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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

contre la suppression de l’esclavage et des Lumières des « points forts » de l’école primaire

La LDH dénonce la suppression de ces deux thèmes fondamentaux pour la compréhension de la France d’aujourd’hui. Si l'on en croit Benjamin Stora, ce ne sont malheureusement pas les seuls allègements que l'on puisse déplorer dans les programmes d'histoire !
[Première mise en ligne le 29 oct. 07, mise à jour le 5 nov. 07]

COMMUNIQUE LDH

Paris, le 29 octobre 2007

Contre la suppression de l’esclavage et des Lumières des « points forts » de l’école primaire

L’esclavage et la traite négrière sont entrés dans les programmes de l’école primaire en 2002, en même temps que cette question était inscrite dans les « points forts » du cycle 3, c’est-à-dire, en l’occurrence, la liste officielle des faits que les élèves de CM1 doivent essentiellement retenir sur la période qu’ils abordent, qui va du début des Temps modernes à la fin de l’époque napoléonienne : 1492-1815.

Mais, sous prétexte de simplification des programmes, le thème de l’esclavage a été, par un arrêté du 4 avril 2007, supprimé de ces « points forts » – en même temps que les Lumières, l’inégalité juridique des femmes et le génocide nazi…

Le Conseil supérieur de l’éducation du 20 septembre 2007 a rétabli la Shoah et l’inégalité juridique des femmes comme « points forts » des programmes, mais il ne l’a fait ni de l’esclavage, ni des Lumières.

La Ligue des droits de l’Homme dénonce la suppression des « points forts » des programmes de l’école primaire de ces deux thèmes, qui sont fondamentaux pour la compréhension de la France d’aujourd’hui, et demande au ministre de l’Education nationale de faire le nécessaire pour qu’ils soient rétablis au plus tôt.

Communiqué Section de Cayenne

Cayenne, le 29 octobre 2007

La Ligue des droits de l’Homme, section de Cayenne, constate que l’arrêté du 4 avril 2007 publié au Bulletin officiel de l’Education nationale (Hors série n° 12 du 5 avril 2007) modifie les programmes d’Histoire à l’école élémentaire élaborés en 2002.

Ces programmes de l’enseignement scolaire sont non seulement purgés de toute référence à la diversité, au brassage et au métissage des populations qui ont fait la France, mais le Siècle des Lumières et l’inégalité juridique des femmes au 19ème siècle ainsi que le crime contre l’humanité que constitue l’esclavage sont supprimés des points forts à étudier en classe. En effet, si la référence à la période figure toujours dans les programmes, les Lumières et l’esclavage sont exclus des grandes questions à faire mémoriser aux élèves

Pourtant l’article 2 de la loi Taubira stipule : « Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent. ».

En procédant à ce tri indigne qui rappelle d’autres tris honteux à nos frontières, dans nos rues, devant nos écoles quand ce n’est pas à l’intérieur de celles-ci, le ministre de l’Education nationale impose une lecture univoque de l’histoire.

Il exclut des savoirs scolaires les faits du passé qui éclairent notre présent, tels les progrès de la raison et la naissance de la citoyenneté, ou qui sont constitutifs de l’identité des citoyens dont une partie vient de son ancien empire colonial, tels la traite négrière et l’esclavage.

C’est pourquoi la Ligue de droits de l’Homme, section de Cayenne, réaffirme que l’enseignement de l’Histoire ne peut être l’enjeu de stratégies politiques ou de choix idéologiques.

Elle refuse que l’on prive les citoyens ainsi que les futurs citoyens que sont les élèves de nos écoles des connaissances leur permettant de construire un avenir commun riche de toutes nos diversités.

Elle dénonce vigoureusement ces suppressions.

L’histoire amputée

J’ai reçu une lettre hier de deux enseignants d’histoire. Il n’est pas question cette fois de Guy Môquet. Ils m’alertent sur des changements dans les programmes scolaires. Parmi d’autres exemples, dans un programme proposé aux terminales des sections anciennement appelées «techniques», les séquences réservées à la guerre d’Algérie ont tout simplement disparu… C’est sans précédent. Heureusement, les professeurs savent composer avec les programmes proposés par le ministère. Mais alors que l’histoire coloniale nous revient, que la question de la mémoire nous est posée avec virulence et acuité par ces élèves dont les parents sont issus de populations maghrébines ou africaines, comment expliquer cette amputation des programmes ? A l’heure où un ministère veut dessiner les contours d’une identité nationale en codifiant les critères d’appartenance, il s’avère plus que jamais nécessaire de faire de l’histoire, c’est-à-dire d’enseigner la complexité du passé pour construire l’agir politique de demain.

Les étrangers au musée

L’Assemblée nationale a voté la loi sur l’immigration. Alors que les débats font rage, la toute nouvelle Cité nationale de l’histoire de l’immigration nous rappelle qu’il ne s’agit pas là de questions abstraites. Elle montre les parcours de travailleurs italiens, espagnols, portugais, les trajectoires des ouvriers des anciennes colonies, Algériens, Marocains ou Sénégalais. Elle rappelle que tous ces hommes ont construit des routes, des ports et des quartiers de villes ; ont combattu dans l’armée française lors des deux conflits mondiaux, constituant une partie importante des armées de la France libre, qui débarquèrent sur les côtes de Provence, en août 1944. Sans oublier Picasso, Modigliani, ou encore Chagall, ces immigrés, ces exilés attirés par le rayonnement et la liberté de Paris.

Du travail à l’art, la manière la plus simple d’anoblir l’immigration, nous disent les responsables de cette cité, est de montrer tout ce que la France doit à ces immigrés ou à leurs enfants, célèbres ou non. La France d’aujourd’hui ne saurait l’oublier. Je me demande seulement s’il sera possible de faire coïncider cette cité de l’immigration, décidée en son temps par Jacques Chirac, avec la politique dominée par la restriction des droits des étrangers, d’atteinte au droit d’asile ou à celui de mener une vie familiale normale. Et je m’étonne de l’absence de toute référence à la guerre d’Algérie.

Benjamin Stora1

  1. Extraits de «Plus que jamais proche de Camus»,
    Libération le 3 nov. 2007.
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