils sont tous d’accord. Que les familles aient un lieu pour se recueillir, il n’y a rien de plus légitime. Mais que la liste des disparus soit sélective, cela, ils ne peuvent laisser faire. «Là, on organise un tri sélectif des victimes, on hiérarchise les victimes … Ce type de logique organise la division, organise la- discrimination mémorielle, là où il faudrait une reconnaissance de toutes les victimes, a dénoncé Mouloud Aounit, président national du MRAP. Et qu’un Ministre vienne valider cela, c’est une insulte pour la République ! Après cela, il ne peut y avoir d’amitié entre l’Algérie et la France Ce n’est donc pas uniquement un déni de justice et d’équité, c’est un déni d’avenir !» Pour Fatima Besnaci-Lancou, présidente de Harkis et Droits de l’Homme, il convient aussi de mettre fin à « 40 ans d’instrumentalisation des Harkis, qui ont été récupérés dans un choix qui n’était pas le leur».
«C’est un acte citoyen que de s’opposer à ce mauvais coup porté au vivre ensemble», expliquait pour sa part Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme. «Toutes les victimes mérite ut notre respect. Mais que je sache, les disparus ne sont pas l’apanage d’un camp, ni dans cette guerre, ni dans une autre ! Il est temps que nous cessions d’utiliser la. mémoire à des fins politiques»…
Les femmes et les hommes qui .ont pris la parole hier l’ont fait avec les tremblements de l’émotion dans la voix. Des tremblements et une émotion qui seront vécues, aujourd’hui, par une partie des familles des Disparus. De l’autre côté du Mur.