après le rassemblement le 18 juin, devant cette statue, rue de Rivoli
A propos de la statue de Bugeaud sur la façade du Louvre et de l’avenue portant son nom à Paris, la bataille s’invite aux élections régionales
Le 18 juin 1845, le colonel Pélissier, appliquant les instructions données à ses officiers par le général Bugeaud, a asphyxié délibérément les populations civiles des Ouled Riah. Hommes, femmes, enfants et vieillards s'étaient réfugiés dans les grottes de Dahra, non loin de Mostaganem. La France doit-elle continuer à présenter une statue de Bugeaud sur la façade du musée du Louvre qui reçoit des millions de visiteurs venus du monde entier ? D'autant que cet adversaire de la République a commandé des répressions contre le peuple de Paris. Lors de l'insurrection parisienne d'avril 1834, il commandait la brigade dont les soldats se sont livrés au massacre de la rue Transnonain. Julien Bayou, candidat d'union au second tour à l'élection régionale du 27 juin 2021 en Ile-de-France, a répondu clairement par la négative.
Julien Bayou, candidat d’union au second tour à l’élection régionale Ile-de-France, prend clairement position
Un changement de nom en vue pour l’avenue Bugeaud à Paris
L’un des deux initiateurs de l’appel à se rassembler le 18 juin 2021 devant la statue de Bugeaud sur la façade nord du Louvre, rue de Rivoli, Olivier Le Cour Grandmaison, a rencontré le 21 juin l’adjointe au maire de Paris en charge des questions mémorielles, Mme Laurence Patrice. Celle-ci s’est déclarée favorable à l’octroi d’une nouvelle dénomination de l’avenue Bugeaud à Paris, dans le 16e arrondissement.
Au cours des mois qui viennent, des initiatives sont attendues dans ce sens. Nous espérons que le choix d’un symbole davantage fidèle à la République et aux droits de l’homme interviendra aussi prochainement que possible, compte tenu des délais politiques et administratifs qu’implique une telle décision nécessaire, plus conforme à l’image que veulent donner aujourd’hui la France et sa capitale.
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Les enfumades du Dahra toujours présentes dans les mémoires
par A. Bensadok, publié dans Le Soir d’Algérie le 20 juin 2021. Source
[…] Le 18 juin 1845, Saint-Arnaud est en opération chez les Ouled Younès. Dans la nuit du 19 au 20 juin, alors qu’il est dans son campement du côté de Aïn-Merane (Chlef), « le bruit des fougasses (mine explosive) se fait entendre à trente lieues à la ronde », Saint-Arnaud en conclut : « C’est le colonel Pélissier qui travaille les cavernes et les grottes des Ouled Riah. » Et d’ajouter : « Ces pauvres Arabes sont traqués partout et ne savent plus où se réfugier. » La lettre qu’il adresse le même jour au commandant Tripier donne la même information. Une autre lettre est adressée au colonel Pélissier. Il y évoque encore une fois les bruits de canon et de pétards dans les grottes des Ouled Riah. Ce n’est que le 26 juin que la population indigène de la région apprend la tragédie des grottes des Ouled Frachich. Et c’est Pélissier en personne qui raconte à Saint-Arnaud ce carnage et celui-ci s’empresse d’informer ses officiers : « Le colonel Pélissier, après avoir fait périr dans les cavernes de Ouled Riah plus de 1 010 personnes de tout âge et autant de bêtes de cheptel, a reçu la soumission de tous les habitants du Dahra. »
Usant de la même rhétorique développée par Bugeaud et le président du Conseil Soult, Saint-Arnaud, sans minimiser l’ampleur de la tuerie, en fait supporter la responsabilité à l’intransigeance des victimes elles-mêmes. Il aurait dit : « Ces tribus auraient, par leur obstination, contraint Pélissier à recourir à cette dernière extrémité, autrement dit : elles ont choisi de mourir par l’asphyxie » ! Ce discours destiné à l’opinion métropolitaine vise un double objectif : faire porter la responsabilité des violences aux victimes et de souligner le sacrifice demandé à l’armée obligée de faire le « sale boulot » pour défendre la France. Cet aspect du discours auto-justificateur revient très souvent dans la rhétorique guerrière des chefs militaires. Cela suppose également que les officiers fussent parfaitement instruits des procédés à utiliser au cas où les tribus venaient à se réfugier dans leurs grottes. Si tel était le cas, tous les écrits sur la légitime défense évoquée par Pélissier et Bugeaud sont calomnieux. C’était un acte parfaitement prémédité, organisé et mis en œuvre dans le but de faire le plus possible de morts. Non seulement Pélissier a fait venir avec lui des fascines mais il aurait entretenu le feu pour asphyxier les réfugiés, et en plus, il a usé des mines pour provoquer des éboulements destinés à empêcher les réfugiés de sortir vivants des cavernes. Ces détonations se poursuivront jusque dans la matinée du 20 juin, c’est-à-dire 48 heures après le début de l’enfumade.
Et ce ne sera pas le dernier crime. A Aïn-Merane, entre les 8 et 11 août 1845, Saint-Arnaud fait enfumer les Sbehas, un énième massacre prémédité. A la différence de Pélissier, Saint-Arnaud se veut se surpasser en cruauté. Sur ces massacres de la tribu des Ouled Riah , F. Gautier a écrit : « Dans ces horreurs orientales, les victimes ont une part de responsabilité ; c’est leur propre férocité qui est contagieuse, une sorte de typhus moral, contre lequel le vainqueur ne se protège pas. » Les enfumades du Dahra sont une séquence la plus tragique et la plus emblématique des violences coloniales dont ont été victimes des populations désarmées. En ce même mois de juin 1845, dans la Kabylie, les Beni Maâtkas (1851) et les ArbTaskift (1861) subissent quasiment les mêmes sorts.
rassemblement le 18 juin 2021 devant la statue de bugeaud