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L’Allemagne reconnait le génocide des Nama et des Herero

Le 10 juillet dernier, le gouvernement allemand a reconnu officiellement que « la guerre d’extermination menée en Namibie entre 1904 et 1908 était un crime de guerre et un génocide ». C'était la première fois que cette expression était employée de manière officielle au plus haut de la République fédérale d'Allemagne pour qualifier le comportement des troupes allemandes commandées par le général Lothar Von Trotha. conf_berlin_1885.jpg La Namibie faisait partie du domaine dévolu à l'Allemagne en 1885, par la conférence de Berlin qui avait organisé le partage de l'Afrique 1. Cette conférence s'est déroulée de la mi-novembre 1884 à fin février 1885. Le chancelier Bismarck y avait invité des délégués de 13 Etats européens, des Etats-Unis et de l'Empire ottoman. Mais aucun Africain n'était convié à la mise en place de règles qui aboutiront au découpage du continent par des frontières ne correspondant souvent à aucune réalité pour les populations qui y vivaient. Les Allemands ont procédé à des massacres particulièrement sanglants des peuples Herero et Nama qui s'étaient soulevés contre la domination coloniale : environ 80 % des Herero et la moitié des Nama périrent entre 1904 et 1908. Il aura fallu plus d'un siècle à l'Allemagne pour reconnaître ce premier génocide du XXe siècle.

Un exposé audio de la Deutsche Welle, L’Allemagne face aux Herero de Namibie, réalisé en mai 2015 1 :

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L’Allemagne reconnaît le génocide des Herero et des Nama en Namibie

par Frédéric Lemaître, Le Monde du 16 juillet 2015

Conséquence inattendue du récent débat sur le génocide arménien, l’Allemagne a décidé de qualifier également de génocide les massacres commis entre 1904 et 1908 par son armée dans l’actuelle Namibie. Cette extermination était « un crime de guerre et un génocide », a reconnu, vendredi 10 juillet, le ministère des affaires étrangères.

L’actuelle Namibie, dénommée à l’époque « Sud-Ouest africain », a été une colonie allemande de 1884 à 1915. Lorsque, en 1904, les Herero et les Nama résistèrent aux troupes coloniales, le général Lothar von Trotha donna l’ordre de les exterminer. Repoussées dans le désert, sans eau et sans nourriture, environ 80 000 personnes moururent en quelques semaines. Les quelques milliers qui survécurent furent par la suite condamnées aux travaux forcés dans six camps où la plupart périrent. « Ainsi, l’expession “camp de concentration” inventée en 1896 par les Espagnols à Cuba, anglicisée par les Américains puis utilisée par les Britanniques pendant la guerre des Boers fit son entrée dans la langue et la politique allemandes », note le suédois Sven Lindqvist, dans son essai Exterminez toutes ces brutes ! (Ed. Le Serpent à plumes, 1998).

Il était difficile à Frank-Walter Steinmeier, ministre des affaires étrangères, de ne pas reconnaître ce génocide. C’est lui qui, en 2012, en tant que chef de l’opposition sociale-démocrate au Bundestag, avait déposé une motion portant sur sa reconnaissance. A l’occasion du centième anniversaire de la fin de la présence allemande en Namibie, l’opposition actuelle lui a rappelé ses engagements passés. Pour le moment, cette reconnaissance n’est qu’une « ligne directrice politique ». Pas encore juridique. Le gouvernement négocie un accord avec la Namibie, notamment pour régler la question des demandes d’indemnisations. Le ministère des affaires étrangères espère y parvenir cette année.

Initiative de réconciliation

En 2004, la ministre allemande chargée du développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul, avait participé aux commémorations du soulèvement des Herero et de sa répression. Elle avait présenté ses excuses et avait parlé de « génocide ». Ce n’était pas la position du gouvernement allemand. Mais une initiative de réconciliation avait été entamée. L’Allemagne y a consacré 31 millions d’euros. Ce programme s’achève en 2015.

Par ailleurs, en 2011 et 2014, des crânes d’Africains expédiés en Allemagne à des fins « anthropologiques » ont été restitués aux autorités namibiennes. « Le thème est avant tout porté par les ethnies herero et nama, mais celles-ci constituent une minorité dans la Namibie actuelle, explique Heiner Naumann, qui dirige le bureau en Namibie de la fondation Friedrich-Ebert, proche du Parti social-démocrate, dans la revue IPG (Politique internationale et société) du mardi 14 juillet. Leurs représentants attendent entre autres des dédommagements financiers. En revanche, les Namibiens d’origine allemande ont des difficultés avec le débat actuel. Il y a des groupes qui, ici, nient encore le génocide. »

Ce spécialiste juge que la réconciliation doit passer par une « position officielle des deux gouvernements », des ateliers de formation, des programmes d’échanges de jeunes et la mise en place d’une commission d’historiens.

Le débat sur le passé colonial de l’Allemagne ne fait sans doute que commencer. En 2019 va s’ouvrir au cœur de Berlin le Humboldt Forum, un musée des cultures non européennes. Un projet auquel est associé le ministère des affaires étrangères.

Frédéric Lemaître, journaliste (Berlin, correspondant)

  1. Source : Allemagne face aux Herero de Namibie – Deutsche Welle – le 29 mai 2015 :
    http://www.dw.com/fr/lallemagne-face-aux-hereros-de-namibie/av-18486551.
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