Cette soirée sera l’occasion de retracer l’engagement citoyen de Jean-Luc Einaudi pour la vérité et la justice.
À l’initiative de ses proches, cette manifestation sera animée par Hafid Adnani, avec la participation de
Djoudi Bedar, Olivier Bétourné, Gérard Boulanger, le Centre culturel algérien, Didier Daeninckx, Nadine Fresco, Philippe Grand, M’hamed Kaki, Brigitte Lainé, Mehdi Lallaoui, Pierre Mairat, Daniel Mermet, Edwy Plenel (ssr),
en partenariat avec la Mairie du 2° arrondissement et avec le soutien du MRAP et de la LDH.
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Jean-Luc Einaudi, pionnier de la mémoire de la guerre d’Algérie
L’auteur de La bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil, 1991), Jean-Luc Einaudi, dont les écrits ont mis en lumière, de façon magistrale, le rôle de l’État français dans la répression des luttes pour l’indépendance algérienne, s’est éteint, samedi 22 mars, à Paris, emporté par un cancer fulgurant. Né le 14 septembre 1951, Jean-Luc Einaudi a travaillé toute sa vie comme éducateur, auprès des jeunes – auxquels il consacra un livre, Les mineurs délinquants (Fayard, 1995). Il venait, il y a deux ans, de prendre sa retraite.
Mais ce sont ses nombreux ouvrages sur l’Algérie, fruits de recherches « méticuleuses et opiniâtres », selon les termes de l’historien Gilles Manceron, qui l’ont fait connaître du grand public. « Je ne revendique pas le titre d’historien. J’écris sur ce qui me paraît important », confiait-il, le 9 février, dans un entretien – le dernier – accordé à Berbère Télévision. Bien qu’âgé de onze ans au moment de l’indépendance de l’Algérie, en 1962, ce fils unique, issu d’une famille modeste, devenu militant maoïste dans l’après-1968, s’était intéressé très vite aux combats anticolonialistes – du Vietnam à l’Algérie.
Rédacteur « bénévole » à l’Humanité Rouge, journal fondé par Jacques Jurquet, son aîné et ami, le jeune militant du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) fit alors, dans les années 1970 et 1980, la rencontre de plusieurs grandes figures du mouvement anticolonialiste, parmi lesquels Claude Bourdet, Georges Mattéi et Pierre Vidal-Naquet – lequel rédigea la préface du premier livre de Jean-Luc Einaudi, Pour l’exemple. L’affaire Fernand Yveton (L’Harmattan, 1986).
Il fit également la connaissance, dès cette époque, de responsables algériens du FLN – lesquels lui ouvriront bien des portes, plus tard. L’étude des différents aspects de la répression française, exercée contre les Algériens, en particulier, en octobre 1961, à Paris, à l’occasion de la désormais fameuse manifestation organisée à l’appel du Front de libération nationale (FLN), allait transformer Jean-Luc Einaudi en enquêteur hors pair – et en pionnier, souvent solitaire, du travail de mémoire.
Son livre La bataille de Paris levait le voile sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire franco-algérienne, sur laquelle l’université ne s’était, jusque là, guère penchée. Le 17 octobre, et dans les semaines qui suivirent, « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues », révélait Jean-Luc Einaudi, pointant du doigt la responsabilité des forces de l’ordre – alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon.
Cet ouvrage allait provoquer un véritable choc dans la société française – et connaître un succès retentissant. Une nouvelle édition augmentée, Octobre 1961. Un massacre à Paris (Fayard-Pluriel), a été publiée en 2011. Jean-Luc Einaudi allait néanmoins longtemps payer son courage et sa détermination. En 1999, Maurice Papon, alors poursuivi pour crimes contre l’humanité, portait plainte contre Jean-Luc Einaudi, dont les déclarations devant la cour d’assises de Bordeaux l’avaient ulcéré1. L’ancien préfet de police fut finalement débouté. Mais cette bataille laissa des traces – avec, notamment, la « mise au placard », durant de longues années, de deux conservateurs des archives de Paris, « victimes de sanctions dissimulées », s’indigna Jean-Luc Einaudi.
BRISEUR DE TABOU ET HÉROS MORAL
Passionné d’histoire, l’éducateur de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse, au sein du ministère de la justice) s’intéressa aussi aux « petites gens », à ces « militants sans défaillance, qui lui ressemblaient », relève l’historien René Galissot. Du père Georges Arnold, curé du Prado, à Baya Allaouiche, en passant par Lisette Vincent, Maurice et Odette Laban, la liste est longue de tous ceux – et celles, surtout – auxquels Jean-Luc Einaudi prêta sa voix, leur rendant hommage à travers des biographies.
Briseur de tabous, ne craignant point de s’attaquer à plus puissant que lui, que ce soit en France ou en Algérie – qu’il sillonna longuement, en 1987 – cet auteur atypique fut un « héros moral », souligne l’historien algérien Mohammed Harbi. Derrière son apparence de rugbyman bourru, Jean-Luc Einaudi cachait une immense sensibilité. On la retrouve, intacte, comme sa colère face à l’injuste, dans son dernier ouvrage, Le dossier Younsi. 1962 : procès secret d’un chef FLN en France (Tirésias, 2013), un livre dérangeant et rare, à l’image de l’auteur.
Compléments de lecture
- Hommage à Jean-Luc Einaudi, par Gilles Manceron
- Jean-Luc Einaudi, historien dans la cité, par Hassan Remaoun
- 17 octobre 1961 : massacre colonial à Paris, par Emmanuel Blanchard
- le 17 octobre 1961 et les archives, par Jean-Luc Einaudi
- [Note de LDH-Toulon] — Le 20 mai 1998, Jean-Luc Einaudi avait écrit dans Le Monde : « En octobre 1961, il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon ». Papon lui intenta un procès pour diffamation. (Référence.)