La réponse du Comité des droits de l’homme1 est tombée, par un curieux hasard de calendrier, le 1er novembre 2006 : irrecevable. L’avocat de l’association, Maître Alain Garay, réclamait à cette époque la bagatelle de 12 milliards d’euros. La Cour européenne s’étant déclarée incompétente, l’avocat de l’association avait décidé de saisir le Comité des droits de l’homme de l’ONU du fait que l’Algérie avait ratifié le Pacte international des droits civils et politiques. La réponse négative apportée le 1er novembre à une plainte d’un citoyen français, anciennement domicilié à Oran et qui avait quitté l’Algérie au lendemain de l’indépendance, a valeur de jurisprudence. Les centaines d’autres plaintes, six cents d’après les associations de pieds-noirs, reçoivent automatiquement le même jugement d’irrecevabilité.
Les attendus de la plainte examinée sont pratiquement les mêmes que les autres : atteinte à la propriété, discrimination, privation de biens et de moyens de subsistance, anéantissement du droit de choisir librement sa résidence en Algérie, immixtion illégale dans le domicile du requérant, atteinte à l’honneur et à la réputation.
Bref, c’est quasiment l’indépendance de l’Algérie qui devenait « responsable » des malheurs de ce ressortissant français. C’est d’ailleurs le sentiment exprimé de mille et une manières par les sites pieds-noirs qui ont reconstitué sur la toile le pays perdu et cultivent une nostalgie non dépourvue d’un refus des réalités. L’afflux de plaintes contre l’Etat
algérien – mais également contre l’Etat français – auprès du Comité des droits de l’homme est d’un point de vue légal justifié par le fait que l’Algérie a ratifié en 1989 le Pacte sur le droits civils et politiques. L’Etat reconnaît de ce fait la compétence du Comité des droits de l’homme à être saisi des plaintes d’individus qui estiment que leurs droits prévus par le Pacte ont été bafoués. L’Algérie, qui a coopéré avec le mécanisme onusien, a fait valoir que la plainte déposée heurtait le principe même du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En somme, c’est l’indépendance de l’Etat algérien qui est considérée comme coupable, ce qui est en effet une légitimation de la colonisation. L’argumentaire algérien s’est fondé également sur le principe universel de non-rétroactivité des lois. Le Pacte international date de 1966 et l’Algérie l’a ratifié en 1989.
A cette date, l’auteur de la plainte n’avait aucun lien de rattachement par la nationalité à l’Algérie, pays qu’il a quitté volontairement. En outre, la saisine du Comité des droits de l’homme n’est valable qui si les voies de recours prévues par les accords d’Evian et le système judiciaire algérien ont été épuisés, ce qui n’est pas le cas. Le Comité des droits de l’homme a rejeté par 14 voix sur 15 la communication en l’estimant irrecevable, tout en soulignant que la question du droit à la propriété invoquée par le requérant n’était pas garantie par le Pacte.
Trois membres du Comité ont exprimé, dans une « opinion » additive, qu’il y avait un abus du droit de plainte de la part du requérant. Une opinion qui s’applique aux centaines d’autres plaintes déposées par des pieds-noirs. Le Comité des droits de l’homme a en effet considéré la décision du 1er novembre comme « pilote » et donc applicable aux 600 autres communications portant sur le même sujet. Le 1er novembre n’est décidément pas favorable aux anciens de la coloniale….
Une association de pieds-noirs, l’USDIFRA, avait annoncé en 2004 le dépôt d’une plainte contre l’Etat algérien pour spoliation auprès du Comité des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Ils seront en définitive quelque 600 à le faire effectivement en 2005.
- La décision du Comité des droits de l’Homme est accessible : http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/0/77ff79171db62fa4c12572590053f4a4?Opendocument .