La question de la création en France d’un tel musée est entrée dans le débat public depuis une vingtaine d’années, lors de la fermeture en 2003 de l’ancien Musée des colonies créé en 1931 et devenu en 1960 le Musée national des arts africains et océaniens, à Paris, dans le 12ème arrondissement. L’idée d’en faire un musée de l’histoire du colonialisme avait alors été lancée. Elle a été écartée au profit de la création en 2007 d’une Cité nationale de l’histoire de l’immigration, devenue en 2012 le Musée de l’histoire de l’immigration (MHI), qui présente depuis 2023 une belle exposition permanente.
Elle a resurgi en 2011 à propos de l’avenir du bâtiment du ministère de la Marine, rue Royale, qui ferme la place de la Concorde à Paris et fut longtemps le ministère de la Marine et des colonies. Mais cette idée défendue dans une tribune publiée dans Le Monde le 18 janvier 2011 a été elle aussi écartée au profit d’un choix faisant la part belle aux installations commerciales tout en accordant depuis 2021 un petit espace au siège de la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage (FME).
Le 15 avril 2021, une tribune pour la création d’un musée national de l’Histoire de la colonisation à l’initiative des élu.e.s Génération.s, de chercheur.e.s, historien.ne.s et militant.e.s engagé.e.s contre les discriminations a été publiée par Libération et Mediapart.
Le 30 octobre 2023, Nicolas Bancel et Pascal Blanchard ont publié dans Le Monde une nouvelle tribune sur ce sujet que nous reprenons ci-dessous en la faisant suivre de deux réactions. Celle de Jacques Vénuleth, qui anime le groupe de travail Musée du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et les réflexions sur ce point de Gilles Manceron, membre de l’équipe du site histoirecoloniale.net.
« La question du passé colonial est le dernier “tabou” de l’histoire de France des XIXᵉ et XXᵉ siècles »
par Nicolas Bancel et Pascal Blanchard, publié dans Le Monde le 30 octobre 2023.
Les deux historiens Nicolas Bancel et Pascal Blanchard plaident pour la création d’un musée des colonisations, comme il en existe dans d’autres pays européens, qui permettrait de relativiser les mémoires antagonistes et d’intégrer à l’histoire des millions de personnes qui s’en sentent exclues.
Nicolas Bancel et Pascal Blanchard sont historiens (université de Lausanne), et ils ont codirigé Histoire globale de la France coloniale (Philippe Rey, 2022). Pascal Blanchard est également codirecteur de l’agence de communication et de conseil « Les bâtisseurs de mémoire ».
L’histoire coloniale est désormais à l’agenda des débats publics. Et si les débats sont très polarisés – entre les tenants d’une vision nostalgique du passé et les apôtres du déclin (de plus en plus entendus, comme le montre la onzième vague de l’enquête « Fractures françaises ») et les décoloniaux les plus radicaux qui assurent que notre contemporanéité est tout entière issue de la période coloniale –, plus personne en vérité ne met aujourd’hui en doute l’importance de cette histoire longue, en France, de cinq siècles.
Loin des conflits mémoriaux des extrémistes, l’opinion semble partagée entre regarder en face ce passé ou maintenir une politique d’amnésie, dont les débats qui accompagnèrent les deux décrets de la loi de 2005 sur les « aspects positifs de la colonisation » furent le dernier moment d’acmé. Vingt ans après, les politiques publiques sur le sujet sont marquées par… l’absence de traitement collectif de ce passé, dont l’impossible édification d’un musée colonial en France est le symptôme, au moment même où va s’ouvrir la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.
Si l’histoire coloniale n’est pas à l’origine de l’entièreté de notre présent, ses conséquences contemporaines sont pourtant évidentes. De fait, les récents événements au Niger, au Mali et au Burkina Faso signent, selon Achille Mbembe, la « seconde décolonisation », et sont marqués par les manifestations hostiles à la France qui témoignent bien d’un désir de tourner la page des relations asymétriques avec l’ancienne métropole. En vérité, malgré les assurances répétées de la volonté des autorités françaises d’en finir avec la « Françafrique », les actes ont peu suivi les mots, et la page coloniale n’a pas véritablement été tournée.
Relation toxique
La France souffre aussi d’une relation toxique avec les immigrations postcoloniales et les quartiers populaires, devenus des enjeux politiques centraux. Or, comment comprendre la configuration historique de ces flux migratoires sans revenir à l’histoire coloniale ? Comment comprendre la stigmatisation dont ces populations souffrent sans déconstruire les représentations construites à leur encontre durant la colonisation ?
Nous pourrions multiplier les exemples – comme la volonté de déboulonner les statues symboles du passé colonial, le souhait de changer certains noms de nos rues, les débats autour des manuels scolaires… – et rappeler qu’à chaque élection présidentielle la question du passé colonial revient à la surface. C’est très clairement le dernier « tabou » de l’histoire de France des XIXe et XXe siècles.
Ces questions, la France n’est pas seule nation à se les poser. La plupart des anciennes métropoles coloniales européennes sont engagées dans une réflexion et dans une réelle dynamique. En Belgique, le poussiéreux Musée de Tervuren, autrefois mémoire d’une histoire coloniale chloroformée, a fait peau neuve en devenant l’AfricaMuseum. Complètement rénové, il accueille aujourd’hui une programmation ambitieuse sur la période coloniale et ses conséquences. Une commission d’enquête nationale (transpartisane) a par ailleurs questionné le passé colonial.
En France, le silence
En Allemagne, outre le fait que les études coloniales connaissent un développement remarquable, plusieurs expositions ont mis en exergue l’histoire coloniale du pays. Ainsi le Münchner Stadtmuseum a-t-il proposé une exposition intitulée « Decolonize München » et le Musée national de l’histoire allemande de Berlin consacré une exposition temporaire au colonialisme allemand en 2017. Et, si le Humboldt Forum, au cœur de Berlin, fait débat pour son traitement du passé colonial et la présentation des collections provenant du Musée ethnologique de Berlin, la question coloniale est à l’agenda des débats publics de la société allemande, comme en témoigne la reconnaissance officielle du génocide colonial en Namibie.
En Angleterre, le British Museum consacre une partie de son exposition permanente à cette histoire, alors que l’esclavage colonial est présenté à l’International Slavery Museum à Liverpool. Aux Pays-Bas, le Tropenmuseum, après avoir envisagé de fermer ses portes en 2014, est devenu un lieu de réflexion sur le passé colonial et un musée en première ligne sur la restitution des biens culturels. Au Danemark, en Suisse (où l’exposition « Helvécia. Une histoire coloniale oubliée » a ouvert ses portes voici un an au Musée d’ethnologie de Genève, et où le Musée national suisse a programmé en 2024 une exposition consacrée au passé colonial suisse), au Portugal ou en Italie, le débat s’installe autour de l’hypothèse d’une telle institution et, s’il est vif, il existe. Et en France ? Rien. Le silence…
Pourtant, le mandat d’Emmanuel Macron faisait espérer à beaucoup d’observateurs un changement de posture. Quoi que l’on pense de cette déclaration, le futur président de la République avait déclaré le 15 février 2017 à propos de la colonisation : « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face. »
Notre pays est à la traîne
Puis, durant son mandat, se sont succédé les commissions d’historiens sur des aspects de la colonisation – avec deux commissions pilotées par Benjamin Stora entre 2021 et 2023, l’une sur les relations France-Algérie durant la colonisation, l’autre sur la guerre d’Algérie ; et une autre commission sur la guerre au Cameroun, présidée par Karine Ramondy et lancée en 2023 – qui faisaient suite au travail engagé en 2016 autour des « événements » aux Antilles et en Guyane (1959, 1962 et 1967) ou la commission sur les zoos humains (« La mémoire des expositions ethnographiques et coloniales ») en 2011 ; alors qu’était interrogée parallèlement la relation de la France à l’Afrique avec la programmation Africa 2020 et la création de la Fondation de l’innovation pour la démocratie confiée à Achille Mbembe en 2022. En outre, le retour des biens culturels pillés lors de la colonisation faisait également l’objet en 2018 d’un rapport détaillé, piloté par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.
Mais aucun projet de musée d’envergure – à l’exception de ceux d’un institut sur les relations de la France et de l’Algérie à Montpellier redonnant vie à un vieux serpent de mer et d’une maison des mondes africains à Paris – n’est venu concrétiser l’ambition de regarder en face le passé colonial de France, aux côtés du Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) qui s’attache à l’histoire de l’esclavage, des traites et des abolitions… mais se trouve actuellement en crise en matière de dynamique et de programmation.
Situation extraordinaire : en France, le débat sur l’opportunité d’un musée colonial n’existe tout simplement pas, alors que la production scientifique, littéraire et cinématographique s’attache de manière croissante à ce passé. Notre pays est ainsi désormais à la traîne des initiatives des autres ex-métropoles coloniales en ce domaine. Comme si, malgré les déclarations et bonnes intentions, le tabou persistait.
Repenser le roman national
Pourtant, des millions de nos concitoyens ont un rapport direct avec ce passé : rapatriés, harkis, ultramarins, soldats du contingent – et les descendants de ces groupes. De même, ne l’oublions pas, les Français issus des immigrations postcoloniales, flux migratoires qui deviennent majoritaires au cours des années 1970. On nous répondra : mais ces groupes n’ont pas la même expérience ni la même mémoire de la colonisation !
C’est précisément pour cela qu’il faut prendre à bras-le-corps la création d’un musée des colonisations, qui sera un lieu de savoir mais aussi d’échanges, de débats, de socialisation de cette histoire. Un lieu majeur qui permettra de relativiser les mémoires antagonistes des uns et des autres, d’éviter la polarisation mortifère actuelle entre les nostalgiques fanatiques et les décoloniaux radicaux, mais aussi d’intégrer à l’histoire les millions de personnes qui s’en sentent exclues. Une manière de mettre les choses à plat, pour tourner véritablement la page.
De toute évidence, l’histoire coloniale est une page majeure de notre histoire, et l’on doit désormais repenser notre roman national à l’aune de la complexité du passé et d’un récit qui touche dans leur mémoire familiale des millions de familles françaises. Ce n’est pas là la lubie de « sachants » voulant valoriser les connaissances accumulées. Les enjeux sont, on le voit, bien plus amples.
Mais comment concevoir ce musée ? Ce n’est pas à nous d’en décrire ici les contours… Mais on peut l’imaginer comme un carrefour de l’histoire de France et de l’histoire du monde, ouvert aux comparaisons transnationales, à tous les récits sur cinq siècles d’histoire, ouvert à toutes les mémoires et à inventer en collaboration avec la quarantaine de pays et de régions ultramarines qui en sont parties prenantes. Un musée qui mettrait la France à l’avant-garde de la réflexion mondiale sur le sujet, dans une optique résolument moderne, et permettrait de mettre en perspective et en récit les politiques actuelles de retour des biens coloniaux pillés et des restes humains encore présents dans nos musées.
Allons-nous, à nouveau, manquer ce rendez-vous avec l’histoire, alors que dans le même temps s’ouvre la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, installée dans le château de François Ier avec « 1 600 m² d’expositions permanentes et temporaires ouvertes au public, un auditorium de 250 places, douze ateliers de résidence pour des artistes… », dotée de plus de 200 millions d’investissements ? Si nous sommes capables d’édifier cette cité, nous devons imaginer ce musée. Sinon, la page coloniale ne pourra être tournée.
La réaction de Jacques Vénuleth, pour le groupe de travail Musée du Mrap
Il est grand temps d’affronter collectivement cette question d’un musée du colonialisme
point de vue envoyé par Jacques Vénuleth au site histoirecoloniale.net
Pour ce qui est de la création d’un musée de l’histoire du colonialisme, cet article de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel nous dit tout : la nécessité d’une telle initiative hier comme aujourd’hui, les espoirs, les opportunités et au final les ratés. Maintenant que tout est dit sur ce qui aurait dû se faire et ne s’est pas fait, comment sortir de ce blocage.
On peut trouver un début de réponse chez ces mêmes auteurs dans un ouvrage publié une première fois en 2003, avec en outre Françoise Vergès, La république coloniale (La Découverte, repris ensuite chez Hachette, Collection Pluriel). Ils faisaient déjà ce constat : « L’échec des tentatives de socialisation de la mémoire coloniale est aujourd’hui avéré », et ils développaient en ces termes : « Les savoirs accumulés depuis plus de 40 ans sur la colonisation et le colonialisme (plus de 200 ouvrages universitaires ou non par an, dans les domaines les plus divers) ne font pas l’objet d’un travail de socialisation et n’ont donc qu’un impact très limité sur la construction d’un savoir collectif. La socialisation d’une mémoire coloniale dépend en effet moins du travail des historiens que de celui des institutions qui pourraient véhiculer ces savoirs et des différentes médiations à même de transmettre la mémoire de la colonisation. »
C’était donc il y a exactement 20 ans, et aujourd’hui l’historienne Camille Lefebvre peut reprendre en écho dans une interview parue dans Le Monde et Mediapart :
« La réponse ne se trouve ni dans la transformation des programmes scolaires, ni dans l’enseignement, ni dans une énième commission ou dans le travail des historiens et des historiennes, tout cela a déjà été fait et bien fait. La question est que nous décidions collectivement d’affronter cette question. »
Prendre le relai et trouver un lieu
Ce qui reste à faire est donc clair. A notre tour, associations, syndicats, politiques, de nous saisir de la question, de reprendre en quelque sorte le flambeau, de prolonger le travail des historiens. Certaines choses ont certes déjà été faites, mais il faut le reconnaître, assez timidement. Un nouvel élan est indispensable.
Au Mrap, nous avons décidé de prendre notre part, d’abord avec une lettre ouverte adressée au Président de la République, ensuite et surtout avec une exposition pouvant servir de support à la mise en place de débats sur la nécessité de cette création d’un musée. Nous proposons dès maintenant cette exposition à toutes les structures qui souhaitent l’utiliser, elle peuvent nous contacter à l’adresse .
Une deuxième remarque concerne la localisation éventuelle de ce futur musée.
On comprend à la lecture de l’article dans Le Monde que l’installation en 2007 d’un Musée de l’Immigration dans l’espace monumental du Palais de la Porte Dorée a été décidée pour éviter que, suite à la disparition du Musée des arts africains et océaniens, « certains réclament que ce lieu devienne un musée d’histoire coloniale ».
Il est peut-être temps de corriger aujourd’hui cette ruse politicienne, en faisant du Palais de la Porte Dorée ce qu’il aurait dû être dès ce moment, c’est-à-dire le cadre d’un musée du colonialisme.
« C’est un lieu parfait pour parler colonisation » reconnaissait d’ailleurs dans une interview M. Pap Ndiaye lui-même.
Le Musée national de l’Histoire de l’immigration quant à lui doit pouvoir trouver un lieu central parisien digne de son remarquable nouveau programme, en échappant enfin au piège de ce cadre colonial, qui laisse à penser qu’il n’y a d’immigration que celle issue des anciennes colonies.
Les réflexions de Gilles Manceron de l’Association Histoire coloniale et postcoloniale
Les demandes se multiplient en France pour que l’attention soit davantage portée sur la période coloniale de notre histoire qui a en grande partie façonné notre société d’aujourd’hui. L’existence d’un musée consacré aux crimes et aux phénomènes divers qui l’ont marquée serait un moyen de faire en sorte qu’une attention plus grande lui soit portée et qu’un travail collectif puisse se faire en France sur ses héritages.
L’Association Histoire coloniale et postcoloniale qui gère ce site histoirecoloniale.net fait partie de ceux qui soutiennent cette demande, avec d’autres associations comme le Mrap et la Ligue des droits de l’Homme.
Partageons-nous entièrement les points de vue défendus par Nicolas Bancel et Pascal Blanchard ainsi que ceux du groupe de travail Musée du Mrap ?
Dans le texte des premiers, on relève une approximation sur « les deux décrets de la loi de 2005 sur les « aspects positifs de la colonisation », qui vise, non pas « deux décrets », mais en réalité une loi votée sous la présidence de Jacques Chirac et que notre site a analysée à ce moment et contre laquelle il s’est fortement mobilisé. Le soucis des apparitions médiatiques éloigne parfois les auteurs de cette tribune, dont le travail doit être reconnu, de la rigueur qui est nécessaire dans l’approche précise de ces questions.
Ils brossent, par ailleurs, un tableau trop idyllique de ce qui a été entrepris dans ce domaine en Allemagne ou en Belgique, sur lequel notre site a reproduit des analyses plus nuancées. Mais leur demande est juste. Et c’est une demande qui est partagée par Jacques Vénuleth et par le groupe de travail Musée du Mrap.
Où installer un tel musée ?
Reste la question de la localisation de ce musée. Le Palais de la Porte Dorée, l’ancien Palais des colonies construit au moment de l’exposition coloniale de 1931 et qui abrite actuellement l’aquarium tropical et le Musée de l’histoire de l’immigration (MHI), est un bâtiment conçu tout entier comme une œuvre de propagande à la gloire du projet colonial.
Il faudrait que cela soit mieux expliqué à ses visiteurs. Que son mur ouest gravé aux noms des conquérants coloniaux, presque tous antérieurs à la Révolution française, soit davantage mis en exergue et commenté. Comme l’explique une brochure diffusée par le MHI, ce bâtiment et plus particulièrement sa façade ouest constitue un éloge des guerres coloniales et un véritable défi au Panthéon républicain qui a accueilli au contraire des adversaires déclarés du colonialisme.
Il faut aussi que la statue de la France impériale qui se dressait triomphalement à l’entrée du Palais des colonies et qui a été déplacée ensuite, et qui est à l’origine de l’appellation « Porte Dorée » de l’ancienne « Porte de Vincennes », soit expliquée pour ce qu’elle est : une allégorie de la France impériale et de ses conquêtes coloniales, et non pas présentée comme une prétendue « statue d’Athéna ».
Mais ce caractère d’affiche de propagande en faveur du colonialisme que possède ce bâtiment, qui rassemble, certes, des bas-reliefs et des peintures murales non dépourvues de qualités artistiques et qui ont acquis une valeur patrimoniale, le désigne-t-il pour accueillir le musée que nous souhaitons ?
Ce lieu étant symbolique, ne faudrait-il pas plutôt imaginer, sur les terrains du Bois de Vincennes appartenant à la Ville de Paris qui lui font face, un autre bâtiment neuf en regard de ce vieux Palais de la propagande coloniale ?
Par exemple, à proximité de ce scandaleux monument à la Mission Marchand qu’il faudrait décrypter, expliquer aux visiteurs. Et peut-être aussi confronter à une œuvre contemporaine accusatrice qui pourrait lui être juxtaposée.
Un débat à poursuivre
Et comment dénommer ce musée ? Faudrait-il que ce soit un « musée colonial » ou un « musée des colonisations », comme le réclame cette dernière tribune dans Le Monde, ou plutôt, comme le demande le Mrap, un « musée du colonialisme » ? Nous plaidons quant à nous pour un « Musée de l’histoire du colonialisme ».
Bien des choses restent à réfléchir et à débattre. Plusieurs ouvrages importants, films et séries télévisés sont parus ces dernières années, en particulier de nombreux chercheurs ont participé au livre important dirigé par Pierre Singaravélou et intitulé Colonisations. Notre histoire, paru en 2023 aux éditions du Seuil. Des publications sur internet comme les revues Orient XXI ou Afrique XXI jouent un rôle important dans cette réflexion.
Tous les historiens du fait colonial, pas seulement les deux auteurs de cette tribune parue dans Le Monde, toutes les associations qui se posent aujourd’hui la question des traces du racisme colonial dans notre présent ont leur place dans la réflexion collective qui est nécessaire.
Gilles Manceron, membre de l’équipe du site histoirecoloniale.net
Lire aussi sur notre site l’article d’Alain Ruscio
Monuments et statues du temps des colonies dans la capitale
30 septembre 2017
Alain Ruscio recense dans cet article les principales traces architecturales du passé colonial dans la capitale. Plusieurs de ces monuments et statues datent de l’Exposition coloniale de 1931. A cette occasion, tout le quartier populaire à la lisière du Bois de Vincennes, dans l’est de Paris, a été remodelé. De nouvelles artères ont été créées, des édifices nouveaux érigés, dont le Palais des colonies, place de la Porte dorée, devenu Musée d’histoire de l’immigration. C’est précisément cette institution qui a publié une brochure de Gilles Manceron, Traces de l’Histoire coloniale dans le 12e arrondissement de Paris 1, qui le complète sur plusieurs points et dont nous reproduisons la description de la façade ouest du musée.