Béziers : Les nostalgiques de l’OAS paradent
Des pieds-noirs progressistes ont dénoncé la glorification de l’organisation terroriste.
Le cimetière neuf de Béziers abrite depuis longtemps un cénotaphe érigé à la mémoire des Oranais morts le 5 juillet 1962. Mais, en 2003, une plaque figurant les portraits de quatre chefs de l’OAS condamnés à mort par la justice française avec l’inscription « Fusillés pour avoir défendu l’Algérie française » y a été rajoutée. Et depuis, les anciens activistes se rassemblent régulièrement dans ce cimetière pour y glorifier l’organisation terroriste.
Ce 5 juillet, pour la célébration du 47e anniversaire de cette journée dramatique, ils sont montés d’un cran dans l’instrumentalisation de la douleur des familles venues se recueillir devant leur mémorial. Leur appel au mot d’ordre « Pour les fusillés d’un État assassin », véritable apologie du crime de guerre, aurait dû suffire à faire interdire ce rassemblement factieux, contrevenant aux principes les plus élémentaires de paix civile et de recueillement à respecter dans un cimetière. Le préfet n’ayant pas pris ses responsabilités, une cinquantaine de progressistes brandissant des affichettes « OAS assassins » se sont retrouvés, dimanche, devant l’entrée du cimetière1.
À l’intérieur, le respect dû aux morts d’Oran était malheureusement terni par les discours des nostalgiques de l’Algérie française. Les militants antifascistes s’étaient regroupés derrière la banderole de l’Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA). Son président, Jacques Pradel, fustigeait « cette initiative prise par des organisations qui confondent hommage à des victimes et hommage à des assassins ». Déniant à ces organisations le droit de parler au nom de l’ensemble des pieds-noirs, il devait rappeler que « la fin tragique de la guerre d’Algérie, y compris les assassinats aveugles du 5 juillet à Oran et l’exil de la totalité du peuple pied-noir ont pour cause première la spirale infernale déclenchée par la folie meurtrière de l’OAS ».
Texte de l’ANPNPA diffusé à Béziers, le 5 juillet 2009
Non à l’instrumentalisation des Oranais morts le 5 juillet 1962 par d’anciens membres de l’OAS !
L’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis (ANPNPA) compte de nombreux Oranais parmi ses adhérents. Nous tous, mais eux plus profondément encore, gardons au cœur la blessure infligée par la mort de nos compatriotes Oranais survenue lors des événements dramatiques du 5 juillet 1962 à Oran.
Nous savons aussi que la fin tragique de la guerre d’Algérie, y compris les assassinats aveugles du 5 juillet à Oran, et l’exil de la quasi-totalité du peuple Pied Noir ont pour cause première la spirale infernale déclenchée par la folie meurtrière de l’OAS.
La manifestation organisée le 5 juillet 2009 au cimetière neuf de Béziers camoufle, derrière le prétexte d’honorer la mémoire des victimes du 5 juillet 1962 à Oran, la glorification des assassins de l’OAS, condamnés par la république, dont les noms figurent sur la stèle érigée au dit cimetière. Il s’agit là d’un amalgame honteux autant qu’inacceptable, qui ne fera que ternir le respect dû aux morts d’Oran.
L’ANPNPA condamne sans réserve l’initiative prise par des organisations, fussent-elles de Pieds Noirs, qui confondent ainsi hommage à des victimes et hommage à des assassins. C’est notre fierté que de dénier à ces organisations le droit de parler au nom de l’ensemble des Pieds Noirs.
Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et leurs Amis
Souvenirs et nerfs à vif autour de la stèle
Confrontation entre rapatriés et opposants à l’OAS
Sur les unes, des photos de maris, frères cousins, enlevés à Oran en 1962… Sur les autres, une inscription unique « OAS Assassins »… Hier, 11 h, à Béziers : les pancartes se répondent, à l’entrée et à l’intérieur d’un cimetière Neuf, placé sous haute surveillance policière. Tant on craint cette confrontation entre un collectif formé par le PCF local, l’Appel des cent et l’association France-Algérie et les rapatriés d’Algérie, qui viennent chaque année rendre hommage aux victimes du massacre d’Oran le 5 juillet 1962.
Entre les deux, un mur d’incompréhension matérialisé par cette plaque érigée au nom de quatre membres de l’OAS (Organisation de l’Armée secrète). Depuis le 5 octobre 2008, elle n’en finit pas d’attiser une polémique allumée par le communiste Jean-Louis Bousquet, qui ne voit
en elle que l’apologie de crimes. Le sujet prend alors une envergure nationale avec Jean-François Gavoury. Le fils d’un commissaire tué par l’OAS préside l’association des victimes de l’organisation, l’Anpromevo, et n’a de cesse de faire interdire cette cérémonie du souvenir. « J’ai perdu 7 membres de ma famille, disparus, jamais retrouvés ; j’ai failli être lynchée à 19 ans avec ma petite soeur… J’ai encore les youyous dans la tête », murmure Colette. A ses côtés, Odile brandit la photo de son mari : « On l’a retrouvé massacré ; je n’ai pas eu le temps de le pleurer, il m’a fallu retrousser mes manches ; mon fils avait 3 ans. » Elle est venue de Nice, comme Eliane, veuve à 27 ans : « Deux camions militaires français sont passés au moment du kidnapping, ils n’ont rien fait… » Ils sont 150 environ venus de tout le sud de la France. Le petit rond-point entre les tombes n’en finit pas de bruisser de toutes ces tragédies. On raconte, comme si c’était hier. Mais les cheveux ont blanchi. « Regardez, ils ont entre 70 et 80 ans, ils ont juste besoin de se recueillir, ils n’ont rien d’extrémistes ! », souffle Yves venu en observateur et, dit-il, « pour soutenir le courage du député » . Elie Aboud, seul « officiel » de cet hommage sous haute tension.
« J’ai donné mes garanties républicaines au préfet qu’aucun discours ne se fera devant la stèle, j’assume mon engagement avec ma présence ici ; après, les gens sont libres de se recueillir devant leurs disparus », explique le député, président de la commission nationale des rapatriés à l’Assemblée nationale.
Après le discours prononcé par Alain Algudo, président national des Comités de défense des Français d’Algérie et des agriculteurs rapatriés2, le cortège, sans le député, rallie la stèle. Prière, sonnerie aux morts, dépôts de gerbe.
Il est midi trente. La cérémonie s’achève sur un appel au calme. « Ne répondez pas aux provocations, elles ne visent qu’à faire interdire cette cérémonie, mieux, passez par l’entrée secondaire. » André Troise, qui se revendique ancien OAS, crie : « En plus, il faut nous cacher ! Et puis, je n’ai pas promis de ne pas leur casser la figure aux communistes ! » Le coup de poing n’aura pas lieu même si des insultes fusent de part et d’autres : « Complices d’égorgeurs », « Qu’est ce qu’ils connaissent à l’Algérie, ces C… ». Parmi les opposants, Paul Barbazange confie : « On n’est pas là pour raviver de vieilles querelles mais pour que la mémoire soit complète et que demain ne se construise pas avec de la haine recuite. »
- [Note de LDH-Toulon] Avaient répondu à l’appel de l’ANPNPA : la présidente de la fédération de l’Hérault de la Ligue des droits de l’Homme, ainsi que des représentants des trois sections locales de la LDH (Montpellier,Sete, Béziers), de France-Algérie, du Mouvement de la Paix, de l’ANPROMEVO, de Max Marchand-Mouloud Feraoun, de la section de Béziers du PCF, du NPA, du PG.
- [Note de LDH-Toulon] A propos d’Alain Algudo, lire cette note.