Archives classées « secret-défense » :
un recours déposé devant le Conseil d’Etat
Procédure de déclassification très lourde
Si l’on s’en tient à la règle stipulée par l’IGI, ces pièces doivent être « déclassifiées » une à une par l’organisme administratif (police, armée…) qui en a limité l’accès il y a cinquante ans ou plus, avant d’en autoriser la libre consultation. Une procédure particulièrement lourde qui requiert du personnel et du temps, et provoque une embolie du système tant les demandes de déclassification affluent dans les services d’archives. Or, depuis la loi de 2008, les archivistes s’appuyaient sur les dispositions de ce texte pour permettre aux historiens, chercheurs, étudiants et autres personnes, de consulter les archives en toute liberté. Avec cette instruction du secrétariat général de la défense en début d’année, du jour au lendemain, des milliers de documents considérés comme consultables, ne l’ont plus été. Etudiants et chercheurs n’ont plus eu le droit d’accéder à des pièces utiles à leurs travaux, et qu’ils avaient déjà eu l’occasion de consulter quelques mois ou années auparavant sans qu’on leur oppose la moindre restriction. « L’instruction générale est-elle plus forte que la loi ? », interroge Noé Wagener, professeur de droit public, auteur du recours fait devant le Conseil d’Etat, le 23 septembre. Selon les requérants, « les dispositions de l’article 63 sont illégales », car le code du patrimoine, tel que défini par la loi de 2008, dispose que, « passé le délai de cinquante années, les documents susceptibles de porter atteinte au secret de la défense nationale deviennent communicables “de plein droit” » et l’administration « ne peut intercaler aucune formalité ou procédure qui ajouterait une condition non prévue par le texte ». De plus, relèvent-ils dans leur requête, « au moment de la discussion de la loi de 2008, aucune administration ni aucun parlementaire n’ont envisagé la création d’un processus de déclassification des archives publiques librement communicables ».Interprétation erronée de la loi
Pour les requérants, leur demande s’inscrit dans l’annonce faite, il y a deux ans, par le président de la République, lors de sa visite chez Josette Audin, en septembre 2018, d’ouvrir les archives au grand jour, et notamment celles qui concernent la guerre d’Algérie. Alors pourquoi les services du premier ministre font-ils obstacle ? Réponse : toute personne qui dévoile ou aide à dévoiler des documents classés est passible de poursuite pénale, argumente le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Interprétation erronée de la loi, rétorquent les requérants qui mettent en cause l’armée :« A la vérité, [cette disposition de l’IGI] s’interprète manifestement comme une tentative illégale de reprendre la main sur des archives, spécialement celles qui concernent la guerre d’Algérie et ses suites, sur lesquelles l’administration n’a plus de contrôle par l’effet de l’écoulement du temps. »
Une manière de dénoncer, en termes choisis, le comportement de l’institution militaire. Laquelle, selon de nombreux archivistes et historiens spécialistes de la guerre d’Algérie, ne veut pas que sortent au grand jour et sans filtre des documents révélateurs de pratiques illégales, voire criminelles, dont l’armée se serait rendue coupable entre 1954 et 1962. La tension est telle que, depuis plusieurs mois, les responsables de l’administration cherchent un compromis. Plutôt que de déclassifier les documents pièce par pièce, comme cela se fait depuis janvier, une déclassification carton par carton pourrait être mise en œuvre afin d’accélérer le processus. Une solution que rejettent archivistes et historiens. « Nous contestons le fondement de la procédure introduite au début 2020 et pas les modalités », insiste Céline Guyon, présidente de l’Association des archivistes français. Même rejet de la part de l’historienne Raphaëlle Branche, spécialiste de la guerre d’Algérie, selon laquelle « une nouvelle version de l’IGI 1300 entérinerait la situation actuelle ». Décider à ne rien lâcher, le collectif veut alerter, dans les prochaines semaines, Emmanuel Macron sous la forme d’une lettre ouverte. Manière de rappeler au chef de l’Etat ses engagements d’il y a deux ans.
Tribune.
Source Depuis de longs mois, des archivistes, des juristes, des historiennes et des historiens, relayés par une pétition signée par plus de 15 000 personnes, dénoncent une restriction sans précédent dans l’accès aux archives contemporaines de la nation. L’application d’un texte de valeur réglementaire, l’article 63 de l’instruction générale interministérielle n° 1300 (IGI 1300), conduit en effet à subordonner à une procédure administrative dite de « déclassification » toute communication d’archives antérieures à 1970 qui portent un tampon « secret ». Cette procédure administrative, désormais appliquée de manière systématique, est désastreuse pour l’accès aux archives publiques. Elle est désastreuse dans ses modalités, d’abord, car sa mise en œuvre se révèle extrêmement lourde. Elle conduit à bloquer pendant des mois, voire des années, l’accès aux documents concernant les épisodes les plus controversés de notre passé récent, qu’il s’agisse des périodes de l’Occupation, des guerres coloniales ou de l’histoire politique de la IVe République et des débuts de la Ve République. Elle crée, en outre, des situations proprement ubuesques, quand des historiennes et des historiens se voient refuser l’accès à des documents qu’ils avaient déjà consultés il y a quelques années, et dont certains ont même été reproduits et publiés. « Seul l’accès aux archives peut garantir un examen informé et contradictoire de notre histoire récente »
Pratique procédurale sans assise légale
Mais cette procédure administrative de « déclassification » est aussi désastreuse dans son principe même, dès lors qu’elle est appliquée à des archives publiques antérieures à 1970. Faut-il rappeler que la loi prévoit que les archives publiques « dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale » deviennent « communicables de plein droit » à l’expiration d’un délai de cinquante ans, sans qu’aucune autre condition particulière puisse être exigée ? Communiquer ces archives sans les déclassifier, ce n’est pas compromettre le secret de la défense nationale, dans la mesure où le législateur a établi ce que, en droit pénal, on nomme une « permission de la loi », qui a précisément pour fonction de neutraliser l’infraction de compromission. Ici, l’atteinte au droit d’accès aux archives publiques – un droit constitutionnellement protégé – est manifestement caractérisée, et cette pratique procédurale, sans assise légale, vient saper les principes fondamentaux qui règlent les lois sur les archives depuis 1979. La situation est donc intenable sur le plan juridique et en pratique, aussi bien pour les historiennes et historiens que pour les archivistes. Elle est surtout insupportable car, en entravant l’accès à la documentation la plus sensible portant sur le passé récent de notre pays, elle paralyse le travail critique sur des questions d’intérêt public qui intéressent et interrogent notre présent. Et pourtant, cette situation perdure. Face à ce constat, l’Association des archivistes français, l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’Association Josette et Maurice Audin, accompagnées d’un collectif de personnalités françaises et étrangères du monde des archives, de l’histoire et du droit, se sont donc résolues à saisir le Conseil d’Etat le 23 septembre 2020, afin que l’illégalité de l’article 63 de l’IGI 1300 soit constatée.Espoirs douchés
Une donnée nouvelle est entre-temps survenue. Ce mardi 29 septembre, une réforme de l’instruction générale interministérielle n° 1300 a été présentée devant le Conseil supérieur des archives, l’organisme consultatif en matière d’archives placé auprès de la ministre de la Culture et présidé par l’ancien président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré. En soi, le principe d’une telle réforme doit être salué. Mais nos espoirs ont immédiatement été douchés. Force est de constater que les orientations nouvelles qui ont été présentées ne répondent pas aux deux principales critiques qui ont justifié la saisine du Conseil d’Etat : d’une part, le principe de l’obligation de déclassification des archives publiques antérieures à 1970 est confirmé ; d’autre part, si d’incontestables efforts sont fournis pour fluidifier la procédure de déclassification, aucun encadrement des délais de celle-ci n’est organisé. Alors que nous apprenons que cette réforme de l’IGI 1300 sera publiée « dans les prochains jours », nous nous tournons, en désespoir de cause, vers le président de la République. A plusieurs reprises déjà, et ce vendredi 2 octobre encore, M. Macron a appelé à un débat sur le passé colonial de notre pays et témoigné d’une conviction profonde, que nous partageons : seul l’accès aux archives, dans le respect de la loi, peut garantir un examen informé et contradictoire de notre histoire récente, ce que la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a d’ailleurs réaffirmé avec vigueur en ouverture de la séance du Conseil supérieur des archives. Il faut que le président de la République le comprenne : le temps presse, mais il est encore possible de reprendre cette réforme que ses administrations ont préparée.
Céline Guyon (Présidente de l’Association des archivistes français), Clément Thibaud (Président de l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche) et Pierre Mansat (Président de l’Association Josette et Maurice Audin).
Histoire.
Un recours contre le « confinement » des archives nationales
Une question qui concerne les droits de tous les citoyens
« Il s’agit bien sûr d’une question qui concerne les historiens et les archivistes mais c’est une question qui concerne tous les citoyens » a expliqué Pierre Mansat, représentant de l’Association Josette et Maurice Audin, concluant la conférence de presse du collectif d’associations et de personnalités faisant recours auprès du Conseil d’Etat pour demander l’abrogation des éléments de l’arrêté incriminé dans cette situation. Cette initiative visant à interpeller les médias et l’opinion publique organisée hier [1er octobre 2020] à l’initiative de l’Association des archivistes français (AAF), de l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) ainsi que de l’Association Josette et Maurice Audin, a été en outre l’occasion de préciser le sens de leur démarche.« Ce que nous contestons, c’est le caractère illégal de cette procédure administrative qui vise à apposer physiquement une marque de déclassification sur l’ensemble des documents portant tampon « secret-défense » s’agissant des archives antérieures à 1970, c’est-à-dire des archives qui, du point de vue de la loi, sont communicables de plein droit » a expliqué Céline Guyon, présidente de l’AAF.
« L’administration s’est mise dans une situation confortable dans la mesure où aucun délai n’est prévu pour cette procédure de déclassification qui peut être différée de manière indéfinie, le délai normal de communication d’une archive étant d’un mois » a souligné pour sa part Noé Wagener, professeur de droit public. « Le fait que le délai normal de communication des archives soit mis à bas au profit d’un absolu non-délai nous paraît être en contradiction profonde avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui justement a constitutionnalisé le droit d’accès aux archives » a-t-il précisé. En arrière-plan de toute cette affaire, le soupçon d’une volonté de l’Etat, malgré les déclarations officielles de ses représentants dont celles du Président de la République, de couvrir d’une chape de plomb une période de l’histoire contemporaine dont la connaissance ne saurait être légitimement entravée ou rendue inaccessible aux citoyens et aux chercheurs dans un état de droit démocratique.
Actualités
L’ombre du général Massu menace-t-elle toujours ceux qui travaillent
sur la guerre d’Algérie ?
Le Président de la République souhaite que toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens.
Bras de fer et pourrissement
D’après une lecture étroite du texte, l’administration est en droit de limiter la communication de ces pièces. Et c’est ce que le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a instamment demandé aux archivistes, en janvier 2020. Explication : pour être rendues accessibles, comme le promet pourtant la loi, ces pièces devraient être déclassifiées une par une. En soi, c’est déjà une sacrée usine à gaz quand on sait la quantité de documents annotés “secret défense” dans certains pans de l’histoire de France, comme par exemple la guerre d’Algérie. Mais de surcroît, ces mêmes documents doivent, selon le SGDSN, être déclassifiés par l’institution qui en a limité l’accès. C’est-à-dire que c’est l’autorité qui a produit les archives en question qui doit être en mesure d’autoriser leur communication au public. Au problème concret, et matériel, que posent autant d’opérations au coup par coup, c’est finalement un problème éthique que pointent tous ceux qui se sont rassemblés derrière le recours introduit auprès du Conseil d’Etat : comment peut-on travailler sereinement, et en toute liberté académique, à l’histoire d’un épisode historique dès lors que l’institution, partie prenante dans l’événement, peut bloquer la connaissance qu’on en a ? Lors d’une journée d’étude sur la guerre d’Algérie et ses archives que nous avions déjà évoqués par ici, plusieurs archivistes avaient sonné l’alerte devant la fermeture qu’ils voyaient venir : que le Général Massu ait tamponné des kilos de notes de service “secret défense” suppose-t-il qu’on cesse de documenter la réalité de sa contribution à la guerre d’Algérie, et par exemple cet épisode resté comme “la Bataille d’Alger”, qui s’est soldé par des milliers de disparitions et de nombreuses sorties de route par rapport aux règles de l’Etat de droit ? En 1972, sur France Culture, Pierre Vidal-Naquet dénonçait par exemple les pratiques dont il sera l’un des premiers intellectuels français à parler à voix haute et avec force :Les Nuits de France Culture
(35 min)
1972. Notre temps – Entretiens avec Pierre Vidal-Naquet sur la torture au micro d’Anouk Adelmann diffusés la 1ère fois les 3, 4 et 5 avril 1972 sur France Culture.
Pierre Vidal-Naquet : « Dans la guerre d’Algérie la torture n’était pas un accident, il s’agissait d’un système dans lequel l’Etat tout entier s’était trouvé engagé ».
Des archives pour dire et pour savoir
En empêchant, de gré ou de force, un accès plus fluide aux archives, on n’entrave pas seulement la connaissance, pointilliste et éminemment empirique, des pratiques et des façons de faire de l’armée française, qui prit l’ascendant sur le pouvoir civil métropolitain, à Alger, au plus fort de la guerre. En compliquant les démarches et les recherches des uns et des autres, qu’ils soient chercheurs ou descendants des disparus ou des appelés, on complique aussi inextricablement un accès à une mémoire déjà fragile. Car l’histoire de la guerre d’Algérie et de ses résidus est déjà tissée de silences tellement puissants, et tellement verrouillés eux-mêmes déjà, que la parole fut longtemps trop douloureuse, trop bancale, trop périlleuse en somme. Y compris du côté des appelés, qui sont finalement peu nombreux à avoir témoigné, depuis la séquence qui les a projetés, à vingt ans tout juste, au cœur de la machine de guerre coloniale. Le livre que vient de publier l’historienne Raphaëlle Branche aux éditions de La Découverte ce mois de septembre 2020, « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » est édifiant à cet endroit, tant il permet de toucher du doigt à quel point les silences, les empêchements, quelques conflits de loyauté et une bonne dose de sidération ont cristallisé ensemble, pour finalement empêcher un récit de se déplier. Auprès des siens (au creux des familles), ou à destination des historiens (et donc du plus grand nombre), la parole a déjà eu un mal infini à se frayer un chemin entre les souvenirs, le déni et quelque chose comme la perte de sens. L’accès à des documents bien concrets, dont on peut penser qu’ils peuvent nourrir le récit en dépit d’un coup de tampon rouge, apparaît donc d’autant plus crucial. Il en va en fait de la capacité à dire, et aussi de la capacité à savoir. Car le collectif qui a déposé la requête devant le Conseil d’Etat l’affirme : il ne s’agit pas seulement d’une question d’organisation concrète, qui pourrait se résoudre en acceptant par exemple le principe d’une déclassification carton par carton pour aller plus vite. Eux le refusent : c’est le principe même de l’intrusion de cette instance militaire placée sous l’autorité du premier ministre que les requérants contestent, depuis la réflexion sur l’histoire, et sur l’éthique du récit historien, qui est la leur depuis plusieurs décennies. Du jour au lendemain, début 2020, ce sont des pans entiers de notre histoire collective qui sont ainsi retombés dans le secret et l’obscurité d’arcanes soudainement verrouillées à double tour. Concrètement, ce tour de vis de l’appareil administratif et militaire a aussi signifié un arrêt brutal de nombreux travaux d’étudiants, et plusieurs thèses stoppées en rase campagne faute d’accès aux sources. Dans les centres d’archives, les archivistes sont face à des consignes strictes : quiconque dévoilerait ou aiderait à dévoiler des documents classés s’expose à des poursuites pénales. Le premier semestre de l’année 2020 a été un temps de concertation, et de rassemblement, pour l’Association des archivistes français (AAF), l’Association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche (AHCESR) et l’Association Josette et Maurice Audin, qui ont dépassé 15 000 signatures sur une pétition toujours en ligne. Ensemble, et accompagnées d’un collectif de personnalités du monde des archives, de l’histoire et du droit, ils ont écrit au premier ministre au mois de juin 2020 pour réclamer l’abrogation de l’article 63 du texte, à la source du blocage. Aucune réponse de Matignon depuis lors. Cette requête déposée devant le Conseil d’Etat est la troisième étape.L’interview du président
de l’Association Josette et Maurice Audin,
Pierre Mansat,
par Magali Lagrange,
diffusé le 4 octobre 2020
par Radio France internationale (RFI)
Radio France internationale (2 minutes) ]
La dépêche de l’Agence France Presse
Archives secrètes en France : des historiens se tournent vers la justice
Paris, 1 oct 2020 (AFP) – Seconde guerre mondiale, période coloniale, guerre d’Algérie : plusieurs associations et historiens ont annoncé jeudi avoir déposé un recours au Conseil d’Etat pour réclamer l’accès aux archives secrètes françaises de plus de 50 ans, théoriquement ouvertes. Le recours, par lequel elles demandent l’abrogation d’une restriction administrative de 2011 qui entrave de fait la consultation des archives, a été soumis le 23 septembre par l’Association des archivistes français, l’association des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’association Josette et Maurice Audin (un professeur assistant, militant de l’indépendance algérienne tué par l’armée française en 1957) ainsi que par un collectif de personnalités. Les chercheurs affirment que ces restrictions entravent leurs travaux. « Il s’agit d’une démarche inédite par son caractère collectif », s’est félicitée lors d’une conférence de presse Céline Guyon, de l’Association des archivistes. Le recours au Conseil d’Etat, juridiction administrative suprême, est l’aboutissement d’une série d’autres actions, dont une lettre au Premier ministre et une pétition qui a recueilli plus de 15 000 signatures. Ils dénoncent l’application très stricte depuis environ un an d’une procédure administrative qui impose de déclassifier, un par un, tous les documents tamponnés comme « secrets », réglementée par l’article 63 d’une instruction générale interministérielle (IG) datant de 2011. Selon les plaignants, cette disposition est « illégale » puisqu’une loi datant de 2008 prévoit que les archives de plus de 50 ans sont librement accessibles. En outre, soulignent les associations, si l’arrêté exigeant une déclassification document par document date de 2011, il est appliqué de façon bien plus stricte depuis la fin 2019. Claire Miot, enseignante à Sciences Po Aix-en-Provence et historienne du fait militaire pendant la seconde guerre mondiale, a noté que « de facto une grosse partie des archives, policières, militaires ou politiques ont un tampon secret défense ». Et selon elle, « il est devenu très difficile d’obtenir ce type de documents et donc d’écrire une histoire scientifique de la guerre d’Algérie ou des guerres de décolonisation ». « C’est en contradiction avec le discours du président (Emmanuel Macron) sur une plus grande ouverture des archives, cela ralentit énormément les travaux de recherche », a-t-elle expliqué dans la même conférence de presse. Certains de ses collègues ont évoqué des délais pouvant aller jusqu’à 5 ans pour obtenir la déclassification. « Le discours d’ouverture du président (Macron) a pu entraîner des tensions au sein des administrations et notamment des Armées. On a tous senti que la guerre d’Algérie est le point de blocage », estime Claire Miot. Selon l’historien Gilles Morin, « on a reçu des plaintes d’étudiants qui travaillent sur l’OAS (organisation secrète proche de l’extrême-droite qui refusait la décolonisation, ndlr), sur le SAC (sorte de police parallèle instituée sous le général de Gaulle, ndlr) qui essuient soit des refus ou reçoivent des cartons expurgés ».