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Édition du 1er au 15 octobre 2024

Hommage à Paray-le-Monial
à un dénonciateur de la colonisation
et de l’esclavage au XVIIème siècle

La section de la Ligue des droits de l'homme de Paray-le-Monial, en Bourgogne, est née en 2014 de la volonté d'une dizaine de citoyens de défendre localement les principes de la République mis à mal par les activités d'intégristes catholiques qui déforment l'histoire locale et tournent le dos à l'univers humaniste qui a marqué la vie de la cité pendant une partie du XVIIème siècle. Elle a organisé une commémoration de Pierre Moreau (1621-1661) qui avait dénoncé la colonisation et l'esclavage au milieu du XVIIème siècle. L'oubli de cet humaniste précurseur des droits de l'homme est lié au fait qu'un récit catholique intégriste a exclu de la mémoire de la ville à la fois la présence protestante, les moments de paix entre les religions du XVIème au XVIIIème siècle et la violence des persécutions qui y ont mis fin.

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Hommage à Pierre Moreau

par Gérald Uhlrich, président de la section LDH de Paray-le-Monial.

Il est grand temps de rendre hommage à un homme né ici, à Paray-le- Monial, Pierre Moreau… Voilà ce qui a animé les militants de la section de la Ligue des droits de l’homme de Paray-le-Monial, vous faire découvrir Pierre Moreau en vous proposant dans le cadre des Journées du patrimoine cet hommage avec prises de paroles mais également la sortie d’un livre dont nous ferons la présentation ce matin à 11h au Centre de Culture et de Congrès ; deux conférences et deux expositions de peintures compléteront cette programmation.

Il y a 400 ans, Pierre Moreau, cet homme singulier à bien des égards, fils d’un cordonnier descendant d’une ancienne famille protestante de la ville de Paray-le-Monial a vu le jour. Rien ne laissait pourtant présager que cet enfant, simple fils d’artisan allait mener une vie d’aventure, une vie d’engagements portée par des valeurs humanistes en avance sur son siècle. Et pourtant en y regardant de plus près, si l’on prend le temps, on trouve à Paray-le-Monial à travers l’expérience de son enfance, le creuset qui forgera ses convictions. Souvenons-nous, le siècle avant la naissance de Pierre Moreau, les guerres de religions entre protestants et catholiques faisaient rage… Je rappellerai simplement 1572, le massacre de la Saint Barthélemy, les nombreuses persécutions, les conversions forcées des protestants au catholicisme… En 1598, l’édit de Nantes promulgué par Henri IV mettra provisoirement fin aux persécutions pour laisser place à l’idée de tolérance entre religions. Mais à Paray où la cohabitation existait depuis longtemps entre catholiques et protestants, point de guerres de religions mais une volonté affichée de vivre ensemble en toute sérénité. Et ça marchait ! Pendant ses jeunes années, Pierre Moreau reçoit un enseignement des pasteurs où lui est transmis ce concept fondamental des paix de religion considérant comme primordiale l’union des chrétiens fondée sur les points doctrinaux communs, tandis que leurs différences sont mises en retrait. Face aux jésuites, prêchant la guerre à « l’hérésie » protestante, les protestants parodiens se font « messagers de paix », ils font une proclamation dans laquelle ils s’engagent solennellement à maintenir les relations constructives du passé, c’est-à-dire à « continuer la bonne amitié qui a toujours existé entre les habitants » de Paray-le-Monial.

Quelle belle leçon nous est donnée ici sur le vivre ensemble ! Il est grand temps de constater que loin des haines des guerres de religions, voire de civilisations prônées aujourd’hui par certains oiseaux de mauvais augure, on peut vivre tous ensemble et construire une cité paisible dans le respect de l’autre et dans le respect des différences. C’était le cas à Paray au XVIIe siècle. Il est grand temps d’en prendre conscience avec un devoir de mémoire rigoureux et surtout respectueux des valeurs que portait cet homme.

Il est grand temps d’élargir le cercle des initiés qui connaissent la vie de ce personnage atypique pour son époque qu’on peut qualifier aujourd’hui de citoyen du monde précurseur de l’anticolonialisme et de l’antiesclavagisme. Il est grand temps de comprendre son engagement et sa vision parce que c’est en regardant d’où l’on vient que l’on peut comprendre qui l’on est. Et lorsqu’on est en pleine conscience, on peut agir en pleine confiance. On évite ainsi les manipulateurs qui veulent réécrire l’histoire en s’inventant des figures tutélaires voir pervertir des vérités historiques. N’est pas antiesclavagiste qui veut.

Notre époque manque de repères. 400 ans après, un Pierre Moreau est toujours utile à notre temps à Paray-le-Monial. Paray doit s’écrire avec ces personnages qui font partie de son histoire et de son identité. Le fait d’organiser cet hommage dans le cadre des journées du patrimoine est une volonté affichée d’inscrire dans le patrimoine local Pierre Moreau.

Pour conclure, disons qu’il est grand temps de faire rentrer dans le panthéon du patrimoine parodien Pierre Moreau … Je ne suis pas Malraux mais j’ai envie de déclamer avec des trémolos dans la voix la phrase : « Entre ici Pierre Moreau… ».


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Le tableau « La sucrerie d’Engenho Real au Brésil » (45cm/71 cm) de Franz Post, Institut Ricardo Brennand, Recife, présente dix esclaves s’affairant autour du pressoir qu’ils chargent de cannes stockées sur la gauche. A côté de la sucrerie, deux groupes : au premier plan, cinq Blancs dont une femme, sont en discussion. Un peu plus en retrait, à gauche, trois Indiens et un enfant parlent à un esclave portant un panier sur la tête. Frans Post montre clairement que les indigènes entrent en scène comme des visiteurs et non comme des esclaves. La présence de l’église, en haut à droite, témoigne de la liberté de culte dont profitent, au Brésil hollandais, les catholiques comme les Juifs (deux synagogues à Récife et Mauritstad). Ce tableau donne à Franz Post l’occasion de mettre en scène des populations culturellement très diverses, américaines, européennes, africaines mais qui semblent vivre en harmonie. Premier européen à peindre des paysages du Nouveau Monde, il a contribué à en populariser l’attrait et il a pris place sur le marché de l’art. Dans son livre, Les Derniers troubles du Brésil, Pierre Moreau brise l’image idyllique répandue par les artistes mobilisés par Jean-Maurice de Nassau en dressant une constat sévère des guerres coloniales, de la colonisation et de l’esclavage.


Un épisode de l’histoire locale
qui est une référence utile pour notre présent



par Germaine Lemétayer, historienne, autrice d’un ouvrage sur Pierre Moreau, secrétaire de la section LDH de Paray-le-Monial.

Cette année, la section de la Ligue des droits de l’homme commémore les 400 ans de la naissance et les 360 ans de la mort de Pierre Moreau. Son œuvre unique, son livre, Histoire des derniers troubles du Brésil… est présente aujourd’hui dans les bibliothèques d’une centaine d’universités d’Amérique et d’Europe et donne lieu, au Brésil, à des études universitaires depuis les années 1970. Ce succès par-delà le temps et l’espace donne la mesure de l’intérêt suscité par une pensée dont les fondements se sont élaborés ici, à Paray-le-Monial, dans l’éducation reçue au temple des protestants mais plus encore dans le quotidien d’une vie communautaire unique : la concorde entre les catholiques et les protestants n’était pas seulement que d’amitié existant entre des familles alliées par des mariages mixtes, elle n’était pas que de christianisme bien compris qui donne la priorité à la charité pratiquée ensemble sans distinction de pauvres, mais elle était aussi ce qu’Erasme a appelé l’intérêt public « que l’intérêt public l’emporte sur les passions privées ! » s’écrie-t-il dans son Plaidoyer pour la paix : elle était donc politique, la justice organisée au jour le jour par les arbitrages du notaire protestant et du curé, l’équité imposée par des contrats notariés faisant prévaloir la réciprocité.

C’est à travers le prisme de cet héritage unique que le Brésil a pu t’apparaître, Pierre Moreau, comme le réceptacle digne de ta petite cité. Percevant comme les prémices d’une société de concorde et de paix, le métissage réalisé par les Portugais et les autochtones, la mixité des administrations néerlandaises, la liberté de conscience donnée aux juifs et aux catholiques, le refus de l’esclavage des Indiens, tu as osé braver la potence en livrant, à peine masqué, un projet de Brésil républicain sans colonisation ni esclavage où les citoyens feraient prévaloir, comme à Paray-le-Monial, l’éducation et non l’ignorance, la diversité et non l’uniformité, le partage équitable et non l’accaparement, les échanges et non le cumul, la maîtrise de l’espace et non le repli territorial. Tu as osé imaginer que l’expérience si réussie d’un microcosme du vieux continent puisse devenir la réalité du Nouveau Monde, un Eldorado des droits et des libertés pour la paix, la liberté, la prospérité et le bonheur des hommes. C’est cet humanisme universel qui fascine depuis si longtemps les lecteurs de ton livre, dans le monde entier, mais depuis 350 ans, ton rêve court toujours, Pierre Moreau, nul n’a encore égalé ta petite communauté. Aujourd’hui, alors même que tu suscites toujours la haine des fauteurs de troubles, des guerriers de dieu, nous sommes fiers et heureux de te compter parmi ceux qu’Erasme nomme les conciliateurs universels, les messagers de la paix. Que ta pensée continue à s’envoler, nul ne pourra plus l’arrêter !



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Le peintre béninois Estache Agoumkpe a imaginé le portrait de Pierre Moreau dans l’un des huit grands tableaux qu’il a réalisé, pour la section, retraçant les épisodes marquants de sa vie. Estache Agoumkpe a déjà organisé deux expositions, la première est un hommage au roi africain Gbéhanzin, la seconde porte sur le massacre de tirailleurs sénégalais à Thiaroye, en 1944.



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Pierre Moreau entre Paray-le-Monial et le Brésil de Germaine Lemétayer
livre vendu au bénéfice de la Section de la LDH Paray-le-Monial (10 €).


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La Ligue des droits de l’Homme rend hommage
à l’humaniste parodien Pierre Moreau

par Maryvonne Bibault, publié dans le Journal de Saône-et-Loire le 21 septembre 2021.
Source

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Germaine Lemétayer, auteure du livre Pierre Moreau entre Paray-le-Monial et le Brésil et Gérald Uhlrich, le président de la section locale de la Ligue des droits de l’Homme, présentent le tableau du peintre béninois Estache Agoumkpe.
Photo JSL/Maryvonne Bidault.


Germaine Lemétayer n’est plus la présidente de la section parodienne de la Ligue des droits de l’Homme. Pour l’anecdote, c’est un de ses anciens élèves, Gérald Uhlrich, qui lui succède à ce poste. Habitant Saint-Yan, ce papa de quatre enfants a d’abord travaillé comme animateur socioculturel. Membre du parti socialiste, il a été, pendant 24 ans, conseiller municipal à Digoin. Syndicaliste, engagé à la CFDT, il est aujourd’hui détaché à l’UCANSS (L’Union des caisses nationales de la Sécurité Sociale). « Je siège dans beaucoup d’organismes sociaux de Bourgogne Franche-Comté. Militant associatif, j’ai accepté ce poste correspondant à mes convictions. À la Ligue des droits de l’Homme, j’espère fédérer et accueillir d’autres personnes. Il est important de rassembler des personnes au profil différent pour apporter le débat et permettre d’avancer. Notre objectif est la lutte contre toute forme de discrimination et contre l’extrême droite, défendre la laïcité, accompagner les migrants mineurs », explique Gérald Uhlrich.

Un hommage pour les journées du patrimoine

Ce week-end, à l’occasion des journées européennes du patrimoine, la section parodienne de la Ligue des droits de l’Homme avait organisé un hommage à Pierre Moreau, né à Paray en 1620. Cet humaniste, anticolonialiste et antiesclavagiste a inspiré les philosophes des Lumières.

Depuis 15 ans, Germaine Lemétayer, épluche toutes les archives concernant l’histoire de Paray pendant la période du Moyen-Âge. Auteure du livre Pierre Moreau entre Paray-le-Monial et le Brésil, elle souhaite mieux faire connaître ce Parodien au parcours hors du commun.

« Choisir la rue Billet pour apposer une plaque en sa mémoire, c’est comme associer le souvenir de Jean Moulin dans une rue Pétain, l’histoire est faussée », regrette toutefois Gérald Uhlrich. Après la signature de l’Édit de Nantes en 1598, le prêtre Antoine Billet, avait en effet soutenu les persécutions des protestants. C’est donc rue Brice-Baudron, où est né Pierre Moreau, que la commémoration s’est tenue ce week-end. Germaine Lemétayer a ensuite présenté son livre au Centre culturel et de congrès. Les conférenciers Gilles Manceron, responsable du groupe de travail “Mémoires-histoire” et Daniel Boitier, animateur du groupe de travail “Laïcité” ont abordé les thèmes des contestations de l’histoire de l’esclavage, de la liberté de conscience et de culte. L’exposition de tableaux a permis de découvrir le Brésil au temps de Pierre Moreau, vu par les peintres hollandais du XVIIe siècle et La vie de Pierre Moreau, une création du peintre béninois Estache Agoumkpe.

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