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Aux origines du
Front de libération nationale algérien :
une nouvelle édition revue et augmentée
du livre de référence de Mohammed Harbi

Mohammed Harbi, acteur de la guerre d'indépendance algérienne et historien, a publié en 1975 aux éditions Christian Bourgois son livre Aux origines du Front de Libération Nationale : la scission du PPA-MTLD. Contribution à l’histoire du populisme révolutionnaire en Algérie, livrant pour la première fois des documents et des analyses qui manquaient cruellement au discours sur l'histoire tenu par le pouvoir algérien. Il avait quitté l'Algérie après avoir été emprisonné à la suite de son opposition au coup d'Etat de Boumédienne de juin 1965. Ce livre, jamais publié en Algérie, a été réédité fin 2020 par Abderrahmane Bouchène avec l’accord de l’auteur, dans une édition revue et augmentée qui a été préparée par l’historienne et chercheuse Ouarda Siari Tengour. Une édition nécessaire que Nadjia Bouzeghrane qualifie dans El Watan de « travail contre l’oubli ».

Aux origines du Front de Libération Nationale :
La scission du PPA-MTLD
, de Mohammed Harbi,
un travail « contre l’oubli »

par Nadjia Bouzeghrane, publié par El Watan le 16 mars 2021. Source

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Aux origines du Front de Libération Nationale : la scission du PPA-MTLD. Contribution à l’histoire du populisme révolutionnaire en Algérie. Ce « travail contre l’oubli » de Mohammed Harbi, acteur de la Révolution algérienne et historien paru aux éditions Bourgeois en 1975 et jamais publié en Algérie a été réédite par Abderrahmane Bouchène fin 2020 avec l’accord de l’auteur. Cette réédition a été préparée par l’historienne et chercheure Ouarda Siari Tengour1.

Dans cet ouvrage Mohammed Harbi, son auteur, passe au peigne fin une documentation dense et diversifiée qu’il a minutieusement et méthodiquement engrangée pour la restituer à l’Histoire contemporaine de l’Algérie et à ce qu’elle puisse être utilisée pour de nouvelles recherches comme il le dit lui-même. C’est aussi « le fruit » d’une « expérience » qu’il a « personnellement vécue. » « Introduction à l’histoire du FLN », cet ouvrage est « une remise en question des interprétations de la scission du PPA-MTLD – y compris celle que j’ai défendue personnellement jusqu’en août 1957 » écrit Mohamed Harbi. « Il tente, selon son auteur, d’« expliquer le triomphe des activistes, initiateurs de la lutte armée, sur les autres tendances de ce mouvement. En ce sens, il peut constituer un point de départ pour de nouvelles recherches. Pour y aider, il a été établi un tableau de l’encadrement du MTLD à la veille de la scission et des tendances ».

Situant le contexte de l’écriture de ce livre fondamental sur les origines du FLN, Mohammed Harbi souligne que « la préparation de l’ouvrage a été conçue alors que j’étais emprisonné dans les locaux de la Sécurité militaire à la suite de mon arrestation le 9 août 1965, survenue après le coup d’Etat militaire du 19 juin 1965. Il a été rédigé entre 1970 et 1973 grâce à un croisement de la mémoire et de l’histoire. Daniel Guérin (1904 -1988), – avec qui j’ai entretenu une longue correspondance – m’a aidé au rassemblement de matériaux, en me procurant une collection, malheureusement incomplète du journal El-Ouma que j’ai offert à la bibliothèque nationale d’Alger ». Les notices bibliographiques des « principaux acteurs de la crise » ont été regroupés à la fin de l’ouvrage.

La crise du PPA-MTLD

L’auteur indique que Abbane Ramdane et le Dr Lamine Debaghine ont été classés parmi les partisans de l’insurrection. « Ils n’ont certes joué aucun rôle dans la scission du MTLD. Le premier se trouvait alors en prison. Le second avait été exclu du Parti en décembre 1949. Mais ils ont tous les deux été sollicités, en tant que figures connues du courant activiste, pour apporter leur concours à l’une des tendances en présence. La place qui leur sera faite dans le FLN ne doit donc rien au hasard ».

En quatrième de couverture, puis dans la présentation de l’ouvrage nous lisons que « les hommes qui ont été à l’origine immédiate de la révolution algérienne, Mohammed Boudiaf, Krim Belkacem, Ahmed Ben Bella, ont vu de leur vivant que la révolution faite ne correspondait pas à celle que chacun d’eux croyait faire. Leur mouvement, le Front de libération nationale, s’est arrogé les premiers rôles en supplantant tous ses concurrents, en particulier le Mouvement national algérien (MNA) de Messali Hadj, le pionnier du nationalisme. » « Messali est mort en exil, sans avoir revu cette terre qu’il appelait dès 1926 “à libérer”. Mais ses adversaires, après une période d’exercice du pouvoir, n’ont pas eu un meilleur sort ».

« Pour comprendre cette tragique ironie de l’histoire et accéder à l’intelligence de l’Algérie contemporaine », « il faut réapprécier d’une manière critique les éléments révolutionnaires accumulés dans la société algérienne avant le 1er novembre 1954 et interroger l’histoire du PPA-MTLD dont sont issus les militants. Or, dans les travaux sur l’Algérie contemporaine les études portant sur la période postérieure au 1er novembre 1954 ont davantage retenu des chercheurs. Ce ne fut pas toujours sans dommage ».

L’auteur signale, pour coller au plus près des faits et de leur déroulement que « le dossier de la crise est incomplet. Nous n’avons malheureusement pas retrouvé des exemplaires du Patriote, organe du CRUA (depuis trois exemplaires ont été retrouvés et ajoutés au chapitre III). Nous avons pensé remédier à ce manque en donnant un texte de Mohamed Larbi Madi. Ce texte traduit fidèlement la manière dont le CRUA et ses supporters jugeaient les messalistes et les centralistes. Sa valeur historique est plus révélatrice des idées de l’époque que les récits qui nous sont donnés depuis 1962, plus proches pourtant de la vérité historique ».

« Le fruit d’une expérience vécue »

En guise d’avertissement, Mohammed Harbi signale que cet ouvrage sur les origines du FLN est « le fruit d’une expérience vécue ayant été acteur et témoin de nombreux événements liés à la vie politique de l’Algérie ». « Je ne le considérais pas comme un travail fini mais une réaction d’un militant “hors jeu” aux travestissements de l’histoire ». « Il est à signaler qu’à cette période, il existait une grande confusion chez les Oulémas et les militants du PPA-MTLD. Les Oulémas ramenaient le nationalisme à la définition de l’identité par Ben Badis et les militants du PPA-MTLD confondaient le projet nationaliste et la question identitaire ». « Une autre équivoque est à signaler à savoir la confusion établie entre le patriotisme, le nationalisme et le mouvement national. Il s’agit de distinguer le mouvement national comme l’ensemble des manifestations politiques, culturelles et sociales contre une domination étrangère et le nationalisme qui est le produit de groupes et de mouvements ou de partis déterminés prônant l’idée d’un Etat-Nation. Les démocrates nationalistes dont Iddir el Watani faisaient à juste titre la distinction entre nationalisme chauvin, celui du colonisateur et nationalisme libérateur celui des colonisés ». « L’élaboration du texte a été pensée en fonction d’une démarcation très nette des thèses nationalistes qui n’a pas été faite lors de la création de l’Organisation de la Résistance Populaire (ORP, août 1965). Je tenais et – je tiens toujours – à me démarquer de la vision nationaliste du développement politique, à réintroduire la question sociale insérée dans une vision en terme de luttes des classes et à m’impliquer davantage dans le combat contre les adversaires de l’universalisme. Quant au fait religieux, il constitue un problème majeur qu’on ne peut manipuler politiquement sans danger. »

Mohammed Harbi précise par ailleurs que le « concept de populisme » qu’il a « utilisé » « est un terme polysémique emprunté à Franco Venturi dans son ouvrage Les Intellectuels, le peuple et la révolution, Histoire du populisme russe au XIXème siècle, (Paris, Gallimard, 1972). « Il n’a rien à voir avec le sens qu’on lui attribue de nos jours dans les débats politiques. » L’ouvrage, Aux origines du Front de Libération Nationale : la scission du PPA-MTLD. Contribution à l’histoire du populisme révolutionnaire en Algérie – dont la publication en Algérie est à souhaiter –, s’articule sur cinq grandes parties : La société algérienne : nation, classes et tendances politiques ; Le PPA-MTLD à la veille de la scission ; le IIème Congrès : « Une victoire à la Pyrrhus » des néo-réformistes ; Des dissensions internes à la scission ; Analyse des tendances. Puis : Chronologie ; Documents sur la scission du MTLD ; Notices biographiques et Annexes.

Dans la partie Chronologie on retrouve : Les pionniers du nationalisme à l’œuvre sur le sol algérien ; Le PPA dans la clandestinité : la taupe creuse ; Novembre 1942 – Octobre 1946 : le PPA aux mains des activistes ; Division dans le camp nationaliste, fermeté dans le camp populiste ; Divisions dans le parti : les activistes en perte de vitesse ; Le centre du parti aux postes de commande. La crise larvée ; De la crise ouverte à la scission. Dans la partie Documents sur la scission du MTLD on relève : Le IIème Congrés : extraits du rapport du Comité central ; Les lendemains du IIème Congrès ; Numéros du Patriote ; Le rapport de Messali au Congrès d’Hornu ; Le rapport du Comité central (Alger 3, 14, 15 et 16 août 1954) ; Tableau des organismes dirigeants et et des tendances du MTLD ; Témoignages de militants ; Le PCA et la scission au sein du MTLD. La partie Notices biographiques regroupe : Les partisans de la lutte armée ; les centralistes ; Les messalistes. Enfin, dans les annexes : Notice sur les mouvements politiques indigènes en Afrique du Nord, mars 1940 ; Le procès de Messali ; Interview de Mohammed Harbi, Le Monde, 1er janvier 2002. Message de Mohammed Harbi à l’occasion du 1er novembre (31 octobre 2019). Le livre comporte un index des noms de personnes.

  1. Mohammed Harbi, Aux origines du Front de Libération Nationale : la scission du PPA-MTLD. Contribution à l’histoire du populisme révolutionnaire en Algérie, éditions Bouchène, 2020, 424 pages.
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