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Édition du 1er au 15 décembre 2024
Abdoulaye Wade, Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Bockel et Rama Yade, à Dakar, le 26 juillet 2007.

et s’il n’en reste qu’un, Jean-Marie Bockel sera celui-là

Le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar sur «l'homme africain» jugé étranger à «l'idée de progrès» continue à être très mal reçu en Afrique. «Se peut-il qu'il n'ait pas compris à quel point nous nous sommes sentis insultés?», lance l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop. «D'un point de vue rigoureusement politique, son discours est une faute. Il ne tardera pas à s'en rendre compte: les Africains et les nègres de la diaspora ne le lui pardonneront jamais», souligne-t-il. Vous trouverez ci-dessous, à titre de document, l'appui que Jean-Marie Bockel a cru devoir renouveler aux thèses de Nicolas Sarkozy3
Abdoulaye Wade, Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Bockel et Rama Yade, à Dakar, le 26 juillet 2007.
Abdoulaye Wade, Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Bockel et Rama Yade, à Dakar, le 26 juillet 2007.

L’avenir de l’Afrique appartient d’abord aux Africains

par Jean-Marie Bockel

Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes

chargé de la Coopération et de la Francophonie
1

Le « discours de Dakar » fait débat. Voilà plus d’un mois que l’on parle de l’Afrique avec passion, à Paris, à Dakar, à Pretoria… Journalistes, intellectuels, historiens, simples citoyens, hommes politiques, chacun, avec ses mots, son vécu, ses opinions, réagit, explique, développe. Bref, l’Afrique interroge, passionne, interpelle. Enfin !

Premier résultat, et non des moindres : le continent africain est de nouveau à l’ordre du jour.

Depuis l’intervention du président de la République, l’Afrique est sortie du cénacle technocratique des « bailleurs de fonds » pour s’inviter à la grande table du débat populaire. En choisissant à dessein de parler librement, Nicolas Sarkozy a libéré la parole. L’avenir de l’Afrique, son histoire, ses défis, l’état de nos relations, autant de questions débattues aujourd’hui dans chacune de nos capitales. Prenons acte de ce retour de l’Afrique dans le débat d’idées. C’est en soi une très bonne nouvelle.

Sur le fond, que reproche-t-on au président de la République ? D’avoir nié la responsabilité de l’« homme blanc », du colonisateur ? Les propos tenus à Dakar sont tout sauf ambigus : la traite négrière et l’esclavage y sont qualifiés de « crimes contre l’homme, de crimes contre l’humanité ». Et dans sa condamnation des effets pervers de la colonisation, le président a eu aussi des mots très forts, là encore dénués de toute ambiguïté : « Il y a eu des fautes, il y a eu des crimes. » Des voix se sont également élevées pour dénoncer « une certaine vision essentialiste de l’Afrique ». Vision infantilisante qui priverait l’homme africain du droit à la raison et en ferait « un homme à part ».

Une lecture moins sélective aurait peut-être permis de mieux comprendre les propos du président, qui a, au contraire, récusé ces amalgames d’un autre âge. Je cite : « Le drame de l’Afrique ne vient pas de ce que l’âme africaine serait imperméable à la logique et à la raison. Car l’homme africain est aussi logique et raisonnable que l’homme européen. » Pour qui a suivi de près le débat en Afrique, à travers la presse, mais également sur Internet, il est frappant de constater combien le « discours de Dakar » a suscité de réactions parmi les jeunes. Beaucoup d’entre eux se sont fait l’écho, pour s’en féliciter, de ce qui est au fond l’essentiel du message du président : l’avenir de l’Afrique appartient d’abord aux Africains. C’est à eux, et à eux seuls, qu’il appartient de décider librement de l’avenir qu’ils entendent bâtir. Ce message ne contrevient nullement à l’obligation de solidarité qui est la nôtre. Mais cette solidarité ne pourra s’exercer convenablement et efficacement que sur la base de choix clairs et assumés par les Africains eux-mêmes. Ce message est aussi un témoignage de respect. Il renverse la logique pernicieuse, mais communément admise, d’un avenir radieux qui ne dépendrait que de l’extérieur. Avec les meilleures intentions du monde, cette logique condamne l’Afrique et les Africains à toujours attendre le salut d’un improbable ailleurs.

Ce message volontariste et responsable est à la hauteur de la confiance que place le président français dans la capacité des Africains, et notamment de la jeunesse, à faire bouger les lignes.

Ce message, enfin, est en phase avec les aspirations les plus profondes du continent africain. J’ai pu le constater lors de chacun de mes déplacements  : ce n’est pas de la charité ou de la compassion qu’attendent de nous les Africains. Ce que veut l’Afrique, ce que veut sa jeunesse, c’est d’abord et avant tout trouver sa place et que sa vitalité puisse s’exprimer à travers des formations de qualité, des emplois décents, des responsabilités à tous les niveaux.

Et la France dans tout ça ? Là encore, quelques grands principes d’action et de méthode, malheureusement le plus souvent passés sous silence, ont été proposés par Nicolas Sarkozy à Dakar. Ce sont ces principes que j’entends mettre en oeuvre avec Bernard Kouchner dans le cadre d’une politique de coopération rénovée. Quels sont-ils ?

D’abord, l’Afrique se doit d’agir collectivement pour assurer la paix et mettre fin au cycle infernal de la vengeance et de la haine. La France, l’Europe seront à ses côtés, et nous l’aiderons, comme nous l’avons fait en Europe, à bâtir son unité. Ensuite, nous devons agir ensemble pour parvenir à mieux réguler la mondialisation, en introduisant davantage de justice, de règles, bref, d’humanité. Tout en reconnaissant les bienfaits du libre-échange et de la concurrence, nous devons sortir d’un certain angélisme qui risque, sinon, de condamner l’Afrique à la marginalisation. Enfin, la priorité doit être donnée à ce qui construira la croissance de manière durable. Pour ce faire, il faut que cesse, comme l’a rappelé le président, l’arbitraire, la corruption, la violence. L’argent investi doit aller aux populations au plus près de leurs besoins.

Présent dans le grand amphithéâtre de Dakar, ce jeudi 26 juillet, je me souviens qu’à ce moment précis du discours du président les étudiants se sont levés et ont applaudi2.

Jean-Marie Bockel

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  1. Le texte de Jean-Marie Bockel a été publié dans le Figaro le 4 septembre 2007.
  2. Signalons que, dans son article Le faux pas africain de Sarkozy, Philippe Bernard écrit que le discours de Nicolas Sarkozy a été prononcé « devant un parterre d’universitaires triés sur le volet. Les « vrais » étudiants avaient été écartés par crainte de manifestations d’hostilité à l’égard de l’homme de « l’immigration choisie ».» Affirmation confirmée par la presse locale.
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