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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Décès à Alger de Juliette Acampora,
« Algérienne » et non pas « amie de l’Algérie »

La combattante pour l'indépendance de l'Algérie Juliette Acampora, veuve de Georges Acampora, tous deux militants du PCA/Combattants de la Libération dans les années 1955-1957, est morte le 14 avril 2022, à l'âge de 92 ans, à Alger où elle avait toujours vécu. Une dépêche de l'Agence Algérie Presse Service la qualifie d'« amie de la Révolution algérienne ». Ne faudrait-il pas plutôt la désigner comme « Algérienne » puisqu'elle faisait partie de ces femmes et hommes d'origine européenne qui ont combattu au péril de leur vie pour l'indépendance de l'Algérie et contribué à l'avènement d'une Algérie indépendante ? Nous lui associons ci-dessous le souvenir de son mari, celui d'une autre militante de la guerre d'indépendance restée toute sa vie en Algérie, Annie Steiner, décédée il y a un an ; l'hommage rendu au cimetière chrétien d'Alger au patriote algérien Henri Maillot, tué par l'armée française, et un article qui demande justice pour le jeune Pierre Ghenassia, patriote algérien issu d'une famille juive de Ténès.

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Décès de l’amie de la Révolution algérienne Juliette Acampora



Dépêche de Algérie Presse Service publiée le 14 avril 2022.

ALGER – La militante de la cause algérienne, Juliette Acampora est décédée à l’âge de 92 ans à son domicile sis à Alger, a-t-on appris jeudi auprès du ministère des Moudjahidines et des Ayants-droits.

La défunte était connue pour son militantisme en faveur de la cause algérienne contre le colonialisme français. Elle est la conjointe du grand militant Georges Acampora, condamné à mort pendant la Guerre de libération nationale.

Les obsèques de la défunte auront lieu samedi au cimetière chrétien de Bologhine (Alger).

Suite à cette douloureuse épreuve, le ministre des Moudjahidines et des Ayants droits, Laid Rebigua, a présenté ses sincères condoléances à la famille de la défunte, la qualifiant de « l’une de celles qui ont voué leur vie pour arracher la liberté de la patrie. Une femme qui n’a pas quitté sa maison en Algérie tout au long de sa vie », a-t-il dit.



Georges Acampora



Sapeur pompier à Alger d’origine européenne, Georges Antoine Acampora dit Georgio, né le 20 février 1928 à Bab-el-Oued, a fait partie de ces militants du Parti communiste algérien qui ont constitué les Combattants de la Libération, organisation armée qui s’est jointe à partir de l’été 1955 au combat de l’Armée de libération nationale (ALN). Il appartenait au « commando de choc » du Grand Alger, et, après avoir participé au détournement d’armes françaises opéré par Henri Maillot, membre lui aussi du PCA/CDL, pour servir à la révolution algérienne, il a réparé notamment, dans les ateliers de sa caserne de pompiers, les culasses d’un lot d’armes détériorées.

Georges Acampora a participé aussi à des opérations armées, dont l’attaque du commissariat de la Redoute (El Mouradia) où des tortures étaient pratiquées par l’armée française. Fait prisonnier en 1956, condamné à mort, il a été gracié en janvier 1959 avec 181 autres condamnés à la peine capitale.

A l’indépendance, il a décidé de renoncer à la nationalité française et a acquis par décret la nationalité algérienne le 18 novembre 1963. Il a repris sa vie à Alger comme commandant de pompiers.

Il est mort à 85 ans le 11 février 2012 à l’hôpital militaire d’Aïn Naadja et a été inhumé le 13 février 2012 au cimetière chrétien de Bologhine (Alger) où reposaient déjà des membres de sa famille et où sa femme, Juliette, qui partageait ses choix et ses engagements ainsi que sa nationalité algérienne, l’a rejoint dix ans plus tard, le 16 avril 2022.


Il y a un an, le 21 avril 2021, disparaissait une autre patriote combattante algérienne d’origine européenne,
Annie Fiorio-Steiner

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Portrait d'Annie Steiner par Mustapha Boutadjine
Portrait d’Annie Steiner par Mustapha Boutadjine

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Cérémonie de recueillement à Alger en hommage à Henri Maillot,
martyr de la Révolution algérienne



Reportage diffusé le 7 juillet 2018 sur Canal Algérie.


Henri Maillot était l’ami d’enfance et le camarade de combat
de Fernand Iveton



Voir à ce sujet :

• « De nos frères blessés », un long métrage de Hélier Sisterne
Un film retrace la vie et l’engagement de Fernand Iveton
« guillotiné pour l’exemple » à Alger en 1957

• Un témoignage essentiel
1955-1957 : la participation du parti communiste algérien
à la lutte armée d’indépendance et le rôle de Maurice Audin,
par Sadek Hadjerès


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En 1990, des islamistes ont débaptisé la rue de Ténès qui portait le nom
de Pierre Ghenassia, patriote mort pour l’Algérie


par Ali Bedrici, publié dans Liberté le 22 mars 2021. Source

Jusqu’à 1990, une rue de Ténès portait le nom de Pierre Ghenassia, un enfant juif de la ville, tombé au champ d’honneur pour la libération de l’Algérie. Les élus islamistes installés à l’APC en 1990 rebaptisèrent la rue au nom d’El-Qods.

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Il est vrai que l’inculture et l’ignorance crasse font commettre les pires choses, comme d’ailleurs la tentative de débaptisation plus récente d’une rue qui portait le nom de Fernand Iveton à Oran, avant que des patriotes n’interviennent pour rétablir la place du guillotiné, mort pour l’Algérie le 11 février 1957.

Pierre Ghenassia tombait au champ d’honneur à l’âge de 17 ans, le 22 février 1957, lors d’un accrochage avec l’armée française dans la Wilaya 4 historique. Né à Ténès en 1939 dans une famille juive de tradition anticolonialiste, il l’était lui-même profondément dès son jeune âge.

Proche du Parti communiste algérien, il fréquentait les nationalistes du FLN et baignait dans une ambiance familiale engagée pour l’indépendance (son cousin Jean-Pierre Saïd, sa tante Mireille Saïd…). Dès son déclenchement, Pierre Ghenassia adhérait à la Révolution de Novembre 1954.

En 1956, il rejoint l’ALN dans la Wilaya 4 historique, sous les ordres du Commandant Azzedine. Sous le nom de guerre de Hadj, il était infirmier et soignait les blessés de l’ALN. « Hadj est mort, refusant d’abandonner ses blessés. C’était un frère et nous l’avons pleuré… Il est mort à Tiberguent en défendant une infirmerie et les blessés dont il avait la responsabilité », écrit le Commandant Azzedine, qui ajoute : « L’une des figures les plus attachantes fut celle de notre infirmier zonal, Hadj. Nous l’appelions ainsi, mais son vrai nom était Ghenassia. Il était israélite, parlait très bien l’arabe. Pour tous ceux qui tiennent comme un fait établi le prétendu antagonisme de nos origines religieuses, je voudrais qu’on le sache : Hadj est mort les armes à la main, pour l’Algérie. »

Dans une lettre à ses parents écrite au maquis, « Pierre, dit Hadj » (c’est ainsi qu’il l’a signée), dit : « Je milite depuis au milieu de milliers de jeunes qui, comme moi, ont rejoint le maquis et qui, dans un magnifique élan d’enthousiasme, tendent tout leur être vers la réalisation de leur idéal. »

Il embrasse ses parents et termine sa lettre par un « à bientôt dans une Algérie libre et indépendante ». Durant la guerre de Libération nationale, le FLN avait appelé les Algériens « juifs et européens » à le rejoindre, en leur assurant que « son vœu est celui d’une Algérie multiethnique, multiconfessionnelle… où toutes les communautés seront respectées… ».

La direction de la Révolution n’a pas cessé de rappeler que « l’Algérie est le patrimoine de tous… L’Algérie aux Algériens, à tous les Algériens, quelle que soit leur origine. Cette formule n’est pas une fiction. Elle traduit une réalité vivante, basée sur une vie commune ».

Cette démarche était en symbiose avec les convictions de beaucoup d’hommes et de femmes, juifs et européens, essentiellement sympathisants ou membres du PCA, qui se sont engagés dans la lutte anticolonialiste. Si l’on connaît mieux Frantz Fanon, Maurice Audin ou Gisèle Halimi, d’autres noms sont inconnus du public algérien.

Pourtant, ces hommes et ces femmes se sont battus pour l’indépendance de l’Algérie qu’ils considéraient comme leur pays. Si, durant la guerre de Libération, les organisations juives « officielles » choisissent la neutralité, beaucoup de juifs français refusent de se taire et vont jusqu’à risquer leur vie pour s’opposer à la torture.

« Ils jouent un rôle de premier plan dans la divulgation auprès de l’opinion des actes de violence révoltants commis par l’État français contre les insurgés et figurent, aux côtés de chrétiens, de musulmans et de libres-penseurs, en tête du mouvement contre la torture en France ».

D’autres juifs se sont résolument engagés dans le combat libérateur, issus pour la plupart du PCA. À sa demande, ils ont, comme d’autres militants, rejoint individuellement le FLN-ALN. Ténès gagnerait à honorer la mémoire du Chahid Pierre Ghenassia en redonnant son nom à un espace public de la ville.


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