4 000 articles et documents

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

la reconnaissance des crimes du passé : Sétif, 8 mai 1945

Après avoir reconnu que « le système colonial ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation », Nicolas Sarkozy, en visite officielle présidentielle en Algérie, a déclaré le 5 décembre 2007, à l’université Mentouri de Constantine : « les fautes et les crimes du passé furent impardonnables » (réf.). Mais il avait fallu attendre soixante ans pour que la France reconnaisse les massacres de mai 1945 dans l'Est algérien : le 26 février 2005, l'Ambassadeur de France en Algérie les avait qualifiés de « tragédie inexcusable » (réf.).

«En 1956, lorsque les appelés du contingent passèrent dans les villages du Constantinois, ils ne rencontrèrent que des femmes, les hommes étaient ailleurs…», avait écrit Jean-Marie Lamblard en mai 2005 dans un texte dont nous reprenons un large extrait ci-dessous1.

Sétif, massacre en Algérie française, 8 mai 1945

« Persuadons-nous bien qu’en Afrique du Nord comme ailleurs,

on ne sauvera rien de français sans sauver la justice.»

Albert Camus, Combat, 15 juin 1945

Sétif, Une gerbe pour les morts

Soixante ans après le drame, l’Ambassade de France en Algérie informa le monde que la République reconnaissait désormais les massacres qui eurent lieu le 8 mai 1945 à Sétif, à Guelma, et dans une grande partie du Constantinois.

C’était la première fois qu’un représentant officiel de la France constatait la navrante vérité de cette sombre page d’histoire contemporaine, que les spécialistes ont depuis longtemps dénoncée.

Monsieur Hubert Colin de Verdière, Ambassadeur de France en Algérie, rendit justement hommage, le 26 février 2005, à l’Université de Sétif, au Président Ferhat Abbas, « Un homme d’État qui incarnait avec une grande dignité la rigueur intellectuelle si nécessaire dans notre monde compliqué, ainsi que l’exigence de justice et de liberté de son peuple. »

Ferhat Abbas étant né, et ayant vécu longtemps à Sétif, M. l’Ambassadeur se devait d’évoquer « une tragédie qui a particulièrement endeuillé votre région. Je veux parler des massacres du 8 mai 1945, il y aura bientôt 60 ans : une tragédie inexcusable. Fallait-il, hélas, qu’il y ait sur cette terre un abîme d’incompréhension entre les communautés, pour que se produise cet enchaînement d’un climat de peur, de manifestations et de leur répression, d’assassinats et de massacres ! »

« Certains pensent qu’il faut oublier le passé pour qu’il n’enterre pas le présent. Je ne partage pas cet avis, même si nous ne devons pas non plus nous enfermer dans l’histoire. », enchaîna l’ambassadeur.

La cérémonie officielle s’acheva par le dépôt d’une gerbe devant la stèle du souvenir des événements et des morts.

Victimes et bourreaux

De tueries inexcusables, l’histoire humaine en est pavée.

L’épopée coloniale, par la personnalité même de la majorité des individus que les États mandataient, n’est qu’une succession de tragédies pour les peuples colonisés ; et de sacrifices pour les rares représentants sincères de la civilisation des Lumières qui se lançaient dans l’aventure par grandeur d’âme et portés vers de naïves illusions.

Alors, pourquoi revenir sur ce 8 mai 1945 ? Pourquoi s’attarder sur la démarche française et le geste de Monsieur l’Ambassadeur ?

Soixante ans, c’était hier

Soixante ans, c’était hier, les générations se souviennent. L’enfant terrorisé est là, présent dans l’adulte qui survit et se remémore.

Le petit-fils a entendu de la bouche même des témoins le récit, et cherche un écho de la tragédie des siens dans les annales du pays et l’histoire de sa nation.

La haine comme l’amour cela se mène à deux. Ainsi, l’adversaire, le bourreau, que dit-il ? Porte-t-il le poids du souvenir ou le sentiment du devoir accompli ?

Puisqu’il y eut massacre, des mains ont tué, ou signé l’ordre du carnage. Si les témoins survivant pouvaient être fort jeunes alors, les acteurs des meurtres avaient nécessairement un certain âge, l’âge de tenir une arme.

Ces derniers participants sont aujourd’hui des vieillards. La démarche de l’État français pour eux aussi est essentielle.

Et puis il y a tous ceux qui se sont trouvés complices sans le vouloir à cause du silence français…

Jean-Marie Lamblard

mai 2005

Lire également 2176 de Jean-Marie Lamblard.

  1. Texte extrait de http://lamblard.typepad.com/weblog/2009/09/stif-dalgrie-8.html, publié avec l’accord de Jean-Marie Lamblard.
Facebook
Twitter
Email