« Une grosse connerie », c’est ainsi, paraît-il, que Jacques Chirac aurait qualifié en privé l’adoption par le Parlement français de cette loi, avant même qu’il ne se décide à déclasser le deuxième alinéa de l’article 4. Pourtant, si on reconstitue sa genèse à partir de l’émergence d’une nouvelle majorité issue des élections du printemps 2002 1, on aurait plutôt tendance à penser qu’il s’agit du résultat d’un enchaînement délibéré. Une mauvaise pièce dont nous tentons ici de reconstituer les épisodes essentiels.
Le contexte
Au moment où Jacques Chirac veut signer un traité d’amitié avec l’Algérie auquel le lobby pied-noir est hostile, peut-être a-t-il voulu donner des « compensations » à la partie des rapatriés qui n’a toujours pas accepté l’indépendance de l’Algérie. D’autant que, depuis juin 2000, les nostalgiques de l’Algérie française se sont fortement crispés face à la résurgence de certains épisodes de la guerre d’Algérie comme la demande de reconnaissance de la répression à Paris de la manifestation du 17 octobre 1961 ou les nouvelles révélations intervenues sur la torture pratiquée par l’armée française.
En effet, à partir de l’été 2000, une nouvelle vague de témoignages déclenchée par un article de la journaliste du Monde Florence Beaugé consacré à l’Algérienne Louisette Ighilariz 2, de nouvelles déclarations du général Massu sensiblement différentes de ce qu’il avait dit auparavant, l’Appel des douze publié par l’Humanité 3 et de nouveaux et importants travaux d’historiens 4, tout comme la publication du livre du général Aussaresses où il fait état, sans regrets, des tortures et crimes de guerre commis sous son autorité 5 – suivie de sa condamnation pour « apologie de crimes de guerre 6 » -, ou encore la diffusion à la télévision de la série de Patrick Rotman L’Ennemi intime, ont, à la fois, relancé le débat sur les moyens employés par l’armée et mieux fait connaître les réalités de cette guerre.
C’est pour réagir à cela qu’est paru en mars 2002 un Livre blanc de l’armée française en Algérie 7, dont la préface est signée par 521 officiers généraux ayant servi en Algérie, et qui se veut une réponse à ce qu’il considère comme une désinformation. Le rôle de l’armée est présenté comme un « travail de pacification » visant à « garantir les droits de l’homme » et l’« exercice des droits civiques et des libertés fondamentales » : « Ce qui a caractérisé l’action de l’armée en Algérie ce fut d’abord sa lutte contre toutes les formes de torture, d’assassinat. » La vieille idée de la trahison de l’Algérie française par la 5e République est reprise : « Alors que la victoire militaire contre le FLN rendait possible des solutions nouvelles, le général de Gaulle imposa l’abandon dans des conditions honteuses. » Des travaux d’historiens sont attaqués, comme la thèse de Raphaëlle Branche, publiée chez Gallimard : « Qu’une telle thèse ait pu non seulement être préparée, mais être admise à la soutenance et de surcroît recevoir les félicitations unanimes du jury laisse planer un doute sérieux sur la neutralité axiologique dont se targuent les instances universitaires. » Et les manuels scolaires sont vigoureusement mis en cause : « Partielle, partiale, réductionniste, voire mensongère, la présentation de la guerre d’Algérie dans les manuels scolaires relève moins de la science historique que de la propagande. » Et l’un des premiers signataires de la préface de ce livre, le général Schmitt, ancien chef d’état-major des armées françaises de 1987 à 1991, accuse, lors de l’émission de France 3 qui suit la diffusion du film L’ennemi intime le 6 mars 2002, son réalisateur Patrick Rotman d’avoir déformé les faits.
On assiste ainsi à une remobilisation de certains milieux désireux de dicter leur version de l’histoire de la période coloniale, notamment en Algérie, voire de réagir à un progrès des connaissances historiques et de l’enseignement qui ne correspondent pas à leur propre vision du passé. La campagne qui s’est développée dans certains milieux pieds-noirs pour protester contre la présence du président algérien à l’Assemblée nationale et à Verdun en juin 2000, et aux cérémonies de commémoration du Débarquement en Provence, le 15 août 2004, a permis de mesurer ce raidissement. C’est dans ce contexte qu’il faut situer la genèse de cette loi.
Nous n’aborderons pas toutes les dimensions de cette loi, nous limitant aux aspects mémoriels qui sont abordés dans les quatre premiers articles : 1 (reconnaissance), 2 (hommage annuel), 3 (Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie), 4 (l’enseignement).
La consultation de documents publics, aisément accessibles sur internet, le rapport du député Michel Diefenbacher, les rapports des commissions de l’Assemblée nationale (en particulier le rapport du député Christian Kert du 8 juin 2004) et du Sénat, et les délibérations des Chambres, nous permet de reconstituer leur genèse.
La préparation
Mai 2002 : au lendemain de l’élection présidentielle, création de la mission interministérielle aux rapatriés.
Dès sa réélection à la présidence de la République, Jacques Chirac nomme un Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, dont « la politique en faveur des rapatriés figure parmi les priorités 8. » Trois semaines après avoir été nommé Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin signe un décret 9 créant une Mission interministérielle aux rapatriés auprès du Premier ministre « chargée de préparer, en concertation avec les associations représentatives, les mesures de solidarité nationale en faveur des rapatriés. Elle veille à la mise en œuvre des mesures décidées par les pouvoirs publics » (article 2 du décret).
Le 5 décembre 2002, Jacques Chirac inaugure solennellement, quai Branly à Paris, dans le septième arrondissement, le Mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie 1952-1962. Sur ce monument, composé de trois colonnes carrées hautes de six mètres, défilent en permanence les noms des 23 000 soldats et supplétifs morts pour la France en Afrique du Nord. Le 20 décembre 2002, un nouveau décret est signé par le Premier ministre 10 portant création d’un Haut conseil des rapatriés « qui a pour objet de formuler, à la demande du président de la mission interministérielle aux rapatriés ou de sa propre initiative, tous avis ou propositions sur les mesures qui concernent les rapatriés, et notamment la mémoire de l’œuvre de la France d’outre-mer et les questions liées à l’insertion de ces populations » (article 1).
Février 2003 : le Premier ministre confie une mission à Michel Diefenbacher
Par une lettre du 24 février 2003 – soit deux ans, jour pour jour, avant la parution de la loi au Journal officiel -, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin charge le député UMP du Lot-et-Garonne Michel Diefenbacher 11 d’une mission auprès de lui à compter du 17 mars 2003 « pour parachever les efforts de reconnaissance matérielle et morale de la nation à l’égard des rapatriés », et lui demande un rapport avant le 15 septembre 2003.
Le 2 avril 2003, le Premier ministre, recevant le Haut conseil des rapatriés à l’Hôtel Matignon, déclare au rapporteur : « À partir de la remise de votre rapport, nous engagerons, avec les deux instances, le Haut conseil, d’un côté, et la Mission de l’autre, la capacité de pouvoir mettre en œuvre cette action qui reste attendue pour notre pays et qui reste un engagement du président de la République. Un engagement sur lequel il est très attaché, un engagement auquel il sera fidèle 12.» Michel Diefenbacher remet en septembre 2003 un rapport où il traite des problèmes d’indemnisation auxquels les lois de 1987 n’avaient pas répondu, ainsi que des revendications mémorielles.
Mars 2003 : Des députés de la majorité déposent une proposition de loi
En même temps, à l’initiative de Philippe Douste-Blazy, alors député UMP (Haute-Garonne), qui sera bientôt ministre de la santé de Jean-Pierre Raffarin avant de devenir ministre des affaires étrangères de Dominique de Villepin, et de Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes), une centaine de députés UMP déposent le 5 mars 2003 une proposition de loi relative à « la reconnaissance de l’œuvre positive des Français en Algérie 13 ». Ce texte, comporte un seul article : « L’œuvre positive de l’ensemble de nos concitoyens qui ont vécu en Algérie pendant la période de la présence française est publiquement reconnue. »
« Ce n’est pas insulter l’avenir que d’effectuer un travail de mémoire lucide et équilibré », mentionne l’exposé des motifs. « Pendant cette période, la République a […] apporté sur la terre d’Algérie son savoir-faire scientifique, technique et administratif, sa culture et sa langue, et beaucoup d’hommes et de femmes, […] venus de toute l’Europe et de toutes confessions, ont fondé des familles sur ce qui était alors un département français. » Loin d’être un simple constat historique, c’est une appréciation « globalement positive » de la colonisation qu’on veut induire. Interrogé par Le Monde, Philippe Douste-Blazy a précisé qu’il ne s’agissait pas de « raviver des passions, mais simplement de reconnaître le travail effectué par certains de nos concitoyens durant une période particulière de notre histoire ». Selon ces parlementaires, le dissimuler constituerait une « erreur historique ». Cette proposition de loi ne sera jamais débattue en tant que telle, mais elle sera reprise et développée dans les articles 1 et 4 de la loi du 23 février 2005.
En même temps, des associations du lobby pied-noir continuent à tenter de faire pression sur le ministère de l’éducation nationale. Ainsi, le 12 mars 2003, le président du Collectif des rapatriés internautes (CRI) envoie une lettre ouverte au ministre Luc Ferry (publiée sur http://www.lecri.net/action/ferry.htm) où l’on peut lire :
Depuis le début de cette année, dans le cadre de « L’année de l’Algérie » se multiplient, dans l’ensemble des médias, des opérations de dénigrement systématique de l’œuvre de la France en Algérie. Arte est le fer de lance essentiel de ces attaques, qui enchaîne les reportages et pseudo-documentaires historiques, faisant intervenir toujours les mêmes protagonistes soucieux d’accumuler injures, contrevérités flagrantes et accusations les plus ignobles. Mais il y a plus grave car ces agressions touchent également l’éducation de nos jeunes, domaine qui vous est attribué. Les lycéens et collégiens de France sont conviés, toujours dans le cadre de la réconciliation entre les peuples algérien et français, à visionner ce même genre de documents qui font les choux gras d’Arte. […] Les manuels scolaires d’histoire qui leur servent de support sont d’ailleurs de la même veine […] Des documents et des témoignages authentiques qui permettent de contrebalancer cette entreprise de lobotomisation [sic] des masses existent. Ils ne sont jamais montrés. De fait, un véritable totalitarisme est exercé sur les faits historiques. […] Nous attendons de vous, Monsieur le ministre de l’éducation nationale, que les directives de votre prédécesseur concernant la manière de relater la guerre d’Algérie soient abrogées.
Le rapport Diefenbacher
Michel Diefenbacher remet son rapport au Premier ministre en septembre 2003. Publié sur internet par la Documentation française 14, il est titré « Parachever l’œuvre collective de la France outre-mer » et servira de base à l’élaboration du projet de loi. C’est à la fois un relevé des « attentes » des associations pieds-noirs – du moins de celles que le député a rencontrées – et une liste de propositions. Curieusement la liste des personnes auditionnées ne figure pas dans le rapport publié – elle est qualifiée de « non disponible » ; la Ligue des droits de l’Homme a dû la demander au Premier ministre par l’intermédiaire d’un député pour parvenir à ce que, le jour même où il quittait Matignon, M. Raffarin la lui communique 15. Elle comporte exactement cent noms, tous étant, soit membres du Haut conseil des rapatriés, soit responsables d’associations du lobby pied-noir, la seule personne mentionnée comme « historien » étant le général Faivre, lui-même membre du HCR et proche de ces associations en même temps que signataire de la préface du Livre blanc de l’armée française en Algérie déjà cité.
La mémoire
Pour évoquer le passé, Michel Diefenbacher n’hésite pas à user d’une rhétorique qui rappelle les envolées des défenseurs de la politique coloniale sous la 3e République : « La France avait demandé à ses fils les plus intrépides d’assurer son rayonnement par-delà les mers : avec courage, avec enthousiasme, avec ténacité, ils l’ont fait. Les terres ont été mises en valeur, les maladies ont été combattues, une véritable politique de développement a été promue. » Il poursuit : « Aujourd’hui, ils attendent de la France qu’elle fasse à l’immense œuvre collective conduite outre-mer la place qui lui revient dans son Histoire. Ils attendent de leurs concitoyens français qu’ils prennent la mesure de l’héritage dont ils sont dépositaires et qu’ils le conservent avec tout le soin qu’il mérite. Ils attendent de l’État qu’il rétablisse la vérité, […] Cette volonté de savoir, de comprendre, de garder intact le souvenir, de maintenir vivante la présence du passé se double chez les plus jeunes d’un désir de retrouver et de promouvoir la “culture pied-noir”, cet ensemble de valeurs partagées sur lequel pourra peut-être se bâtir demain un nouvel espace méditerranéen. »
Il résume ainsi les « revendications des associations de rapatriés » :
l’exercice par le ministre de l’Éducation nationale d’un « droit de regard sur le contenu des manuels mis entre les mains des élèves et des maîtres » (rapport de la commission consultative),
un encouragement de l’État à la recherche historique sur l’action conduite outremer par la France et sur les conditions de l’accession de ces territoires et notamment de l’Algérie à l’indépendance,
la participation du monde associatif à cette réflexion, aux côtés des chercheurs, des historiens et des enseignants.
Regrettant que des livres scolaires fassent « trop souvent penser que la violence était d’un seul côté », il estime cette situation « choquante pour les rapatriés et incompatible avec la vérité historique » et propose de « créer au sein du ministère de l’éducation nationale un groupe de réflexion sur la place réservée à l’œuvre française outre-mer dans les manuels scolaires » (proposition n° 5).
Ce groupe est aussitôt constitué en novembre 2003, avant même le vote de la loi, associant, par le biais de la mission interministérielle aux rapatriés et du Haut conseil des rapatriés, le lobby pied-noir à l’Inspection générale de l’éducation nationale, pour modifier immédiatement les programmes scolaires, manuels scolaires et programmes de recherche universitaire. Dans Le Figaro du 11 mars 2004, le ministre Hamlaoui Mekachera déclare : « L’Éducation nationale devra se mettre au diapason. Il faudra rétablir la vérité des faits, mais sans fixer son regard sur la seule guerre d’Algérie. » Et le président d’alors de la mission interministérielle aux rapatriés Marc Dubourdieu : « Nous avons constitué un groupe de travail avec l’inspection générale. On prépare un colloque avec des chercheurs, éditeurs et rapatriés. Les inspecteurs ne sont pas fermés à cette évolution. Ils savent qu’il faut changer de point de vue parce que la société change. » Coïncidence ? Dans le manuel de géographie de classe de 5e des collège publié par Nathan en 2005, on trouve dans un chapitre sur la géographie sur l’Afrique un petit texte de l’auteur du manuel intitulé « Les effets positifs et négatifs de la colonisation » comportant quatre paragraphes consacrés à ces « effets positifs » et un dernier paragraphe plus nuancé.
La commémoration
Le rapport propose de « fixer au 5 décembre la date officielle de commémoration des victimes de la guerre d’Algérie » (proposition n° 8), et signale que les associations de rapatriés demandent que les victimes civiles – notamment celles de la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars 1962 – soient associées à cette commémoration.
Cette date de commémoration sera rapidement entérinée : dès le 17 septembre 2003, le conseil des ministres décidait que la « Journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord » aurait lieu le 5 décembre. Une décision officialisée ultérieurement par l’article 2 de la loi du 23 février 2005, en dépit de l’opposition des associations d’anciens combattants comme l’Arac et la Fnaca. Cette dernière – la plus importante association d’anciens combattants d’Algérie, avec 350 000 adhérents – n’hésite pas à qualifier de « ridicule » la date retenue, le 5 décembre renvoyant, non à un événement historique, mais au jour de 2002 où Jacques Chirac a inauguré le Mémorial national du quai Branly 16.
Examen du projet de loi à l’Assemblée puis au Sénat
Mars 2004 : le gouvernement dépose son projet de loi.
Mais suivons le parcours de cette loi, depuis son dépôt jusqu’à sa promulgation. Si la proposition de loi de mars 2003 n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée, un an plus tard, le 10 mars 2004, la ministre des armées Michèle Alliot-Marie dépose au nom du gouvernement un projet de loi (n° 1499) « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». On peut lire dans son exposé des motifs 17 :
Durant sa présence en Algérie, au Maroc, en Tunisie ainsi que dans les territoires anciennement placés sous sa souveraineté, les apports de la France ont été multiples dans les domaines scientifiques, techniques, administratifs, culturels et aussi linguistiques.
Des générations de femmes et d’hommes, de toutes conditions et de toutes religions, issus de ces territoires, comme de toute l’Europe, y ont construit une communauté de destin et bâti un avenir.
Grâce à leur courage, leur esprit d’entreprise et leurs sacrifices, ces pays ont pu se développer socialement et économiquement ; ils ont ainsi contribué fortement au rayonnement de la France dans le monde.
Reconnaître l’œuvre positive de nos compatriotes sur ces territoires est un devoir pour l’État français : ce sera notamment la vocation du Mémorial de la France d’Outre-Mer. […]
Pendant trop d’années, cette œuvre collective réalisée en Afrique du Nord et sur les autres continents a été niée ou ignorée et il est temps aujourd’hui de la reconnaître. C’est aussi un devoir de réconciliation envers cette partie du peuple français.
Le projet du gouvernement n’évoque pas de journée d’hommage et il n’aborde pas la question des programmes scolaires. Son article 1 se limite à :
La nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc et en Tunisie, ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.
Il n’est pas question à ce stade de « Fondation », sinon à propos des harkis : l’exposé des motifs évoque « une Fondation [qui] sera créée pour assurer la vérité de leur histoire », mais cela n’est pas repris dans le projet de loi.
A la commission de affaires culturelles de l’Assemblée
Le projet de loi commence son parcours parlementaire par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Christian Kert (UMP, Bouches-du-Rhône) en est le rapporteur ; il déposera son rapport 18 à l’Assemblée nationale le 8 juin 2004.
Cette fois, la liste des personnes auditionnées figure dans le rapport publié : toutes sont membres, soit du Haut conseil des rapatriés (HCR), soit du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (Clan-R) ; toujours un seul historien : le général Maurice Faivre 19, les autres étant des représentants des mêmes associations, Jeune pied-noir, le Cercle algérianiste, le Front national des rapatriés, l’Usdifra, etc. Toutes de « sensibilité algérianiste », contestant l’histoire de la colonisation enseignée aujourd’hui, favorables à la réhabilitation des anciens de l’OAS, etc. En revanche des associations représentatives d’autres sensibilités parmi les Français rapatriés, tel Coup de soleil, par exemple, ou d’associations de harkis ou d’enfants de harkis qui se désolidarisent du lobby pied-noir n’ont pas été consultées.
Le résultat est que la commission adopte un amendement (numéro 21) prévoyant que « les programmes scolaires et les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite 20 ». Et le rapporteur évoque longuement la création d’une Fondation pour l’histoire et la mémoire des Français rapatriés.
Vendredi 11 juin 2004 matin : débats à l’Assemblée21
À l’ouverture des débats, en première lecture, dans la matinée du vendredi 11 juin 2004, le ministre Hamlaoui Mekachera souligne que « ce texte est le point d’orgue d’une politique résolue et volontariste engagée en 1987 et 1994 et reprise dès après les élections de 2002 ».
Après avoir salué « le remarquable travail accompli par votre commission des affaires culturelles et par son rapporteur », il cède la parole à ce dernier. Christian Kert redit son « souci que les manuels scolaires tiennent compte de cette aventure humaine et l’inscrivent dans l’histoire de notre pays ». « En politique et en histoire, ajoute-t-il, il est des héritages auxquels il ne faut pas renoncer : l’œuvre française outre-mer est de ceux-là. » En conclusion il transmet l’avis « bien entendu » favorable de la commission.
La discussion générale est ouverte par des députés de gauche. Les députés socialistes présents (Gérard Bapt élu de Haute-Garonne, Jacques Bascou de l’Aude et Kléber Mesquida de l’Hérault) ainsi que François Liberti, député communiste de l’Hérault, expriment leur déception devant les « insuffisances » du texte. Mais Gérard Bapt assure que le groupe socialiste se déterminera « dans un état d’esprit positif ».
Francis Vercamer (député UDF du Nord) soutient avec enthousiasme ce texte « attendu avec impatience par la communauté pied-noire, dont nous avons entendu les aspirations ». Intervenant dans la discussion générale, Michel Diefenbacher affirme « la ferme volonté de la représentation nationale que l’histoire enseignée à nos enfants dans nos écoles garde intact le souvenir de l’épopée de la plus grande France et qu’elle dise la vérité sur ces hommes et ces femmes qui, partis les mains nues, avaient au fond du cœur la confiance et l’espérance des peuples qui n’avaient pas encore appris à douter d’eux-mêmes ».
Estimant que « l’histoire de France doit rappeler l’œuvre de la France outre-mer », Robert Lecou (UMP, Hérault) annonce qu’il défendra, « à l’article 1, des amendements tendant à exprimer cette reconnaissance et à favoriser la réhabilitation de la présence française en outre-mer, en lui donnant la place qu’elle mérite dans les programmes scolaires ». « Il nous faut écrire l’histoire et l’enseigner pour que les enfants de notre pays sachent que la France n’a pas été colonialiste mais colonisatrice, renchérit Lionnel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), qu’elle a transmis aux peuples les valeurs républicaines et formé leurs élites dirigeantes, dont certaines ont siégé dans cette enceinte avant d’être parfois admises à l’Académie française. » La France « n’a jamais asservi les peuples qu’elle a dirigés ». Il conclut : « Il n’est que temps d’affirmer notre fierté de l’œuvre accomplie. Le temps de la mauvaise conscience et de la repentance à quatre sous est terminé. »
Après les interventions d’autres députés, le ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, prend la parole pour déclarer sa « conviction qu’ensemble, nous allons pouvoir grandement renforcer ce projet de loi. En effet, la plupart des amendements de votre rapporteur pourront être retenus ».
Suit un débat sur une motion de renvoi en commission, déposée par le groupe socialiste. La motion est défendue par Kléber Mesquida qui commence sa longue intervention en saluant « tous nos compatriotes provenant de ces contrées où ils ont, tout comme leurs ancê-tres, contribué à l’œuvre civilisatrice de la France ». Il évoque avec émotion le souvenir de ses grands-parents, agressés et torturés il y a cinquante ans dans leur ferme algérienne, ainsi que le drame de la rue d’Isly à Alger où l’armée française ouvrit le feu sur une foule de civils qui « manifestait pacifiquement », à l’appel de l’OAS, le 26 mars 1962. Considérant que « ce texte n’est pas achevé. Il comporte des avancées, mais il est encore possible de l’améliorer », Kléber Mesquida conclut en demandant qu’il soit renvoyé en commission pour un nouvel examen. Il est soutenu par François Liberti au nom des communistes. La motion de renvoi est soumise au vote de l’assemblée : sur 42 suffrages exprimés, 4 pour l’adoption de la motion, et 38 contre. La motion n’est donc pas adoptée.
Vendredi 11 juin 2004 après-midi : poursuite des débats à l’Assemblée22
La séance reprend dans l’après-midi du vendredi 11 juin sous la présidence d’Éric Raoult. Jean-Pierre Soisson, député UMP de l’Yonne – dont on se souvient qu’il avait été élu président du conseil régional de Bourgogne avec l’appui du Front national -, prend la parole pour rendre un hommage posthume à Antoine Argoud, ancien de l’OAS : « Je viens d’apprendre le décès cette nuit, dans les Vosges, du colonel Antoine Argoud qui fut le chef de corps du troisième régiment de chasseurs d’Afrique et mon chef de guerre en Algérie. L’armée avait surnommé le Petit Prince ce soldat exceptionnel qui avait une connaissance sans pareil du terrain en Afrique. […] Je souhaite aujourd’hui, en votre nom à tous, avoir une pensée pour le très grand soldat qu’il fut 23. »
La discussion sur les articles s’engage entre le ministre, le rapporteur, et la vingtaine 24 de députés présents 25 dans l’hémicycle. Les amendements adoptés permettent de parvenir à la rédaction définitive de ce qui sera le second alinéa de l’article 1, ainsi que des articles 2 et 3 de la loi.
Vers 17 heures, après que Christian Kert ait présenté son amendement (numéro 21) comme une « proposition, qui répond à une demande formulée par de très nombreux parlementaires » et qui « devrait recueillir un large consensus », Christian Vanneste (UMP, Nord) propose deux sous-amendements (numéros 59 et 58) à cet amendement.
Le sous-amendement 59 précise que les programmes devront non seulement comporter l’histoire de la présence française outre-mer (c’est l’objet de l’amendement 21) et notamment en Afrique du Nord, mais ils devront faire connaître à tous les jeunes Français « le rôle positif » que la France a joué outre-mer. Christian Vanneste ajoute : « C’est d’ailleurs dans la ligne du fondateur de l’école publique, Jules Ferry, qui avait souhaité que la France fasse œuvre scolaire, éducative et sanitaire dans les pays d’Afrique ou d’Asie. »
Christian Kert rappelle que la commission avait repoussé ces deux sous-amendements, mais il ajoute : « à titre personnel, étant donné leur grand intérêt, je me rangerai à la position du gouvernement. » Le ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachéra, fait remarquer que « les rapatriés, et notamment les Harkis, sont en effet souvent légitimement émus de la manière dont sont traitées la présence française outre-mer et la guerre d’Algérie dans les manuels scolaires » et il termine en s’en remettant « à la sagesse de l’Assemblée ».
C’est un feu vert. Les deux sous-amendements de Christian Vanneste sont mis aux voix et adoptés à main levée, sans que personne ne se soit exprimé pour les combattre. L’article 4 a maintenant sa rédaction définitive.
Comment qualifier ce qui vient de se dérouler ? Ne faudrait-il pas parler de connivence, plutôt que d’inadvertance 26 ? Connivence entre un rapporteur qui amorce le processus avant d’en faciliter la conclusion, des députés de tous bords favorables sinon complices, un gouvernement qui a laissé filer l’affaire…
« Nous avons manqué de vigilance », admettra en novembre 2005 le président du groupe PS de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. « Kléber Mesquida, notre porte-parole dans la discussion, ne nous a fait remonter aucune alerte. » François Hollande déclarera, lui, que des socialistes ont voté « par inadvertance » l’article controversé d’origine UMP. Mais, peut-on véritablement parler d’inadvertance, dans le cas de Kléber Mesquida ? 27
C’est au cours de cette même journée qu’est voté, sans opposition, l’amendement créant « une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, […] avec le concours de l’État ». La lecture des débats de ce 11 juin 2004 laisse à penser que pour la plupart des députés présents la finalité de la Fondation a été bien exprimée par Cécile Gallez, députée apparentée UMP du Nord : « Aussi est-il nécessaire que les manuels scolaires accordent toute sa place à l’histoire de la France d’outre-mer, une histoire non pas tronquée et défigurée, mais complète et impartiale. Je me réjouis, par ailleurs, qu’une Fondation soit créée pour en assurer la vérité. »
Décembre 2004 : le projet de loi au Sénat.
Le projet de loi modifié par l’Assemblée nationale est transmis au Sénat. Son examen commence à la Commission des affaires sociales.
Comme Alain Gournac, sénateur UMP des Yvelines et rapporteur de la commission, le fait remarquer dans son rapport : « Le projet de loi a été sensiblement enrichi au cours du débat de première lecture à l’Assemblée nationale. » Un document réalisé par cette commission donne un tableau complet28 des modifications que l’Assemblée nationale a apportées au projet de loi. Les plus importantes sont des « enrichissements » du texte initial :
l’hommage aux combattants « morts pour la France » en Afrique du Nord est fixé au 5 décembre, et les victimes civiles y seront associées,
une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie est créée,
« les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».
En commission, Guy Fischer (PCF, Rhône) exprime son « désaccord de fond » avec plusieurs articles, et dit redouter que la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie ne serve à glorifier l’histoire coloniale de la France. Mais, suivant les recommandations de son rapporteur, la commission n’apporte que des modifications de détail au texte qui lui a été transmis.
Dans son rapport29, au nom de la commission des affaires sociales, après avoir répété que « les rapatriés, les harkis, les anciens combattants issus des colonies ont souvent eu le sentiment que leur rôle, dans l’histoire du pays, était négligé ou présenté de manière inéquitable », Alain Gournac « se félicite des initiatives prises par la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR) pour convaincre l’éducation nationale, mais aussi les éditeurs de manuels scolaires, d’accorder une place plus importante à l’enseignement de la présence française outre-mer dans les programmes scolaires. […] Il convient de donner à cette partie de l’histoire de notre pays la place qui lui revient et de la présenter de manière équilibrée, sans occulter ses parts d’ombre et de lumière ».
En séance publique, C’est Alain Gournac qui, le 16 décembre 2004, ouvre le débat au Palais du Luxembourg : « Dans le domaine de l’enseignement, l’Assemblée nationale a adopté un article tendant à reconnaître une place plus importante à l’histoire de la France d’outre-mer dans les programmes scolaires et les recherches universitaires, de manière à présenter cette histoire de manière plus équilibrée »30.
La seule contestation véritable du projet de loi émane du sénateur Guy Fischer. Voici de larges extraits de son intervention31 :
Il nous revient un article, qui impose d’intégrer l’histoire de la présence française en outre-mer dans les programmes scolaires, ainsi que dans les programmes de recherche universitaire. J’avoue avoir été profondément choqué par l’emploi des termes néocolonialistes et révisionnistes à l’Assemblée nationale, qui a adopté cet article inacceptable. Je fais allusion au débat, légitime, qui a eu lieu entre les parlementaires de différentes tendances, chacun faisant vivre sa vérité historique, comme je fais vivre la mienne.
Le comble, enfin, réside dans l’article 6, qui permet de procéder à l’indemnisation des personnes qui ont dû cesser leur activité professionnelle à la suite de condamnations liées aux événements d’Algérie ! Il ne s’agit rien moins que de finir de réhabiliter des activistes d’extrême droite, des tortionnaires, qui avaient fui à l’étranger avant d’être amnistiés ! Voir cela après m’être battu pour la reconnaissance de l’état de guerre en Algérie, je me crois revenu quarante ans en arrière. Je considère que c’est indigne de notre nation !
Ainsi, ce texte, qui aurait dû être une dernière loi d’indemnisation de victimes de guerre […] est devenu un cheval de Troie banalisant les guerres coloniales, un hymne à la présence prétendument civilisatrice de la France en Afrique. […]
Ainsi, tout en étant favorable à l’exercice plein et entier du droit à réparation envers les personnes rapatriées et harkies, leurs veuves et leurs descendants, tout en comprenant leur désarroi et leurs souffrances, je me vois contraint de voter contre un projet de loi qui ne correspond en rien aux valeurs dans lesquelles je me reconnais lorsqu’il est question de la politique qu’a menée la France.
Porte-parole du groupe socialiste, Gisèle Printz (Moselle) estime que « le projet de loi contient certaines dispositions qui méritent approbation, comme celles qui portent sur les programmes scolaires ». « D’autres, pour être positives, n’en demandent pas moins, à notre sens, d’être améliorées. Je pense notamment aux tout premiers articles du texte, en particulier à l’article qui prévoit la création d’une Fondation pour la mémoire. »32
Malgré le vote négatif des sénateurs communistes et socialistes, le Sénat adoptera le texte sous une forme très peu modifiée par rapport au texte qui lui avait été transmis. Les articles concernant la Fondation et l’enseignement sont votés sous la forme retenue par l’Assemblée nationale33. Il en est de même pour l’article qui prévoit d’indemniser certains anciens activistes de l’OAS. Ces articles ne seront donc plus soumis à discussion lorsque le projet de loi reviendra en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le 10 février 2005.
Février 2005 : l’aveu.
Le projet de loi revient à l’Assemblée nationale pour y être adopté sans modification, ainsi que Christian Kert le lui a recommandé au nom de la commission des affaires culturelles.
Au cours des débats34, Kléber Mesquida (PS, Hérault), François Liberti (PCF, Hérault) et Rudi Salles (UMP, Alpes-Maritimes), se battront jusqu’au bout pour essayer d’obtenir l’adoption d’un amendement qui « reconnaisse la qualité de “Morts pour la France” aux victimes de la rue d’Isly, le 26 mars 1962, à Alger »35. Ils n’obtiendront pas gain de cause, mais tous les espoirs leur sont permis, puisque le ministre, Hamlaoui Mekachera, leur a répondu : « Vous avez évoqué, messieurs Kert, Mesquida et Liberti, le drame de la rue d’Isly. […] J’ai demandé aux services du ministère de la Défense, en liaison avec les plus hautes juridictions administratives, d’étudier la question avec la plus grande attention. Vous serez bien entendu informés des suites qui seront données. »
Pour Michel Diefenbacher, s’exprimant au nom du groupe UMP :
« L’essentiel, c’est de rétablir, de proclamer et de transmettre la vérité sur l’extraordinaire aventure de la colonisation et sur la tragédie qui a marqué, pour tant de Français, la fin de l’Empire.
Il est de reconnaître l’œuvre accomplie par ces pionniers, ces bâtisseurs, ces ingénieurs, ces agriculteurs, ces hommes de loi, ces fantassins, ces médecins, ces enseignants que furent les colons ;
De reconnaître la souffrance de tous ceux, quelle que soit leur origine ou leur confession, qui avaient servi la France au moment des violences et du repli ;
De reconnaître l’obligation morale de respecter scrupuleusement la vérité historique et de la transmettre intacte aux générations futures ;
De reconnaître, enfin, le caractère inadmissible de la diffamation dont sont souvent victimes ceux qui ont assumé jusqu’au bout leur loyauté à l’égard de la France. »
Et il conclut par un aveu : « Lors de la campagne présidentielle de 2002, le candidat Jacques Chirac s’était engagé à parachever l’effort de solidarité envers les rapatriés et à rétablir la vérité sur l’œuvre conduite outre-mer par la France. »
Kléber Mesquida annonce que le groupe socialiste votera contre le texte parce qu’« il n’est pas complet, qu’il ne répond pas aux attentes de nos amis pieds-noirs et harkis et qu’il ne soldera pas le problème. Il continuera de faire saigner leur cœur, d’accentuer leur sentiment d’injustice face à une réparation incomplète. Nous ne pouvons pas cautionner cette loi, même si nous en reconnaissons les avancées, car elle aurait dû solder tous les contentieux et toutes les attentes. Si tel avait été le cas, nous aurions pu vous suivre ».
François Liberti, pour le groupe communiste, s’exprimera dans le même sens, après avoir rendu « hommage aux associations de rapatriés qui ont fait un remarquable travail de recherche et de proposition, lequel a été remis aux parlementaires de tous les groupes afin de les aider à donner tout son sens à cette loi ».
Avant même que la loi ne soit votée, Michel Diefenbacher manifeste sa satisfaction à la tribune de l’Assemblée : « Jamais le législateur n’avait pris position aussi clairement sur le sens à donner à l’histoire de la colonisation, sur le rôle positif joué par la présence française outre-mer, sur la volonté de la nation d’établir et de conserver la vérité sur ces pages de notre histoire, ainsi que sur l’engagement solennel de transmettre la connaissance exacte de ces événements. »
La majorité UDF et UMP lui étant largement favorable, la loi « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » est donc définitivement adoptée le jeudi 10 février 2005. Le Conseil constitutionnel ne sera saisi d’aucun recours. La loi est soumise à la signature du président de la République. Le président la promulgue en la signant le 23 février 2005.
La question de la Fondation
Début janvier 2006, le président de la République a fini par admettre que l’article 4 de la loi du 23 février 2005 « doit être réécrit ». Trois semaines plus tard, il n’était plus question de réécriture : le président a demandé au Conseil constitutionnel « de se prononcer sur le caractère réglementaire de cet article en vue de sa suppression ». Mais l’article 3 risque d’avoir des conséquences encore plus graves. Il menace la recherche en créant une « Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats d’Afrique du Nord », où le poids de l’État et celui des lobbies nostalgiques de l’Algérie française risquent d’être lourd. On notera qu’en janvier 2006, cet article est le seul dont le décret d’application n’est pas encore paru – le gouvernement semblant attendre que les « tensions » se soient apaisées 36.
- Rappelons quelques dates du printemps 2002 : élection présidentielle : au soir du 1er tour, le 21 avril, il ne reste que deux candidats Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac ; ce dernier est élu président de la République le 5 mai avec environ 82 % des suffrages exprimés ; Jean-Pierre Raffarin est nommé Premier ministre le 6 mai 2002 ; il restera en fonction jusqu’au 31 mai 2005 ; les élections législatives (1er tour le 9 juin, 2e tour le 16 juin) ont donné une majorité absolue à l’UMP (350 députés sur 577, contre 170 à l’opposition de gauche PCF-PS).
- Florence Beaugé, « Torturée par l’armée française en Algérie, “Lila” recherche l’homme qui l’a sauvée », Le Monde, 20 juin 2000.
- Paru dans l’Humanité du 31 octobre 2000 et signé par Henri Alleg, Josette Audin, Simone de Bollardière, Nicole Dreyfus, Noël Favrelière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Madeleine Rebérioux, Laurent Schwarz, Germaine Tillon, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, il dit notamment : « Pour nous, citoyens français auxquels importe le destin partagé des deux peuples et le sens universel de la justice, pour nous qui avons combattu la torture sans être aveugles aux autres pratiques, il revient à la France, eu égard à sa responsabilités, de condamner la torture qui a été entreprise en son nom durant la guerre d’Algérie. »
- En particulier : Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Gallimard, 2001 ; Sylvie Thénault, Une Drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, préface de Jean-Jacques Becker, postface de Pierre Vidal-Naquet, La Découverte, 2001.
- Paul Aussaresses, Services spéciaux, Algérie 1955-1957, Plon-Perrin, 2001.
- Suite à la plainte déposée par la Ligue des droits de l’Homme, qui s’est constituée partie civile, à laquelle se sont joints le MRAP et l’ACAT, et au procès qui s’est tenu du 26 au 29 novembre 2001 devant le tribunal correctionnel de Paris, le général Aussaresses et ses deux éditeurs ont été condamnés le 25 janvier 2002 pour apologie de crimes de guerre, le premier devant payer 7 500 euros d’amende et les deux éditeurs chacun 15 000 euros. La condamnation a été confirmée en appel.
- Livre blanc de l’armée française en Algérie, ouvrage collectif, Contretemps, 2002.
- Communiqué du Premier ministre du 2 avril 2003.
- Décret n° 2002-902 du 27 mai 2002, NOR : PRMX0200097D.
- Décret n° 2002-1479 du 20 décembre 2002, NOR : PRMX0206163D.
- Né en 1947, Michel Diefenbacher est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, et ancien élève de l’ENA (1972-1974). Il a démarré sa carrière en Polynésie française, avant d’être préfet dans plusieurs départements de l’Hexagone puis préfet de région. Pressenti pour être directeur de campagne du candidat Jacques Chirac à l’élection présidentielle, il avait décliné l’offre. Il est actuellement président du conseil général du Lot-et-Garonne.
- Source : http://www.archives.premier-ministre.gouv.fr/raffarin_version1/fr/ie4/contenu/39266.htm.
- Proposition de loi, n° 667, visant à « la reconnaissance de l’œuvre positive de l’ensemble de nos concitoyens qui ont vécu en Algérie pendant la période de la présence française ». La première mention dans la presse de cette proposition de loi se trouve dans Le Monde du 17 mai 2003 où on peut lire qu’« une centaine de députés UMP s’apprêtent à déposer une proposition de loi ».
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/034000593/index.shtml.
- Lettre de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, du 30 mai 2005 au député de la Gironde Noël Mamère.
- Le Monde, 19 septembre 2003.
- Le projet de loi (format PDF) : http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/projets /pl1499.pdf.
- Au format PDF : http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rapports/r1660.pdf.
- Dans le Livre blanc de l’armée française en Algérie, op. cit., le général Maurice Faivre dénonce, par exemple, les « faux témoignages » recueillis par des journalistes sur la torture pratiquée par l’armée française et ajoute qu’Henri Alleg « n’a jamais été torturé. Il a reçu une paire de claques et cela a suffi pour qu’il donne tous ses copains… ».
- Le débat en commission autour de cet amendement est évoqué à partir de la page 25 du rapport de Christian Kert. Cet amendement avait été soumis à la commission sous deux formes identiques (avec les n° 21 et 36) ; on peut donc considérer qu’ila été cosigné par les 43 députés suivants : MM. Kert, Domergue, Mme Gallez, et MM. Diefenbacher, Chassain, Colombier, Cortade, Cova, Cugnenc, Delnatte, Domergue, Dosne, Dupont, Fenech, Feneuil, Flory, Mmes Gallez, Joissains-Masini, Lévy, Martinez, Tabarot, MM. Giran, Giro, Giscard d’Estaing, Grand, Guibal, Heinrich, Jeanjean, Lecou, Leonetti, Luca, Mach, Mourrut, Roubaud, Roustan, Simon, Spagnou, Teissier, Vanneste, Vitel, Dell’Agnola et Mallié (voir la page 4 du cahier des amendements déposés (format PDF) : http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/cri/2003-2004/cahiers/c20040254.pdf).
- Le compte rendu des débats du vendredi matin :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2003-2004/20040253.asp. - Le compte rendu des débats du vendredi après-midi :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2003-2004/20040254.asp. - Le colonel Antoine Argoud (1914-2004) est un ancien chef d’état-major du général Massu à Alger. Interprétant le combat mené par la France comme un « épisode de la lutte entre le monde communiste et le monde occidental », Argoud, qui invoque de manière récurrente sa fidélité à la « conscience chrétienne », privilégie l’action psychologique. Pour savoir ce que recouvre cette expression on peut se reporter à nouveau à ses Mémoires, dans lesquelles il vante les bienfaits des exécutions sommaires pour le bien de la « pacification ». Après l’échec du putsch des généraux d’avril 1961 dont il a été est un des instigateurs, Argoud participe aux dernières actions de l’OAS. Le 30 décembre 1963, la Cour de sûreté de l’État le condamne à la détention criminelle à perpétuité. Il bénéficie de l’amnistie du 15 juin 1968. (D’après Le Monde, 13 juin 2004.)
- Les députés qui ont pris part au débat du vendredi après-midi sont : UMP : Roland Chassain (Bouches-du-Rhône), Patrick Delnatte (Nord), Michel Diefenbacher (Lot-et-Garonne), Jacques Domergue (Hérault), Georges Fenech (Rhône), Louis Giscard d’Estaing (Puy-de-Dôme), Jean-Pierre Grand (Hérault), Emmanuel Hamel (Nord), Christian Kert (Bouches-du-Rhône), Robert Lecou (Hérault), Jean Léonetti (Alpes-Maritimes), Éric Raoult qui présidait la séance, Yves Simon (Allier), Jean-Pierre Soisson (Yonne) qui a profité de la tribune pour rendre un hommage posthume au colonel Argoud, Daniel Spagnou (Alpes-de-Haute-Provence), Christian Vanneste (Nord), Francis Vercamer (Nord) ; PS : Jacques Bascou (Aude), Kléber Mesquida (Hérault) ; PCF : François Liberti (Hérault).
- D’après Le Monde, 13 décembre 2005.
- Le Monde, 11 décembre 2005.
- Voir plus bas : « La responsabilité des politiques ».
- Au format PDF : http://www.senat.fr/rap/l04-104/l04-104.pdf.
- Format PDF : http://www.senat.fr/rap/l04-104/l04-1041.pdf.
- Le compte rendu des débats au Sénat : http://www.senat.fr/seances/s200412/s20041216s20041216001.html#SOM2.
- Source : http://www.senat.fr/seances/s200412/s20041216/s20041216001.html#par_147.
- Gisèle Printz a ajouté aux revendications exprimées par les associations de harkis et de rapatriés celle de voir siéger, dans la Fondation, des historiens et des témoins directs des événements. Elle a ajouté qu’il serait souhaitable de réunir Français et Algériens autour de ce travail de mémoire en signe de réconciliation.
- Voir http://www.senat.fr/seances/s200412/s20041216/s20041216005.html.
- Le compte rendu des débats : http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2004-2005/20050146.asp .
- Voir l’amendement n° 21 (format PDF) : http://www.assemblee-nationale.fr/12/ pdf/cri/2004-2005/cahiers/c 20050146.pdf. La troisième rectification de cet amendement a été rejetée par 23 voix contre 9 (ce qui permet de dire sans grand risque d’erreur que le nombre des députés qui ont participé à ce débat ne doit pas dépasser de beaucoup la trentaine).
- Au sujet de cette fondation, lire : 1116.