Béziers : condamnation d’André Troise
André Troise reconnu coupable de diffamation
Le tribunal correctionnel de Béziers a rendu son délibéré, lundi 25 mai 2009. Il a reconnu André Troise, ancien membre de l’Organisation de l’Armée Secrète, coupable d’avoir injurié et diffamé par parole et écrit. Il l’a condamné à 1 500 € d’amende et à régler à la partie civile, Jean-Louis Bousquet, un euro de dommages et intérêts comme elle le demandait et 500 € au titre des frais de justice.
Le président du groupe communiste au conseil régional avait cité André Troise devant le tribunal, à la suite de propos tenus le 2 novembre 2008, dans une allocution et dans
un tract, parce que Jean-Louis Bousquet demandait l’enlèvement de cette plaque.
Jean-Louis Bousquet avait été gratifié par son adversaire de « profanateur de monument », « invertébré », « à la cervelle détraquée », « ignoble » et « lâche » … L’affaire avait été examinée lors de l’audience correctionnelle du 27 avril dernier.
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La stèle de Béziers, toile de fond d’un procès en diffamation
Claire Ougier lit le rôle depuis son fauteuil de présidente du tribunal : « Vous êtes M. André Troise, vous êtes né en Algérie » A la barre, le prévenu rectifie : « En Algérie française. »« A l’époque », rétorque la magistrate. Le ton est donné.
Ainsi a débuté hier, l’un des procès en citation directe les plus détonants de l’année, sous le regard du président du TGI et du procureur de la République venus assister à une partie des débats dans la salle. Il faut dire qu’ils s’annonçaient relevés. D’un côté André Troise, ancien de l’OAS. De l’autre Jean-Louis Bousquet, président du groupe PCF à la Région.
Au milieu : une stèle du cimetière neuf, ornée d’une plaque dédiée à l’OAS, devant laquelle le premier était prévenu d’avoir injurié et diffamé le second. Jean-Louis Bousquet ayant notamment été gratifié d’élu « ignoble », « lâche », « profanateur de monument » , « invertébré », « à la cervelle détraquée » dans une allocution prononcée le 2 novembre et dans un tract parce qu’il demandait l’enlèvement de la plaque OAS.
A la barre, André Troise reconnaît les faits : « Ces propos vont parfaitement à ceux nous ont diffamé et profané […] Je ne retire rien de ce que j’ai dit. » Assis à un mètre, Jean-Louis Bousquet encaisse en silence. Il n’aura pas l’occasion de prendre la parole.
L’audience va se jouer entre ténors du barreau. Me Bousquet ouvre le bal pour la partie civile, en citant Sartre (« le langage m’engage »), avant de souligner, concernant les propos, que « chaque ligne constitue une infraction ». Me Pelletier, l’ancien avocat de Mesrine, appuie : « J’ai rarement plaidé dans une affaire de presse dans laquelle on puisse avoir autant d’allégations déplaisantes et attentatoires. » Les demandes : 1€, le remboursement des frais et trois insertions dans la presse.
Me Courbis, tente d’élargir le débat pour la défense : « C’est un débat d’intérêt général, qui touche au respect des morts. » Pour mieux faire le procès du plaignant croqué en provocateur. Ainsi s’est terminé ce procès, après des plaidoiries parsemées d’histoire, recadrées deux fois, un vice-procureur Deslandes qui s’en remettra au tribunal, tribunal qui mettra lui-même sa décision en délibéré au 25 mai.
Jean-Louis Bousquet et André Troise sont repartis comme ils étaient arrivés. Avec leurs soutiens respectifs (dont le leader local du FN, Alain Ricard, pour André Troise), sans un mot, ni un regard l’un pour l’autre. Ils avaient appris à se connaître à travers la presse, ils se seront expliqués par avocats interposés.
Au tribunal de Quimper, le 30 avril 2009
Avoir vingt ans dans les Aurès cristallise toujours la haine des nostalgiques de l’OAS
On reconnaîtrait sa silhouette entre mille. Coiffé de sa casquette de marin, René Vautier, le petit Breton à la caméra rouge, patiente devant le tribunal de Quimper. Il revient, ce jeudi 30 avril, sur les lieux de sa jeunesse : c’est ici, de l’autre côté de l’Odet, qu’il a été décoré, à quinze ans, de la Croix de guerre. Avec un groupe d’Éclaireurs de France, l’adolescent avait pris les armes contre l’occupant nazi dans la presqu’île de Crozon. Un passé de résistant qui force le respect. Mais pas celui des nostalgiques de l’OAS, aux yeux desquels le cinéaste anticolonialiste, est rien de moins qu’un « collaborateur ».
En août 2007, René Vautier était invité au Festival de cinéma de Douarnenez pour la projection de ses films Afrique 50 et Avoir vingt ans dans les Aurès. Un débat auquel il participait avec le réalisateur Mehdi Lallaoui et l’historien Olivier Lecour-Grandmaison fut perturbé par Claudine Dupont-Tingaud, ancienne conseillère générale FN, ex-OAS. Laquelle publia ensuite un communiqué nauséabond, accusant René Vautier de « Kollaboration anti-française ». Olivier Lecour-Grandmaison était qualifié, lui, de « négationniste ». Quant à Mehdi Lallaoui, réalisateur de nombreux films consacrés au passé colonial, il était présenté comme l’incarnation d’une « tyrannie de la repentance » visant à « instiller en nous la haine de notre histoire commune ». Des propos inadmissibles, qui ont convaincu René Vautier, Mehdi Lallaoui et Olivier Lecour-Grandmaison de porter l’affaire devant la justice.
Devant la salle d’audience, l’accusée persiste et signe. L’activiste d’extrême droite se revendique ouvertement de la défense de la « blanchitude ». « Les races existent. La nôtre est menacée. Il faut la défendre. Je défends donc la « blanchitude » comme Aimé Césaire défendait la négritude », plastronne-t-elle. Avant de réitérer ses accusations : « En mettant sa caméra, qui est une arme, au service des ennemis de la France, René Vautier s’est rendu coupable de collaboration pendant la guerre d’Algérie. » Argumentation reprise mot pour mot par son avocat, Me Pichon : « René Vautier a sans doute été résistant. Mais il a apporté son soutien au FLN. Objectivement, il a collaboré. » À l’entrée du tribunal, d’anciens appelés d’Algérie, venus soutenir la partie civile, ont déployé des banderoles : « Non à l’OAS. » Les amis de Claudine Dupont-Tingaud les couvrent d’insultes. Cité comme témoin de la défense, un dirigeant du Front national, Roger Holleindre, fondateur de l’OAS dans le Constantinois, vante, avant l’ouverture des débats, l’action de l’organisation terroriste. « J’en ai marre de ces pleureurs. Ce que l’OAS a fait en Algérie, c’est de la rigolade à côté de ce qu’a fait le FLN, éructe l’ancien parachutiste. L’Afrique ne serait pas ce qu’elle est si la France était restée. Le résultat de ces indépendances, c’est un fiasco total. Si l’Algérie était restée française, c’est dans l’autre sens que se ferait l’immigration. Au lieu de cela, on les a fait passer directement du bourricot au jet aérien. Vous n’entendez jamais ce genre de discours car les hommes comme moi sont interdits de télévision. Si j’étais pédé et anti-France, ce serait différent ! »
Venue soutenir René Vautier, Simone de Bollardière, veuve du général de Bollardière, rappelle en marge de l’audience que ces nostalgiques de l’OAS appartiennent au camp de ceux qui voulurent renverser la République. « Leur refus de la décolonisation est rétrograde. Notre combat contre les horreurs perpétrées au nom de la France, contre la torture, relevait d’une insurrection morale nécessaire, insiste-t-elle. Tout être humain a le droit à la dignité et au respect, quelle que soit sa couleur. »
L’audience s’ouvre dans un climat très lourd. Appelée à la barre, Claudine Dupont-Tingaud bafouille un argumentaire boiteux, qui ne convainc visiblement pas la présidente. Le « k » de « kollaboration », prétend l’ex-élue FN, « n’est pas une référence à la Seconde Guerre mondiale, mais un clin d’oeil à René Vautier, bretonnant ». « Je ne retire rien de mes propos. Nous n’avons pas l’intention de faire acte de repentance et de battre notre coulpe », s’enferre-t-elle, en invoquant la « liberté d’expression ». Après elle, Roger Holleindre se lance dans un long et ennuyeux plaidoyer sur les prétendus « bienfaits » de la colonisation, accusant au passage René Vautier de « trahison ». En réponse, le cinéaste revient sur son passé de résistant, sur son engagement de communiste et d’anticolonialiste, sur la genèse de ses films. « L’indépendance de l’Algérie, celle de toutes les colonies, était inéluctable », conclut-il. À sa suite, Mehdi Lallaoui rappelle ce que fut l’OAS, organisation criminelle à laquelle l’accusée se vante d’avoir appartenu. « Ces gens qui nous insultent se réclament d’une organisation qui planifia la tentative d’assassinat d’un président de la République », lance-t-il. Le réalisateur du Silence du fleuve s’indigne de l’expression « anti-France » que lui accolent ses adversaires. « Je suis un élu de la République », rappelle-t-il, en montrant au tribunal son écharpe de conseiller régional d’Île-de-France. « Pas question de céder à l’intimidation en renonçant à remettre en cause la « légende dorée de la colonisation française » », affirme, enfin, Olivier Lecour-Grandmaison. « Les attaques diffamatoires de Mme Dupont-Tingaud à notre égard s’inscrivent dans un contexte de recrudescence des actions militantes des anciens de l’OAS et des nostalgiques de l’Algérie française. Actions qui se sont multipliées depuis l’élection de Nicolas Sarkozy et l’entreprise de réhabilitation du passé colonial de la France à laquelle il se livre pour des raisons électoralistes », analyse l’universitaire.
Pour l’avocat de la partie civile, Me Bellouti, le délit de diffamation est constitué. Il réclame pour chacun de ses clients 5 000 euros de dommages et intérêts « pour l’atteinte portée à leur honneur et à leur considération », ainsi qu’une publication dans trois quotidiens ou hebdomadaires, aux frais de Claudine Dupont-Tingaud. Le jugement a été mis en délibéré au 12 juin.
À quatre-vingt-un ans, le cinéaste René Vautier reste plus que jamais fidèle à ses convictions et à son combat anticolonialiste.
«C’est à 200 mètres du palais de justice de Quimper [où s’est tenu le procès – NDLR] que j’ai été décoré de la Croix de guerre à l’âge de seize ans pour faits de résistance. J’appartenais à un groupe d’Éclaireurs de France qui se sont battus contre les occupants allemands. J’ai continué, après la guerre, à me battre pour les mêmes idées : l’égalité des peuples, la lutte contre le fascisme, quel qu’il soit.»
«J’ai fait Afrique 50 à l’âge de vingt et un ans. Mon seul but était de montrer la vérité sur le quotidien des paysans noirs en Afrique occidentale française. J’ai simplement filmé ce que je voyais. On a alors tenté de m’empêcher de filmer. Les choses se sont très mal passées avec les colons. Ce film, auquel la Cinémathèque française a rendu il y a quelques années un élogieux hommage, m’a valu, à l’époque, de sérieux ennuis. Avoir vingt ans dans les Aurès a reçu, en 1972, le prix de la critique internationale au Festival de Cannes. En dépit de cette récompense, le film a dû attendre douze ans avant d’être diffusé sur une chaîne de télévision française. Certains y voyaient une insupportable mise en cause des prétendus bienfaits de la présence française dans les colonies. Ces films continuent d’être diffusés, cités, ce qui nourrit le ressentiment des attardés du colonialisme.»
Propos recueillis par Rosa Moussaoui
D’anciens appelés d’Algérie contre la guerre manifestaient jeudi devant le palais de justice
A l’occasion du procès en diffamation intenté à Claudine Dupont-Tingaud, des membres de l’association des anciens appelés d’Algérie contre la guerre étaient présents à l’entrée du palais de justice
1. La « 4ACG » comme elle s’appelle aussi est particulièrement attachée « au respect des droits de l’Homme, à la reconnaissance de l’appartenance à une commune famille de tous les hommes, à l’amélioration des rapports humains par l’effort de compréhension des différences culturelles, religieuses et politiques, pour établir une relation non pas basée sur le mépris, le racisme et le rapport de force mais sur la recherche de la paix qui ne peut exister sans justice. »
Tous les membres de cette association d’anciens combattants reversent intégralement leur retraite du combattant au bénéfice de projets humanitaires et sociaux en direction de populations qui souffrent de la guerre ou à des organismes qui oeuvrent pour la paix. Elle est déjà intervenue en Algérie, au Maroc et en Palestine. Elle compte environ 300 membres sur toute la France et a été fondée en 2004 à Albi par quatre anciens appelés. Cette association était présente à Quimper pour soutenir le cinéaste René Vautier.
- Pour tous renseignements : http://www.4acg.org ou : 4 Acg, 9 chemin du Trou Samson. 95 150 Taverny. Pour la Cornouaille : . Tel : 02 98 55 22 63.