La loi en question a sa justification. Nous ne pouvons ignorer que le port du voile intégral est une pratique portant atteinte à l’intégrité morale et physique de la femme, et qui nie à la fois son humanité et la propriété de son corps.
Parmi ces quelques femmes portant ce type de voile une partie affirme que c’est de leur plein gré qu’elles le portent. Se pose ainsi la question de la liberté individuelle. Tout dépend alors de la société que nous souhaitons construire. Nous pouvons nous interroger pour savoir si dans une société libre, égalitaire, et fraternelle la loi de devrait pas être un rempart à celles et ceux qui décident librement de porter atteinte à leur propre intégrité ? La question reste complexe et ouverte.
Nul doute que cette loi a été votée dans un contexte politique d’instrumentalisation quasi-permanente de l’opinion publique. Cela pose la question de sa légitimité et de la difficulté de son application. Mais à présent qu’elle se trouve être un outil utile à la défense des droits des femmes, et un rempart à une certaine forme d’obscurantisme religieux, ne devrait-on pas la préserver ? Et quels seront les autres problèmes que pourra révéler son abrogation ?
Rappelons simplement les mots de l’ancien sénateur et ministre de la Justice Robert Badinter à ce sujet, en 2010, qui appelait à trouver une réponse « ferme et graduée » sans pour autant désespérer d’un « consensus républicain ».
Robert Badinter appelle à la fermeté contre le voile intégral
[AFP – 2 mai 2010] — Le sénateur socialiste et ancien garde des Sceaux Robert Badinter a appelé à la fermeté face au voile intégral, estimant que le port de la burqa était un obstacle à la « fraternité » et à la « sociabilité ».
« C’est une question d’une complexité juridique extraordinaire », a reconnu l’ancien ministre de la Justice sur le plateau de l’émission Internationales, diffusée sur TV5 Monde, en partenariat avec RFI et Le Monde.
« Vous avez deux situations », a-t-il détaillé: « vous avez le cas des femmes que l’on oblige à porter la burqa. (…) C’est un outrage à la dignité des femmes ».
« S’agissant de tous ceux qui sont les instigateurs, ou qui par pression obligent, contraignent ces femmes à porter la burqa, je suis tout à fait d’accord pour qu’il y ait une infraction pénale et des poursuites », a-t-il déclaré.
Mais, a-t-il poursuivi, « il y a des cas, beaucoup plus complexes, où ce sont des femmes elles-mêmes (…) qui décident de porter la burqa », une situation que « condamne » le sénateur.
« La fraternité, c’est d’abord dans le visage de l’autre que je le découvre. Si vous vous adressez à un fantôme, comment voulez-vous avoir avec lui un rapport de fraternité ou de sociabilité? » a déploré Robert Badinter.
« Il n’y a pas ici une obligation religieuse », a rappelé l’ancien ministre, pour lequel « il faut avec fermeté indiquer que dans le cadre de services publics ou dans le cadre de telle ou telle situation, le port du voile intégral sera interdit. Et si cela ne suffit pas et qu’on voit se multiplier ces burqas, alors on passera » à un niveau supérieur.
« Ce qu’il faut, c’est une réponse ferme et graduée », a-t-il résumé, espérant qu’« on arrivera à un consensus républicain ».
Le gouvernement projette d’interdire le port de la burqa. Un projet de loi doit être présenté au Conseil des ministres le 19 mai avant un examen à l’Assemblée nationale en juillet.
Robert Badinter a appelé à la prudence, car « rien ne serait pire que des annulations au niveau de la Cour européenne des droits de l’Homme ». En effet, a-t-il rappelé, « la Cour de Strasbourg a toujours mis en relief l’autonomie de la personne, c’est-à-dire le droit de chacun à vivre comme il l’entend, pourvu qu’il ne porte pas atteinte aux autres ».